Dans un passé pas si lointain le vin rosé, comme le roman policier en littérature, moisissait dans une forme de Zone de rétention pour vin sans papiers. Avouer, à un esthète du vin, son penchant pour le vin rosé en général, c’était prendre le risque de se faire taxer, au mieux de frère de lait des joueurs de pétanque en Marcel adeptes du Ricard, au pire d'inculture du vin aggravée. Je force à peine le trait. Parfois, du bout des lèvres, parce que dit-on, il fait briller les yeux des femmes, les plus conciliants vous donnaient le nihil obstat pour le champagne rosé. Quelques seigneurs provençaux échappaient aussi à l’excommunication. Cette incertitude se retrouvait dans leur dénomination, alors que les catégories reines se voyaient désigner par leurs couleurs * : rouge et blanc, eux n’étaient qu’une déclinaison du rose : rosé étant défini comme légèrement teinté de rose.
Retournement de jurisprudence : le rosé est maintenant très tendance. Tout le monde s’y met. Les provençaux, longtemps en quasi-position de monopole, se voient contraint de revendiquer la paternité du rosé. Bref, moi qui ai vendu, à la Société des Vins de France, des kilomètres de Baptistin Caracous, une vieille marque de Côtes de Provence et qui me suis très tôt étonné du désintérêt commercial de beaucoup de vignerons ou d’opérateurs pour un vin qui, de part sa simplicité, collait bien aux nouvelles demandes de ces « abrutis » de néo-consommateurs, lorsque les premiers échos du réveil des producteurs provençaux, soudain vent debout, après que le Ministre en ait accepté le principe, pour s’opposer au projet de directive européenne qui autoriserait, pour les vins sans IG, le coupage du blanc et du rouge pour fabriquer un vin rosé, je me suis dit « ferme ta grande gueule Berthomeau… » Ce que je fis. C’était sans compter sur un lecteur espiègle, bien informé, qui m’a fait passer, sous le manteau, deux ou trois choses qui lui semblait bonne à dire.
En dépit de ses arguments j’ai campé sur ma position : plume cousue et ce pour 2 bonnes raisons :
- Primo, n’en déplaise à certains, je n’ai pas avoir une opinion sur tout,
- Deuxio, je trouve normal que les Provençaux défendent leurs intérêts.
et une mauvaise aussi : par le passé, certains grands défenseurs autoproclamés de nos AOC m’ont collé des étiquettes « infamantes » sans même avoir pris le temps de lire ce que j’écrivais. Donc ras la casquette de prendre des coups.
et pour faire bon poids une très mauvaise : mon ancienneté et ma fidélité d’amateur de rosé, voir ma chronique 05/05/2006 La France en rose ? http://www.berthomeau.com/article-2629832.htmlme confère le privilège de ne m’associer ni aux nouveaux convertis qui, avec des trémolos dans la voix, chantent le rosé de pépé, ni à tous ceux, faiseurs de miracles, qui vont sauter sur l’occasion pour nous concocter de la bistrouille.
J’en étais là appréciant au passage, dans ce concert des énamourés et des faux-culs, la prise de position, sur BFM, d’un grand amoureux du vin, David Cobbold qui a défendu avec courage et pertinence la liberté de création. Que le meilleur gagne !
Mais voilà que le sieur Chiquelin nous pisse une copie dans l’hebdo des exclus : le Nouvel Obs., au nom affriolant « La vie en rosé » : un must dans la démagogie franchouillardise matinée d’alter et de la nouvelle vulgate type Besancenot. Très good dans un magazine où la plus petite babiole exposée affiche au minimum les 3 SMIC ou « je mange bio mais je n’ai pas jeté mon sac Céline ». Que Chiquelin ait un point de vue sur le sujet, c’est son droit même si on s’en bas les c… comme on se bas les c... du mien d’ailleurs, mais alors qu’il affiche la couleur : tribune libre. Non Chiquelin est journaliste : il exerce le beau métier de nous informer. Alors qu’il s’informe avant de nous tartiner des « conneries » Exemples : mélanger du vin blanc et du vin rouge équivaudrait à l’adjonction de graisse végétale dans le chocolat. Que je sache du vin+du vin, quelle que soit sa couleur ça fait du vin, ça ne change pas la nature du produit. Que ce soit bon ou mauvais c’est une autre histoire. Il suggère aussi que ce mélange créerait du vin. Que je sache 1 litre de blanc+ ½ litre de rouge = 1,5 litre de rosé ça ne fait pas un cl de plus sur le marché contrairement à la chaptalisation qui dans certains cas créer des volumes. Je passe sur le couplet de l’industrialisation du vin ça plaît beaucoup dans les lofts et les maisons de campagne mais, là où je vois rouge, c’est lorsque le Chiquelin, pas gèné, évoque le feuilleton parlementaire de « l’interdiction de la dégustation ». Il arrive après la bataille le gus. Mais où était-il lorsque ça chauffait ? Qu’a-t-il écrit sur le rapport de l’INCA ? « Oualou », que dalle, planqué, silencieux, pas même un petit signe de soutien au combat contre les prohibitionnistes. Les ouvriers de la 25ième heure me gonflent. Les beaux et bons vins rosés de France méritent un bien meilleur avocat et n’ont rien à gagner de plaidoiries à 2 balles truffées d’approximations et de couplets qui n’ont rien à voir avec la choucroute.
