Selon la technique bien éprouvée de la piqure de rappel, face à notre émoi, notre colère aussi, dans le JO des bien-pensants, Le Monde du 9/04, le Pr Dominique Maraninchi, président de l’INCA défend la recommandation adressée aux professionnels de santé et inscrite dans le document « Nutrition et prévention des cancers », selon laquelle « les risques de cancer augmentent dès le premier verre de vin. »
« Ces recommandations ont été mal comprises par certains… » déclare-t-il d’emblée. Comme de bien entendu, le bon peuple vigneron, les « certains » du grand mandarin de médecine, ne sait ni lire, ni entendre. Comme le disait un bon buveur de talent, Michel Audiard, « Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages » Je vous cite Houssin, le Professeur-Président, et l’éminente dame de l’agronomie, Directrice de recherche de l’INRA Paule Martel : « Pas de dose protectrice» pour le premier. « Les petites doses, avec leurs effets invisibles, sont les plus nocives » pour le second. « Toute consommation quotidienne de vin est déconseillée » pour la dernière (Laboratoire de Nutrition et Sécurité Alimentaire INRA CRJJ, 78 352 Jouy-en-Josas cedex e-mail : martel@jouy.inra.fr ). Vous pouvez écouter ses déclarations sur Paule Martel. Alimentation et cancers : le lien est bien établi ...
Et le professeur-président de gloser sur la dose admissible par l’OMS, de faire référence aux affreux « responsables de la filière alcool » qui recommandent des doses, qui affirment que « l'alcool est mauvais, mais le vin est bon », et d’envoyer le coup de pied de l’âne à cette bande de gros cons que nous sommes « La mauvaise nouvelle, c'est qu'il y a de l'éthanol dans le vin ! ». Pour faire bon poids, comme tous les marchands de mauvaise foi, dans le meilleur style « totalitaire » : l’arme suprême de la disqualification de ceux qui, dans la Communauté scientifique, ont l’outrecuidance de ne pas penser comme lui : « de manière caricaturale, les « scientistes » débattent sur des choses totalement à la marge ». C’est un avis d’expert en caricature alors bon peuple « confiez-lui vos intérêts ». Ce cher homme a aussi le doute à sens unique « On ne peut pas définir un seuil minimum en deçà duquel on pourrait dire qu'il n'y a pas de risque pour les cancers ». Pauvre Descartes, mais que voulez-vous, même si le doute doit toujours profiter à l’accusé, nous en l’occurrence, chez ces « gens-là, on ne pense pas monsieur, on prie… Sacré Brel !
« D'abord il y a l`aîné / Lui qui est comme un melon / Lui qui a un gros nez / Lui qui sait plus son nom / Monsieur tellement qui boit / Ou tellement qu`il a bu / Qui fait rien de ses dix doigts / Mais lui qui n`en peut plus / Lui qui est complètement cuit / Et qui se prend pour le roi / Qui se saoule toutes les nuits / Avec du mauvais vin / Mais qu`on retrouve matin/ Dans l`église qui roupille / Raide comme une saillie/ Blanc comme un cierge de Pâques / Et puis qui balbutie / Et qui a l`oeil qui divague / Faut vous dire Monsieur / Que chez ces gens-là /On ne pense pas Monsieur / On ne pense pas on prie »
La chanson de Brel assure la transition avec l’argument éculé des « scientistes prohibitionnistes» qui osent encore s’appuyer sur la pseudo-loi de Ledermann (voir chronique http://www.berthomeau.com/article-3863227.html ) pour prôner un prohibitionnisme qui dit de plus en plus son nom : « En France, le vin est la première boisson alcoolisée consommée et environ 4 millions d'adultes dépassent largement les repères de l'OMS. ». Désolé, Professeur-Président, taper sur la masse des buveurs, maintenant occasionnels, de vin ne fera ni reculer l’alcoolisme ni progresser votre approche préventive. Vous vous trompez d’époque.
Autre point qui me fascine c’est la piètre opinion des Professeurs d’en haut pour leurs collègues d’en bas, les généralistes. En effet, ces « ducons » qui ont fait 8 à 10 ans d’études, et qui vivent au milieu des ploucs ou des bouffeurs de médicaments psychotropes, ne sont pas capables de poser la question à leurs patients « Combien de verres consommez-vous par jour ? » sans l’aide des « éminents » qui doivent tout dire et presque tout faire : « Le document de l'Inca permet aux professionnels de poser les bonnes questions ». Merci pour eux, ils ne seront jamais président d’un zinzin public, eux.
Viens ensuite la patte douce de l’expert qui ne nous veut que du bien: « Le principe de prévention est de lutter contre tous les facteurs de risque en les diminuant. Ce n'est ni de l'hygiénisme répressif ni de l'abolitionnisme. C'est fait pour vivre bien. Equilibrer son alimentation, ce n'est pas de l'interdiction. Le plus fort pourcentage d'augmentation du risque, c'est malheureusement avec les boissons alcoolisées. Notre rôle est d'informer, d'avertir. A chacun ensuite de se déterminer et de gérer son mode de vie. Ce que nous avons dans notre assiette ou dans notre verre a un impact sur notre santé. »
Fort bien Professeur-Président mais, que je sache, vos recommandations, elles s’adressaient aux professionnels de santé, alors pourquoi les balancer du haut d’une conférence de presse qui, au travers de journalistes convaincus, pas des journalistes mais des « militants », si ce n’est pour déboucher sur des slogans. De la communication réductrice qui cherche à faire peur. Vous n’en faites pas mystère d’ailleurs : « ces recommandations sur la nutrition ont un fort retentissement parce que c'est la première fois que les gens reçoivent une information globale sur l'importance de l'équilibre alimentaire. » mais quand à affirmer que « C'est perçu, à tort, comme : "Arrêtez de nous dire comment on doit vivre !" Les réactions sont mordantes parce qu'avant il y avait de la confusion et, maintenant, il y en a moins. » là vous vous foutez carrément de notre poire.
