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13 mai 2009 3 13 /05 /mai /2009 00:00

Ne zappez pas, c’est une histoire de vin, même si Capri, pour les uns, c’est fini sur radio Nostalgie avec l’inoxydable Hervé Villard, pour d’autres, plus intellos, c’est « Le Mépris » de Jean-Luc Godard avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, Jack Palance et Fritz Lang dans le rôle de Fritz Lang et, pour moi, bouffeurs de mots et de cinéma, pour faire le lien, c’est la casa « Come Me » * de Curzio Malaparte, là où fut tourné le film.

 

« J’étais sur le point de m’attendrir, quand j’entendis la voix du général Cork.

-         Croyez-vous qu’il existe, en Italie, un vin plus exquis que ce délicieux vin de Capri ?

Ce soir-là, en l’honneur de Mrs. Flat, à côté de l’inévitable lait en boîte, de l’inévitable café, de l’inévitable thé et de l’inévitable jus d’ananas, le vin avait fait son apparition sur notre table. Le général Cork nourrissait pour Capri une tendresse presque amoureuse, au point d’appeler « a delicious Capri Wine » ce petit vin d’Ischia, qui tire don de l’Epomeo, le grand volcan éteint qui se dresse au cœur de l’île ».

Ce soir-là – les citations sont extraites de La Peau de Malaparte – le vin de Capri accompagne un menu américain « Après les carottes à la crème, assaisonnées de vitamines D et désinfectées dans une solution à 2% de chlore, l’horrible spam arrivait sur la table, le pâté de viande de porc, gloire de Chicago, disposé en tranches couleur pourpre sur une épaisse couche de maïs bouilli. Je reconnu que les valets étaient Napolitains, moins à leur livrée bleue, aux revers rouges de la maison du duc de Tolède, qu’au masque d’épouvante et de dégoût imprimé sur leur visage.

Je n’ai jamais vu de visages plus méprisants que ceux-là. C’était le profond, l’antique, l’obséquieux, le libre mépris de la valetaille napolitaine pour tout maître étranger et rustre. Les peuples qui ont une antique et noble tradition d’esclavage et de faim, ne respectent que les maîtres qui ont des goûts raffinés et des grandes manières. Il n’est rien de plus humiliant, pour un peuple réduit à l’esclavage, qu’un maître aux manières frustes et aux goûts grossiers. Parmi ses nombreux maîtres étrangers, le peuple napolitain n’a conservé un bon souvenir que de deux français, Robert d’Anjou et Joachim Murat : le premier savait choisir un vin et apprécier une sauce, et le second non seulement savait ce qu’est une selle anglaise, mais savait aussi tomber de cheval avec une suprême élégance. À quoi bon traverser la mer, envahir un pays, gagner une guerre, couronner son front du laurier des vainqueurs, si l’on ne sait pas se tenir à table ? Qu’étaient donc ces héros américains qui du mangeaient du maïs comme les poules ? »

 

* «  Casa « Come Me » : la maison « Comme Moi » !

Parbleu ! une fois dépassés les Faraglioni et la Monacone, soudain la côte de Matromania s’offrit à nous tout au long du sentier cimenté, aux courts escaliers de briques, courant comme un pâle serpent au flanc embaumé de la montagne. Et là, tout en bas, allongée sur l’abrupt rocher de la pointe de Massullo, solide comme une casemate, insolite comme une architecture de Chirico, avec son escalier-terrasse de trente-deux marches en forme de trapèze, montant vers le ciel, impressionnant comme un temple aztèque, et ce blanc solarium à figure d’épure dont l’audace mérita les éloges de Le Corbusier, avec des à-pics de soixante mètres au-dessus de la mer, jaillissant, libre et nue, des touffes d’euphorbes et de campanules, enfin nous apparut, solitaire et de bon augure, la casa « Come Me » : la maison « Comme moi » !

Extrait de Du côté de chez Malaparte par Raymond Guérin éditions Finitude www.finitude.fr

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