Au temps où les éniments représentants de la région délimitée du Cognac secoués par la chute vertigineuse des ventes asiatiques me jaugeaient dans la grande salle de réunion du BNIC, attentistes et suspicieux, se demandant ce que ce chargé de mission pink, que des journalistes, toujours en quête de sensationnel, avaient baptisé le Red Adair de la viticulture, allait sortir de sa boîte à malices qui puisse écorner l'ordre éternel du vignoble charentais, la consultation des statisques de ventes m'avait fait pointer l'évolution encourageante sur le marché des USA. J'en fit la remarque au chef de famille du négoce lors d'un déjeuner - j'adorais ces déjeuners - et je m'attirai cette réponse : " c'est une consommation ethnique... "
Décodage : les noirs et les hispaniques de la classe moyenne US pour se singulariser face aux WASP s'envoyaient des Cognac en long drink, des trois étoîles mon cher, marquetés, du tout bon pour Hennessy et tous ceux qui ont pris sa roue, mais... Le mais, toujours le mais, sous-entendu : cachez-moi ce sein que je ne saurais voir, parlez-moi des VSOP , XO et autres Borderies ça c'est le Cognac ! Fermez-le ban ! La suite est connue, les rappeurs américains se sont emparés du Niac et le tube " Pass the Courvoisier " aurait permis à cette antique marque d'augmenter ses ventes de 30% depuis 2002...
Ma chronique pourrait s'arrêter là si un nouveau fait d'armes, rapporté dans le Nouvel Obs du 20-26 juillet, ne venait relancer notre goût immodéré pour la suffisance. En quelques mots - je m'appuie sur mes sources NO - Jay-Z, îcone du rap américain, compagnon de Beyoncé, n'avait de cesse de chanter son amour pour Cristal de Roederer, objet culte de ses soirées branchées. Ce garçon est une bénédiction pour les marques françaises puisque, grand amateur de Rémy-Martin, il a baptisé un salon de son club de New-york, le 40/40, " Rémy ". Bref, le directeur de Roederer, interrogé sur le succès de sa marque auprès des rappeurs et sur l'éventuel impact en terme d'image, aurait répondu : " Que puis-je y faire ? Nous ne pouvons empêcher les gens de l'acheter." Conséquence : boycott et la fine fleur du show bizz s'est affichée aux MTV Music Awards avec du Dom Pérignon ou de la Veuve Clicquot.
Anecdotique diront certains, pour ma part si les propos rapportés sont exacts, je ne m'étonne pas que la présence d'Harry Rosenback sur TF 1 soit considérée comme un évènement dans notre douce France. Comme l'aurait dit mon grand-père : ya des coups de pieds au cul qui se perdent... Encore un effet de la foutue mondialisation : on est obligé de vendre à plein de gens qui ne sont pas comme nous ma bonne dame...