La nutrition étant tout, sauf une science exacte. Je veux bien tout de même convenir avec vous qu’une « une meilleure alimentation peut diminuer le nombre de cancers et le nombre de rechutes » mais quant à affirmer droit dans ses bottes que « des données scientifiques nouvelles ont permis d'affûter les niveaux de preuve ou de probabilité. On ne peut plus dire : "Je ne savais pas." Des faits sont raisonnablement avérés comme l'importance de faire de l'exercice physique ou de limiter la consommation de viande rouge. » c’est balancer des généralités pas très scientifiques. Là encore vous jouez sur la sensibilité, l’émotion, le people, vous vous calez dans la tendance : « La prévention intéresse de plus en plus le grand public, le succès du livre Anticancer, de David Servan-Schreiber, le prouve. Nos recommandations ont le tort d'être trop généralistes, elles ne s'appliquent pas à toutes les formes de cancers, mais donnent des conseils importants pour beaucoup de cancers. »
Enfin nous vous sommes reconnaissant, Professeur-Président, de nous rappeler, ce que nous savons tous, aussi bien que vous, que « le cancer est une maladie grave, qui tue. » Nous avons tous perdus des parents, des amis, des collègues qui ont été emportés par cette « longue et douloureuse maladie » et demain chacun de nous sait qu’il peut allonger la liste. Que vous fassiez de la prévention c’est normal, c’est votre mission. Mais de grâce cessez de faire de « l’information-spectacle » en nous stigmatisant, en utilisant des arguments qui jouent des peurs, légitime ou fantasmés, car c’est une forme de mépris pour la travail d’hommes et de femmes qui exercent, aussi bien que vous, leur métier.
Pourquoi n’êtes-vous pas aussi dur et virulent contre un lobby puissant et argenté : l’industrie pharmaceutique – celui du vin contrairement à ce que vous suggérer dépense bien peu pour la prescription de son produit – car comme le soulignais Edouard Zafiran, auteur d’un rapport sur l’utilisation des médicaments psychotropes, « la société française marche vers le tout médicalisé ». Troquant la baguette de pain et le ballon de rouge, les Français sont en passe d’en faire notre dernière spécificité. La France est le pays du monde occidental où la consommation d’antidépresseurs par habitant est la plus élevée. Nous consommons 2 fois plus que les Espagnols, 5 fois plus que les Allemands, 8 fois plus que les Anglais ; seuls nos amis Belges, dont une partie est de cousinage, sans doute lassés de nos vannes à deux balles, font presqu’aussi « bien » que nous. Triste record ! Sans commentaires car ils risqueraient d’être fort désagréables sur les Congrès, les notes de frais et autres croisières…
Pour ne pas terminer sur une chose qui fâche, moi qui ai eu la chance dans ma vie d’être soigné et guérit de mon syndrome de Kent, par un grand professeur mondialement reconnu et malheureusement disparu, le Dr Coumel exerçant à l’Hôpital Lariboisière, je partage avec vous, contrairement à certains de mes collègues, que « personne ne boit du vin pour avoir des apports complémentaires d'antioxydants. Il faut arrêter les bêtises ! On boit du vin parce que c'est agréable. » Oui, en tant que secrétaire perpétuel de l’Amicale des Bons Vivants, j’affirme que nous buvons du vin parce que c’est agréable et parce que le bien vivre ensemble vaut tous les antidépresseurs de la Terre.
Votre chance c’est que vous présentez un front uni, compact, bien préparé, presque sans faille, sûr que le temps joue pour lui, alors que nous, gens du vin, nous vous répondons au coup par coup, en gesticulant beaucoup, sans grande préparation ni moyen, en vous offrant souvent par des arguments de pure réaction une voie royale pour nous présenter comme des opposants à la politique de Santé Publique. Mais, méfiez-vous tout de même, l’opinion est versatile, elle surtout ébranlée par les incertitudes des temps. Nos concitoyens face à la crise ont surtout besoin de « médecins de l’âme » ce que vous n’êtes manifestement pas. J’en veux pour preuve l’impuissance avouée d’un de vos éminents confrère, le chirurgien parisien Jérôme Cahuzac, député de Villeneuve-sur-Lot, conseiller de Claude Evin pour sa fameuse loi, qui, dans le dernier Journal du Dimanche, répond à l’un de ses collègues, maire, qui promets aux salariés touchés par la crise qu’il sera « toujours à leurs côtés » : qu’« il ne faut pas se moquer d’eux, quand ils seront au chomdu, nous, on ne le sera pas ».
Votre prétention de nous protégez de nous même risque d’apparaître bien dérisoire, une forme de luxe de nantis, à ceux de nos concitoyens en butte aux dures réalités de leur vie. Tout ça pour vous dire que la médicalisation de la vie est un leurre dangereux car elle laisse accroire à une forme de réponse, automatique et quasiment infaillible, à tout ce qui frappe nos corps. Principe de prévention dites-vous, principe de précaution disent d’autres, à quand la garantie de la vie éternelle remboursé par la Sécurité Sociale ? Le problème c’est que vivre tue.