Dans une récente chronique je lançais à l’adresse des prohibitionnistes, du lobby blanc, de tous ceux qui voulaient bloquer l’accès de l’Internet au vin : « de quoi vivrons-nous demain ? » en référence à tous nos territoires qui vivent, pour certains même, qui ne vivent que de la vigne et du vin. Appliquée au Lubéron, la notion de vivre au pays peut faire sourire les contempteurs des bobos de gôche, des peoples qui, dès que j’avoue passer des vacances à Buoux dans le Luberon, même si c’est dans un gîte rural, trouvent que je suis bien adapté au paysage. Et Dieu qu’il est beau le paysage ! Dieu qu’ils sont magnifiques ces villages perchés, accrochés aux flancs des coteaux, aux noms évocateurs : Gordes, Roussillon, Lacoste, Ménerbes, Bonnieux, Saignon, Joucas… Et quelle splendide lumière, celle du matin diaphane comme celle du soir adoucie par la tombée du crépuscule jetant sur l’ardeur du jour un filtre apaisant. Comment ne pas tomber amoureux de ce pays où se mêlent le violet des champs de lavande, le vert tendre des vignes, celui plus soutenu des oliviers, le rouge des bigarreaux… prendre l’apéritif sous les treilles à … dîner en terrasse à Lourmarin… chiner à l’Isle-sur-Sorgue… faire son marché paysan à Velleron… Oui bien sûr, Peter Mayle, John Malkovitch, Wolinski, Jean Lacouture et bien d’autres sont tombés sous le charme, comme moi, mais comme moi, ils n’y vivent pas.
Le Luberon n’est pas qu’une carte postale pour touristes. C’est un pays où il faut aussi s’accrocher pour vivre, le faire vivre. Savez-vous où se trouve la Tour D’Aigues siège social de Marrenon ? Marrenon est un groupe coopératif, une Union, à taille humaine, qui depuis 40 ans, avec ses 2000 vignerons, ses 8500 ha, entre Luberon et Ventoux, relève le défi du quotidien. Dans l’univers des critiques, des rédacteurs de Guides, l’aventure collective a mauvaise presse, seule pour eux le vigneron solitaire peut tirer la quintessence des lieux où s’accroche sa vigne. Vision élitiste, teintée chez certains de bonne conscience ripolinée en éthique, qui rend la tâche de ceux qui pensent que l’aventure collective est tout autant porteuse de valeur au singulier comme au pluriel. Faire bouger le plus grand nombre est bien plus difficile, plus usant, que de mener sa propre barque pour son propre compte. Par bonheur il existe des hommes qui s’y collent. Jean-Louis Piton est de ceux-là.
Depuis 5 ans, avec son équipe, mettant un peu de distance avec ses « responsabilités nationales », il a entrepris d’affranchir son groupe coopératif de l’inertie propre à ce mode d’organisation et de gouvernance. Innover, bousculer les habitudes en gardant des valeurs, afficher des ambitions claires à l’international, mettre le consommateur au centre des préoccupations de ceux qui cultivent la vigne et de ceux qui font le vin, placer le développement durable au rang des priorités, faire vivre dignement au pays ce groupe humain, pourrait relever de la pétition de principes, du plus pur effet d’affichage. Rien de tel, la « maison Marrenon » – vous savez que j’aime cette appellation qui inspire confiance – progresse, s’affirme et propose une gamme de vins mariant une collection traditionnelle avec les AOC Luberon et Ventoux, une plus contemporaine plutôt axée sur les cépages, et un Luberon Organic by Marrenon issu de l’Agriculture Biologique. Moi que voulez-vous, n’en déplaise à ceux qui soi-disant sillonnent la France des terroirs sans jamais aller voir ceux qui font lever la pâte, en se contentant d’aller voir ceux que tout le monde va voir, je dis chapeau !
Ce matin pour mettre l’eau à la bouche j’ai choisi de vous présenter son coffret de 3 vins de cépages : Chardonnay, rosé de Syrah et Syrah, associé à des recettes de Tapas concoctées par Sonia Ezgulian. Les grincheux vont me faire remarquer que ça n’a rien d’original, que ce n’est qu’un coup marketing, que bla, bla, bla y ‘a qu’a… En réponse je pourrais répondre « z’êtes des vieux cons ! » mais, comme j’entre dans la catégorie des vieux, des seniors dit la SNCF, je me contenterais d’écrire : la découverte par le néophyte commence souvent par la simplicité, le plaisir simple, le verre en terrasse avec tapas ou autres amuses-bouches. Dans un temps reculé j’ai écrit, et je l’écrirais encore, qu’il fallait faire des vins bien dans leurs baskets pour que les néo-consommateurs puissent se saisir du fil rouge qui leur fera découvrir la « merveilleuse complexité de nos AOC. Xavier de Eizaguirre de Baron Philippe, affirme que c’est la seule démarche qui vaille pour que nous tirions les bénéfices de notre approche terroir. Que Marrenon nous propose des vins bien dans leurs baskets, des vins qui viennent de son terroir, comme porte d’entrée du Luberon qui y’a-t-il à redire, surtout de la part de ceux qui comme Perico Légasse chantent les produits de notre doulce France ? Rien !
En revanche il y a beaucoup à dire sur Sonia Ezgulian. Malicieuse, elle porte sur la cuisine un regard plein d’une candeur rafraîchissante qui nous change du convenu d’un secteur encombré par les débiteurs de recettes. Ce que j’aime aussi chez elle c’est sa curiosité, son inventivité, son âme d’enfant qui lui ont permis de concevoir et de créer une biennale gastronomique : « La sardine fait son intéressante ». Pour ceux qui connaissent mon amour pour la sardine voir chronique « Sardines et millésimes » http://www.berthomeau.com/article-15658750.html j’applaudis des deux mains C’est un concours de recettes de sardines fraîches voir chronique « Le beurre de sardines » http://www.berthomeau.com/article-4901407.html et des sardines à l’huile en boîte. Enfin Sonia écrits avec des titres bien dans sa manière : « dix façons de préparer des épluchures… dix façons de préparer la sardine… trente pique-niques et gamelles… » Rafraîchissant non, je souhaite que le monde compassé sur papier glacé du vin prenne un peu de la graine pour sortir de ses beaux livres, certes passionnants, mais qui ne cultivent que le petit noyau des convaincus, des esthètes.