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29 mars 2009 7 29 /03 /mars /2009 00:05

La tristesse ça se noie dès qu’on y plonge sinon elle s’accumule dans votre tête comme de la mauvaise graisse, vous fige, vous englue dans la masse des traîne la vie. Sur la terrasse d’Orly, dès que la Caravelle du Paris-Rome d’Air France s’était arrachée de la piste, emportant mon double, ma Chloé, le grand vide de son départ me donnait envie de tout plaquer pour la rejoindre. Pour ne pas céder je me jetais dans un taxi. Direction Nogent, les bords de Marne pour m’administrer le seul antidote capable de noyer mes idées noires : Raymond Dubosc mon vieux complice. Rappelez-vous, le magasinier du garage Central de la Préfecture de Police lors de mes premiers pas dans le cambouis de ma double vie. Antifasciste, résistant de la première heure, gaulliste puis plus gaulliste après l’épisode du 13 mai 58, républicain convaincu, pécheur à la ligne et carburant au Pommard. Posologie radicale qu’il résumait ainsi  « Que veux-tu, moi je suis de la vieille école, dans la vie y’a que le vin et les filles qui te donnent du plaisir, faut pas en abuser bien sûr, surtout pour le vin, les filles c’est différent y’a pas de limites sauf que je préfère le vin car avec lui y'a pas d’après, sauf si tu te cuites. Moi ce que j’aime avec les filles c’est l’avant et le pendant, pas qu’on s’occupe de mes chaussettes et de mon frichti… »

Dès que nous saturions dans notre marigot infesté de copains et de coquins, avec Chloé, nous débarquions sans prévenir chez Raymond. Même s’il ronchonnait en jouant les jolis cœurs devant Chloé « tu aurais pu me prévenir fiston je me serais fait un brin de toilette. De quoi j’ai l’air avec mes brailles de vieux garçon… » il adorait ça nous voir débarquer à l’improviste avec quelques bonnes boutanches sous le bras. « Vous resterez bien pour le dîner…j’ai une blanquette qui n’attendait que vous » s’inquiétait-t-il pour la forme. Chloé lui claquait trois bises sur les joues en guise de réponse et je le charriais gentiment « si je l’écoutais nous serions là tous les soirs rien que pour tes talents de cordon bleu et bien sûr surtout pour tous les autres. Tombeur de ces dames, tu en meurs d’envie, file te tartiner un coup de Pento et sors nous tes fringues de danseur de tango… Moi je m’occupe de l’intendance.» Bain de jouvence que ces moments partagés, chaleureux, où la conversation prenait, au fur et à mesure que le vin nous libérait de nos soucis, de nos questions, de nos entraves, un envol qui nous menait dans un monde sans frontières où nous revisitions les grands spasmes de l’histoire, les culs de basse fosse de la république du président Pompe tout en nous laissant aller à des histoires plus lestes où Chloé excellait. Nous dormions chez Raymond et le matin il nous portait le petit déjeuner au lit. Chloé lui roulait des pétards.

Quand il m’a vu débarquer seul, à neuf heures du matin, un samedi, Raymond n’a pas pipé mot. Il bêchait un carré de son jardin. Je lui ai dit « je veux du café ». Sans même me regarder il a grommelé « tu sais où se trouve la cuisine ». Je suis resté planté dans l’allée les bras ballants. Raymond a craché dans ses mains avant de reprendre son ouvrage. « T’arrête de faire ta tête de lard Raymond ce n’est pas le jour. Chloé vient de partir pour Rome et j’ai besoin de prendre une cuite… » Il a fait celui qui n’avait rien entendu mais, courbant l’échine et pelletant avec des gestes secs, je sentais que j’allais essuyer une avoinée de première. Elle vint, froide, contenue, mais cinglante « mais bordel de merde à quoi jouez-vous tous les deux ? Vous avez tout. Vous êtes beaux, intelligents, généreux et vous vous vautrez dans la merde. Qu’est-ce que vous cherchez au juste ? Vous voulez vous prouver quoi ? Je ne vous comprends pas. Faites-vos valises. Partez à Tombouctou ou je ne sais où ! Aimez-vous ! Faites des gosses ! Torchez le cul des petits nègres ! Apprenez-leur à lire et à écrire ! Vous êtes des enfants gâtés mais je vous aime. Qu’est-ce qu’elle est partie faire dans ce putain de pays qui, plus encore que le nôtre, n’a pas voulu nettoyer ses écuries des fascistes et des mafieux. J’en pleurerais de rage. Et tu viens me dire, avec des airs de basset artésien, que tu veux te pochetroner. Ne compte pas sur moi mon grand. Tu prends une bêche, tu m’aides ça te remettra les idées à l’endroit. Après on cassera la croute et on discutera de tout ça. »

Et toujours même le dimanche on engrange les adhésions à l'Amicale des Bons Vivants.Voir la charte de l'ABV à la rubrique PAGES (en haut à droite du blog) N°48. 

RENSEIGNEMENTS auprès de Jacques Berthomeau www.berthomeau.com et jberthomeau@hotmail.com

Secrétaire Perpétuel de l’ABV 06 80 17 78 25


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