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23 avril 2009 4 23 /04 /avril /2009 00:09

Lorsque je suis arrivé, au 232 rue de Rivoli, en 1978, à l’Office des Vins de Table, qui venait de prendre la succession de l’Institut des Vins de Consommation Courante, sous le gouvernement Chirac, suite aux évènements tragiques de Montredon, assez étrangement, la division qui s’occupait des AOC au FORMA (Fonds d’Intervention et de Régularisation des Marchés Agricoles) y fut transférée. Le directeur de l’INAO de l’époque, Pierre Marquet, un IGGREF plan-plan, et son président bordelais Pierre Perromat, y virent le début d’une OPA sur le vieil Institut. En effet, le nouveau directeur de l’Office, Pierre Murret-Labarthe, dit PML, un sémillant et provocateur énarque, né à Cauderan, en provenance du cabinet de Christian Bonnet Ministre de l’Agriculture, ne cachait pas son ambition d’unifier la gestion du secteur vin. Il s’illustrera quelques années plus tard en préconisant dans un rapport retentissant la suppression de la chaptalisation. Bref, tout ça pour vous dire que cette petite cellule était composée en tout et pour tout d’Armand Collomb, directeur-adjoint du nouvel Office, natif d’Eguilles (Coteaux d’Aix) et de Michel Pons né à Gaillac. Le nouveau directeur prenait un malin plaisir à chambrer les deux intéressés, le premier surtout, sur le caractère anecdotique de ces deux vignobles.

 

Tout ça pour vous dire que le Vendéen que j’étais à découvert à cette occasion l’existence du vignoble de Gaillac. Comme je suis depuis toujours un adepte des gîtes ruraux je suis allé à cette époque en vacances à Cahuzac sur-Vère chez un vigneron et ses deux fils célibataires, Monsieur Savy à la Pierre Plantée qui produisait que du vin de table. À cette époque, chez Nicolas le caviste, l’un des vins les plus aimé des Parisiens était un vin de pays des Cotes-du-Tarn. De vin de Gaillac, point. J’ai beaucoup aimé ce pays : Castelnau-de-Montmirail, Cordes, Albi… splendide ! Bien des années plus tard, alors que j’habitais le 13ième arrondissement, nous avons exporté dans ce beau département, dans la circonscription de Carmaux, le député Paul Quilès avec lequel je m’étais frité assez souvent (il n’aimait pas les rocardiens cet homme, d’ailleurs je me suis toujours demandé qui il aimait). Depuis ces temps reculés ma culture du vin a progressé et, lorsque j’étais dans les oléagineux, le président Jean-Claude Sabin (prononcer Sabing), qui était aussi vigneron, me fit découvrir son vin de Gaillac de la cave de Tecou à la Maison du Tarn, où d’ailleurs j’avais recroisé un Paul Quilès tout sourire.

 

Alors lorsque Virginie Maignien de Causse Marines, à Montreuil, me remettait l’invitation « Tremblement à Paris le 6 avril » organisé par « Terres de Gaillac » www.terresdegaillac.fr , au Mauzac, 7 rue Abbé de l’Épée dans le 5ième, j’ai dit d’autant plus vite dit banco que sur les 9 domaines représentés, 3 ou du moins les vignerons et vigneronnes sont adhérents de l’Amicale des Bons Vivants. Ils ne sont pas les seuls à Gaillac, j’ai aussi Gus qui a de bons yeux et des commentaires percutants, et ça me fait chaud au cœur. Donc, le jour-dit, comme il faisait enfin beau, je sortais mon vélo vers les 18 h 30 – ça fait très chef de gare – et, sur pignon moyen, direction l’église Saint Jacques Haut le Pas qu’est à deux pas du Mauzac. Les gars de Gaillac sont sympas il z’ont fait leur p’tite dégustation tout près d’la maison. Quand j’arrive y’a d’l’animation devant les « saintes tables », des petits paquets de humeurs et de cracheurs. Je dois vous avouer que l’exercice de dégustation, en face à face, avec le vigneron ou la vigneronne dans un si petit espace, cerné par des es-spécialistes, ne me place pas dans de bonnes dispositions. Par quel vin commencer ? Quelle couleur ? Puis une fois lancé quelle attitude adopter face à celui ou celle qui a fait le vin ? Silence, commentaire ou questionnement ? Pas facile pour moi qui aime prendre mon temps, qui ne suis qu’un chroniqueur, pas un acheteur potentiel, un gus qui adore bavasser, je me sens très vite encombrant. En plus, étant donné l’abondance je sature vite.

