Mon titre vous intrigue. Suspens insoutenable ! J’ai tout bêtement parodié, Jean-Claude Berrouet, ex-maître de chais à Château Petrus qui, dans une récente interview, a dénoncé un système, celui des primeurs, qui encourage les spéculateurs. «Nous avons pris le vin en otage et il faut le libérer», a-t-il dénoncé. Ce point élucidé, je reprends ma chronique là où je l’avais interrompue hier.
Pendant le week-end précédent mon périple au pays des châteaux, pour faire sérieux, en bon petit artisan que je suis, j’ai doté Vin&Cie l’espace de liberté d’une enseigne que vous pourrez admirer sur les cartes ci-jointes. Pour les écolos, tendance dure, elles sont tirées sur papier recyclé. De plus, comme la maison ne recule devant aucun sacrifice j’ai ressorti mon costar Kennedy http://www.berthomeau.com/article-3964995.html bleu marine de la naphtaline. Sur ma chemise rose flashy – marque de fabrique à cultiver – col ouvert ça fait très parigot arrogant. Je passe sur mes Richelieu gold, et d’autres détails insignifiants, qui ne pourraient que conforter mon image de papy boomer ex-soixante-huitard non révisé. Avec mon chauffeur de luxe nous y sommes, nous pointons, sauf que mon nom n’est pas sur la liste – dans l’après-midi, une astucieuse, découvrira que je suis classé à Jacques ce qui est déjà mieux que rapport. La dégustation se déroule à l’étage en un lieu vaste et lumineux où les châteaux ne sont pas, si vous me permettez l’expression, les uns sur les autres. C’est très agréable, on se meut sans se cogner aux autres dégustateurs. Détail technique, comme nous ne sommes pourvus que de 2 mains l’exercice est complexe : tenir son verre d’une main et prendre des notes, sur le petit carnet de dégustation tenue par l’autre, tient pour moi de mission impossible. Sur un autre plan je constate que j’ai fait d’énormes progrès dans le jet buccal de vin (en 2 jours aucun dégât collatéral). Nous commençons par les blancs. J’avoue être très agréablement surpris mais, comme je n’ambitionne pas de marcher sur les plates-bandes du Bob je vous épargnerai mes notes sur les vins que j’ai dégusté. Sauf que, si vous êtes un lecteur fidèle, vous découvrirez sans doute des chroniques consacrées à des coups de cœur au pays des GCC. Florence et Daniel Cathiard nos hôtes sont présents. Florence Cathiard assure même le service. Je dois avouer que je suis toujours sensible, quand je me rends dans un lieu où l’on me propose de déguster, au fait que, dans cet exercice ingrat, les propriétaires mettent les mains à la pâte. Bernard Magrez, lui aussi, est là. Nous échangeons. Il me donne son accord pour un 3 Questions sur Vin&Cie. C’est un euphémisme d’écrire que Bernard Magrez suscite dans le monde du vin des opinions très tranchées. Il ne laisse personne indifférent car il dérange et, bien sûr, il en joue. Moi ce que je retiens c’est qu’il a toujours su anticiper les évolutions du marché en s’impliquant, en mettant en avant une nouvelle image du propriétaire, en bousculant l’establishment, et même si c’est très personnel, son soutien, en des temps où certains me vilipendaient, ne m’a jamais fait défaut. Tout en me prêtant au rituel de l’exercice j’observe les pros, ou prétendus tels, négociants, courtiers, cavistes, acheteurs de la GD, importateurs, qui m’entourent et je m’interroge sur ce qu’ils recherchent. En effet, sur les tables, les vins présentés à leur sagacité, qui sont-ils ? Ceux que leurs clients trouveront dans la bouteille lorsqu’ils en feront l’acquisition ? J’en doute un peu. Ces jeunes pousses, à peine adultes, en devenir donc, sont, avec plus ou moins de bonheur ou de savoir-faire, préparées pour séduire lors de leur première sortie. C’est, me direz-vous la loi du genre, le principe même des primeurs. Je veux bien en convenir mais, en définitive, jusqu’ici, avant que l’éclatement de la bulle financière ne brise la spéculation, une fois passé le cérémonial de la dégustation par tous ces 5000 plus ou moins connus ou totalement anonymes, c’était le jugement, l’appréciation, la notation du ou des gourous – je m’abstiens de citer un ou des noms afin de ne froisser personne ou de m’attirer les foudres des pros ou des antis – qui calaient l’opinion commune et faisaient la cote.
En effet, sans vouloir être mauvaise langue, jusqu’à ces derniers mois, hormis les vrais amateurs ou les derniers esthètes cultivant leur quant à soi et qui en avaient encore les moyens, le gras du marché suivait la tendance donnée, par les nouveaux maîtres à penser en kit au travers de la médiatisation mondialisée. Le dégonflement de la bulle spéculative va sans doute redonner, au détriment des purs spéculateurs ou des nouveaux riches, de l’air à tout ceux qui vont, à nouveau, pouvoir acheter des grands crus parce qu’ils les apprécient, parce qu’ils veulent les déguster, les faire partager. Tout l’enjeu de la fixation de l’échelle des prix du présent millésime, d’une belle qualité au dire d’amateurs qui n’ont pas partie liée avec le buiseness, se situe donc dans la capacité qu’auront ceux qui donnent le la de comprendre que la thérapie d’un retour à des prix qui retrouveraient le niveau de 2004, ce qui n’aurait rien d’une catastrophe, permettrait de redonner confiance aux opérateurs – à leurs banquiers surtout – et de déclencher le mouvement des achats. Comme le dit l’adage populaire, à toute chose malheur est bon, ce réajustement des prix réintroduirait les icones des GCC, sans que leur aura en soit atteinte, dans l’univers du vin. Dans le langage actuel des médias : l’économie réelle retrouverait toute sa place et la place de Bordeaux, loin des folies spéculatives, des achats somptuaires, conforterait son image de référence mondiale du vin.
