" Il y a en 1968 deux France. Une France industrielle et technologique et une France sociale et institutionnelle. La première est à temps rapide, dynamique, ouverte sur l'extérieur: l'industrialisation et la concentration du capital se sont faites, depuis la guerre, à l'accéléré. Jamais l'humanité n'avait connu un tel rythme de croissance de ses forces productives que celui qui changea le visage de l'Europe après 1945 ; jamais la France au cours de son histoire, en un temps aussi bref, n'avait subi unpareil bouleversement de son infrastructure. La deuxième Francen celle des mentalités et des comportements épousait la lenteur des longues durées, celle qui rythme le devenir des valeurs et des moeurs (...)
" En 1968, la France de la pierre et du seigle, de l'apéro et de l'instit, du oui papa oui-patron oui-chéri recevait l'ordre de décamper pour que celle du software et du supermarché, des news et du planning, du know-how et du brain-storming puisse étaler ses bonnes affaires, enfin chez elle. Ce ménage de printemps fit l'effet d'une libération, et c'en fut une, effectivement..."
Régis Debray modeste contribution aux discours et cérémonies officielles du dixième anniversaire chez François Maspéro 1978