 

Au Mauzac,admiratif, j’ai observé Michel Dovaz déguster. Concentré, imperméable au brouhaha, une sorte de sphinx qui cacherait ses émotions sous des sourcils méphistophéliques, il déguste avec systématisme, prend des notes et ignore les groupes de plastronneurs. En effet, ceux-ci sont la plaie de ce genre de manifestations. Les habitués occupent la place, bloquent les accès aux « saintes tables », lourds, pesants, ils déplacent énormément de vent, se prennent pour des incontournables alors qu’ils ne sont que « cons ».  Dovaz lui officie, tel un grand-prêtre, nul besoin pour lui des regards approbateurs. Pour avoir fréquenté d’autres cercles que celui du vin, les courses de chevaux par exemple, j’ai toujours noté que le taux de décibels de certains était inversement proportionnel à leur notoriété. Vous aurez donc compris que je suis gêné aux entournures, partagé entre diverses attitudes à adopter. Être en représentation ça me connaît, j’ai par le passé beaucoup donné à ce genre de théâtre mais maintenant je n’ai plus aucun goût pour les oripeaux d’éminence grise. Comprenez-moi bien, le nombre d’étiquettes que l’on m’a collé dans le dos, qui me font ressembler à une malle de globe-trotter, m'incite plutôt au franc-parler qu'au politiquement correct.

 

La conversation, dont j'ai été le témoin, entre un dégustateur-mitraillette, arborant au revers de sa veste les attributs de sa fonction, et le sage mais taquin Alain Rotier www.domainerotier.com qui s’étonnait de la rapidité de sa gâchette et de sa froide et silencieuse détermination, m’a renforcé dans mon souci de ne pas endosser le costume, trop grand pour moi, de dégustateur. Cet homme, volubile par ailleurs, défends, avec une certaine pertinence, la position du dégustateur Robocop : « je fais le blot, tel une tondeuse à gazon, sans affect ni empathie, parce que je suis payé pour ça. ». Sans vouloir faire de la philosophie de comptoir je ne vois pas l’intérêt de se rendre à ce genre de manifestation, par ailleurs ludique, pour rejouer « massacre à la tronçonneuse ». Mieux vaut pour ça convoquer les bouteilles at home et officier dans le silence glacé d’une salle blanche. Comme vous le savez, du moins ceux qui me lisent depuis l’origine, je suis un homme qui aime, d’abord les femmes certes, mais surtout la pâte humaine avant celle de comprendre les vins. C'est ainsi, avant d’écrire, de chroniquer sur ses vins, j’ai l’absolu besoin de converser, de découvrir, d’apprécier l’homme qui les fait. Je suis un lent. Je prends le temps et, au Mauzac, en cette belle soirée, j’ai un peu dégusté mais j’ai surtout discuté, surtout lorsque la fête a commencé.

 

Car ce fut une belle fête que celle des vignerons de « Terres de Gaillac » et de leurs complices les chefs d’AGITarn. J’en suis resté baba. Que du bon : des saveurs exaltées, du goût en bouchées raffinées, la quintessence d’une cuisine de terroir revisitée… Foin des éternels canapés ou des verrines chichiteuses, les plateaux pris d’assaut recelaient des pépites, des trésors de la terre et de la mer. Même que mon dégustateur Robocop s’en pourléchait les babines. « Agitateurs de goût, d’innovations et de tendances » ont-ils écrit sur leur petite plaquette, tout pour me plaire surtout que la réalité est à la hauteur de la promesse. Ça donne envie de boire ! Je retrouve mes marques : toutes ces petites merveilles appellent le vin compagnon des saveurs. Quitter enfin la position du dégustateur, laisser de côté le seau de vidange, n’être point assez sot au point de ne point faire le saut de la communion sous les deux espèces. Tout mécréant que je suis je ne blasphème pas : je profite de la vie pour visiter des contrées que d’autres n’atteindront jamais. C’est un privilège que je n’abandonnerai jamais. Il est intérieur, ne lèse ni ne blesse personne, c’est mon choix, ma part de risque assumé, la vraie vie quoi…    