Comme d’habitude je glose à tort et à travers au risque de me voir clouer sur ma ligne par un passing shoot de revers. Et encore je vous épargne un couplet sur les taux de change, celui de la £ tout particulièrement. N’empêche que sur le terrain, comme aiment à le dire nos hommes politiques si proches de nos préoccupations quotidiennes, celui de la dégustation bien sûr, sans rouler des mécaniques, je me sentais à l’aise. Que voulez-vous, c’est si nouveau pour moi, en ce lieu béni des dieux, je vais et je viens, libre, verre à la main, au beau milieu de noms mythiques tel le Château Carbonnieux, ce grand blanc que j’ai découvert à l’Hôtel de Lassay. Plus personne ne me tombe sur le râble pour m’asticoter à propos de tout et de rien. Bien au contraire, je fais maintenant parti du paysage même si certains se demandent ce que je bricole. Mais non, mais non, je ne bricole pas, je travaille et je puis vous assurer que déguster c’est fatigant. Moins, bien sûr, que de repiquer des choux ou de biner des betteraves, mais la bouche fatigue. Par bonheur l’heure du déjeuner sonnait. Florence et Daniel Cathiard avaient bien fait les choses : des mets simples et roboratifs comme le sauté de veau tagliatelles qui m’a calé l’estomac. Quel plaisir que de se retrouver autour d’une table bien mise, assis, pour se redonner du cœur à l’ouvrage.
Nous prenons notre temps.
Rassurez-vous je ne vais pas vous infliger la relation de mes deux journées dans le pays des GCC, ça ne présenterait pour vous aucun intérêt. Pour mémoire le 31 après-midi nous fîmes après Haut Smith Haut Lafitte, le Château Chasse-Spleen où l’on pouvait déguster les Médoc, Haut-Médoc, Moulis&Listrac puis le Château Branaire-Ducru pour les St-Julien, Pauillac&St Estèphe pour terminer au Château Dauzac avec les Sauternes et Barsac. Le lendemain Château Figeac pour les Saint-Emilion Grand Cru et Château La Conseillante pour les Pomerol. Z’avons zappé les Margaux. Rudes journées pour les papilles mais satisfaction du devoir accompli et une envie folle de boire une bonne mousse : je suis un indécrottable mécréant. Que vous dire : les choses sont impeccablement organisées par l’Union des Grands Crus et dans ce genre de périple minuté j’apprécie. C’est sans doute un vieux reste de mes fonctions d’organisateur de voyage pour Ministre pressé. Le plus speed était Rocard qui, très souvent, sur les injonctions de l’intraitable Michèle, sa seconde épouse, devait être rentré pour l’heure du dîner afin de voir ses enfants. J’avais un chronomètre à la place du cœur. Je digresse.
Sur le chemin du retour ce qui me frappe, à chaque carrefour, c’est la multiplicité des sollicitations. Tout le monde y va de son évènement primeurs 2008, même les bio. Michel Rolland affiche sa collection, Stéphane Derenoncourt sa différence et ses vignerons à l’A breuvoir, le Cercle Rive Droite des Grands Vins de Bordeaux, l’Association des Grands Crus Classés, des associations aux noms imprononçables : c’est le syndrome du Festival d’Avignon avec son in et son off, de la Cour d’Honneur du Palais des Papes jusqu’à l’arrière-salle d’un bistro en passant par le plateau d’une fabrique désaffectée. Ici, au pays des « châteaux » la hiérarchie se décline depuis les dégustations privées sur rendez-vous dans le gotha des grands aux noms mythiques, à celles plus populaires sur le coin d’une barrique dans un chai vigneron en passant par celles où l’on promène les journalistes ou la mienne à mon bon gré. Foisonnement, diversité, vitalité, chacun se bat avec ses armes, le pays des « châteaux », ouvre ses portes, s’émancipe, force sa réserve, comble un peu son je ne sais quoi de distance, va au devant de ses clients. C’est heureux. Sur le quai de la gare je constate que j’ai l’index et le pouce de la main droite marqué de rouge. Comme le disait pépé Louis lorsque je me plaignais des ampoules qui tapissaient mes paumes suite au maniement intensif de la fourche pendant les foins « c’est le métier qui rentre mon garçon ».
Info de dernière minute : Château l'Angelus est sorti à 50 euros contre 80 euros... Le mouvement est-il lancé ?
Note du rédacteur en chef : si vous souhaitez lire des choses sérieuses sur la dégustation des primeurs 2008 je vous recommande :
1 - Un excellent papier de Véronique Raisin sur la dégustation des journalistes paru dan la newsletter Idealwine.
2 - le blog du Grand Jury.
3 - Les vins de Bordeaux testent la cote sur BFM radio.
Consulter la rubrique PAGES (en haut et à droite du blog) N°49.
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