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4 août 2006 5 04 /08 /août /2006 09:00

Le gros Pochon aimait être entouré, écouté, révéré par les multiples carpettes qui se pressaient à sa table. Ce dimanche-ci, sous les charmilles, en famille, plastronnant, émoustillé par la gorge plantureuse de Lucienne, dopé par sa démarche chaloupée et ses minauderies, il en fit des tonnes, égrenant le chapelet de ses relations comme un clebs venant de choper un écheveau de saucisses, glosant sur l'état du monde tel un Alexandre Adler carburant au Brouilly, distribuant des bons et mauvais points aux maîtres du monde et aux tauliers du monde du vin. La totale pensait la Clairette en glissant son joli pied nu dans l'arceau des cuisses de Léon qui ne se départissait pas pour autant de sa mine des mauvais jours. Face à ce tableau provincial, en parfaite maîtresse de maison, la maman de Léon tentait d'orienter la conversation en tendant des perches à son pauvre rejeton étouffé par la logorrhée paternelle. En vain. Contre toute attente ce fut, au dessert, la petite Fougère qui porta le fer. Elle fit tinter son verre, réclamait le silence et se lançait dans une diatribe échevelée face à un gros Pochon estomaqué. La chute de ses propos acérés fut lapidaire : " votre fils a besoin de vous, alors, pour une fois dans votre putain de vie : fermez votre grande gueule et répondez présent ! "

Croquis à la Dubout d'un hiérarque au bord de l'apoplexie, veau marin échoué sur une rive inhospitalière, désarçonné mais sauvé en dernier ressort par la main de Lucienne qui se posait discrètement sur la jambière de son pantalon en appui d'une exégèse pacificatrice des propos vinaigrés de la jeune effrontée : " Les grands chênes doivent, le moment venu, à l'heure des grandes transmissions entre les générations, laisser filtrer au travers de leur opulent houppier le trait de lumière, l'étincelle de vie qui permettra au petit gland de trouver force et énergie pour s'élever, s'extraire du terreau... " La petite Fougère pouffait, se levait, levait sa coupe : " petit gland deviendra grand si Dieu, ici présent, lui prête vie... " la vidait cul sec et la projetait à la boyard par-dessus son épaule.

Ainsi fut scellé, sous l'empire de la nécessité, le pacte des 2 Pochon. Tout le restant du jour se passa dans une atmosphère digne du déclin d'un grand feudataire. Le gros Pochon semblait se vider de sa substance, outre sèche, gris et fini. Face à une Lucienne volubile et aguicheuse il sombrait dans une sieste qu'il aurait, au temps de sa gloire, voulue crapuleuse. La Clairette batifolait sous les pommiers. Léon rêvassait. Abandonnant son rôle de séductrice, Lucienne se muait en femme bien comme il faut en taillant une bavette avec la maman de Léon. S'attirer ses bonnes grâces lui semblait la stratégie la plus efficace pour détourner le Léon des appâts de la petite Fougère. Lorsqu'ils s'en retournèrent sur Paris, Léon dormait sur la banquette arrière, et les deux rivales, avec une économie mots propre aux femmes amoureuses, se défièrent, se jaugèrent et, l'une comme l'autre, se confortèrent dans leur absolue certitude : triompher ! Le petit Pochon,lui, rêvait, pour de vrai.  

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