 

Bravo les pèlerins de « Terres de Gaillac », tout en faisant découvrir vos vins, vous œuvrez pour la bonne cause avec talent. Bien des détenteurs de CVO devraient venir prendre des leçons de savoir-faire auprès de vous. Votre réception au Mauzac, car ce fut au sens premier du terme une réception, simple et pleine d’attentions, aurait mérité les faveurs d’un cercle plus large que celui d’aficionados. Les défricheurs de notoriété que vous êtes méritent que l’on amplifie leurs efforts. Je le fais ce matin sur mon petit espace de liberté : avis aux amateurs pour la session future. Venez en nombre vous ne serez pas déçu du voyage. Et les vins que vous avez dégusté dégustateur futile en causerez-vous ? Bien sûr que oui mais pas aujourd’hui où je me contenterai de quelques clichés pris au cœur de la nuit du Mauzac. Vous vous doutez bien que j’ai salué Michel Issaly, c’est un habitué de Vin&Cie, voir notre entretien du 7 avril 2008 http://www.berthomeau.com/article-18419419.html et c’est surtout, dans le monde des dirigeants professionnels, un homme de passion et de fidélité à ses convictions qui ne m’a jamais « manqué ». J’ai aussi profité de l’occasion pour pénétrer dans le monde merveilleux de Patrice Lescaret et de ses 7/sous riz et pour mieux connaître Alain Rotier. J’aurais pu aussi parfaire ma culture sur tous les cépages Gaillacois : l’Ondec blanc, le Mauzac vert, le Mauzac roux, le Loin de l’œil, le Mauzac gris et rose, le Braucol ou Fer Servadou, le Duras, le Côt à queue rouge, le Mauzac noir, le Verdanel, auprès de Bernard Plageoles mais celui-ci avait manifestement mieux à faire que d’éclairer la faible lanterne d’un ignorant.

 
Comme dirait l’autre : à la revoyure ! Après une si belle fête, outre cette chronique amuse-bouche, je reviendrai en terres tarnaises, sur le terrain comme aiment à le dire nos élus nationaux lorsqu’on leur reproche leur absentéisme (ayant passé 3 années de ma vie à l’Assemblée Nationale je dois vous confesser qu’un député qui fait bien son boulot de législateur, ce pour quoi les électeurs l’ont élu, plutôt que de gouter avec les clubs du 3ième âge de sa circonscription, me paraît plus estimable) pour prendre le temps de trouver le bon angle pour écrire des chroniques gaillacoises à la hauteur de la jeune notoriété de ses vins.

Les 4 chefs d’AGITarn qui nous ont régalé  : Gilles Salvan www.lafalaiserestaurant.com , Patrice Gelbart www.axbergesducerou , Simon Scott www.les-saveurs-tarn.com , Marcel Meyer lalouviere81@orange.fr  

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commentaires

M
Pas besoin de RP pour faire connaître un vin. De saines lectures et des tonnes de curiosités suffisent. Avoir la soif de découvrir la France permet de tomber un jour sur le Gaillacois et de pousser la porte de la Maison de vin ou de s'offrir une visite chez les vignerons référencés dans les meilleurs guides.
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P
Néo sommelier, membre de l' Association des sommeliers de Paris, je n'étais pas au courant de cette dégustation. Or, je n'ai pas d'opinion bien définie sur le Gaillac,où je me suis d'ailleurs juré de me rendre un jour prochain. Il conviendrait que cette AOC soigne mieux ses RP.
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