J'ai ouï-dire que pour lutter contre la toute puissance des marques dans les cours d'école le biographe d'Henri IV préconisait la blouse obligatoire : le retour du sarrau ! Après tout, pourquoi pas, s'il n'y a pas d'autres sujets d'importance à mettre en débat nous pouvons nous remobiliser comme lors du référendum : un face à face très chaud entre les ouiouistes et les nonistes du sarrau. Depuis 5ans dans le monde du vin nous avons joué à ce petit jeu de rien du tout qui débouche sur rien du tout : marques contre AOC, tradition contre modernité, copeaux or not copeaux, complexité contre simplicité, Languedoc contre Bordeaux... Résultat : la purge, les "méchants eurocrates " qui ont une calculette à la place du coeur tirent les conséquences de notre incapacité à vendre le vin produit : proposition d'arrachage massif du vignoble. Pour les non-initiés, il s'agit d'un arrachage volontaire, iront ceux qui voudront ou qui ne pourront pas faire autrement.
Pour en revenir, au sarrau, hier au soir je dînais aux Pipos face à l'Ecole Polytechnique : pour je ne sais quelle raison les Polytechniciens étaient de sortie, en uniforme, alors vive l'uniforme ! En fait, ça ne nous changerait pas beaucoup de ce que nous cotoyons tous les jours. " Dans notre société hypermoderne et "performeuse", la pure spontanéité est devenue rarissime. Tout le monde est plus ou moins factice, joue un rôle avec une gravité sans faille. Du PDG qui enfile chaque jour son costume sombre de tueur en col blanc au bad boy des cités qui arbore ostensiblement sa tenue ultra-codifiée de gangstarap, tout le monde fait l'acteur, endosse une panoplie permettant de s'identifier socialement. Il n'y a pas si longtemps, les métiers avaient un uniforme, dans la rue on pouvait voir passer le charpentier, le maçon, ou le bougnat, cette fierté d'appartenir à une corporation les dispensait d'avoir à jouer un rôle, il leur suffisait d'être, tout simplement. Depuis, les frontières se sont brouillées, et chacun choisit son propre habit de scène au magasin des accessoires, c'est-à-dire chez Armani ou chez Décathlon, ce qui aboutit, non à la diversité, mais au contraire, à une forme de standardisation fondée sur quelques archétypes convenus et débouchant sur l'anonymat pur et simple..." Olivier Bardolle Des ravages du manque de sincérité dans les relations humaines L'Esprit des Péninsules
Beau sujet de Baccalauréat pour nos futurs viticulteurs ou mieux petit devoir sur table, du genre dictée de Pivot, pour tout ce que la France compte de grands esprits, plumitifs variés, critiques autoproclamés, qui pensent le vin pour le plus grand profit des petites bêtes étranges que sont les consommateurs, étant entendu que le consommateur de vin, pétri par notre culture nationale du vin, imprégné d'histoire, indifférent à toutes les tendances, surtout si c'est une nana de Birmingham ou un chauffeur routier de l'Ohio, attend avec la même ferveur qu'il attend son feuilleton télé d'être éduqué, formaté, guidé dans le monde merveilleux du vin par tout ce beau monde. Comme le dit Bardolle, à propos des intellectuels parisiens de la "rive gauche", notre vocation consiste à éclairer le monde "en toute simplicité" Qu'on le regrette ou non " les hommes ont la passion des idées simples, le complexe, l'ambigu, le raffiné les inquiètent, la mentalité générale procède d'une psychologie de basse-cour. Tout doit être conforme, convenu, prévisible."
Et vous chers lecteurs qu'en pensez-vous ? Bon week-end !