Face à cette désinformation j’ai décidé, sur mon espace de liberté, de donner la parole à la défense et que les 2 ou 3 choses de mon « De source sûre » étaient bonnes à dire et à lire. Alors je vous les livre, telles quelles, sans aucune prise de position de ma part.
Dans ma chronique, mon informateur est dénommé de « De source sûre » et ses propos sont mis en scène par ma plume (certains pourraient, en reconnaissant mon « style », dire c’est du Berthomeau. Je n’ai pas l’habitude de me cacher derrière les autres sur cet espace de liberté).
« De source sûre » me déclare, en préalable, qu’il nous faut garder un minimum de cohérence dans les plaidoyers en défense de la pureté des rosés à la française. En effet, si les rosés issus de coupage de blanc et de rouge ne sont que d’affreux mélanges, des VDPCE bis purs réducteurs de prix, de la daube quoi, ou comme l’écrit Libération, jamais en reste de démagogie, « un breuvage bon marché, mais fort médiocre », nos rosés d’AOC n’ont rien à craindre puisqu’ils ne boxent pas dans cette catégorie. Après tout, par le passé les vins de table médiocres ont poussé beaucoup de consommateurs réguliers vers les AOC génériques, donnant l’illusion à certains qu’ils recrutaient de nouveaux consommateurs alors qu’il ne s’agissait que d’un simple transfert.
Que le problème n'est peut-être pas là. N’y aurait-il pas derrière tout ça une crainte inavouée ? Le risque concurrentiel – je sais que c’est un gros mot de marchand de vin – ne serait-il pas que ceux qui utilisent cette pratique pour les vins sans IG fassent aussi bon pour moins cher que certains de leurs grands frères des AOP-IGP. Le respect de la tradition, qui a un coût, exige l’excellence. Si certaines AOP ou IGP veulent, ou se voient dans l’obligation d’aller ferrailler dans la catégorie des premiers prix de la GD ou du hard discount, en France comme à l’export, elles se fourvoient. Il faut choisir son camp, sortir d’une ambigüité commode.
« De source sûre » me rappelle ensuite que les vins sans IG du nouveau règlement communautaire ont été conçu comme des instruments de reconquête pour l’Ancien Monde des marchés en croissance face aux pays du Nouveau Monde et que la commissaire européenne à l'Agriculture Mariann Fischer Boel est en droit d’affirmer qu’elle « ne voit pas pourquoi nos producteurs européens ne bénéficieraient pas des mêmes possibilités que leurs concurrents étrangers ». Et d’ironiser sur ceux qui ont taillé en pièces « Cap 2010 » Après tout ajoute-t-il si les français ne veulent pas aller sur ce terrain, libre à eux, mais alors qu’ils arrachent les vignes qui vont avec ce type de vins. Dans l’industrie automobile européenne, les Grands européens verraient d’un très bon œil Saab, et surtout Opel, passer l’arme à gauche pour ramasser leurs parts de marché. Ce n’est pas joli, joli, mais ainsi va le monde. Sur le marché anglais personne ne versera une larme sur notre retrait.
Sur le plan purement œnologique, toujours avec la même dent dure « De source sûre » me fait remarquer que cette pratique du coupage blanc-rouge pour faire du rosé est reconnue et autorisée depuis belle lurette par l'OIV pour tous les vins sans distinction (Organisation internationale pour le vin). Ce n’est donc pas, sur le plan œnologique, l’abomination et la désolation dont on nous rebat les oreilles. De plus, insiste « De source sûre », ne soyons pas hypocrites puisque la possibilité de vinifier des raisins blancs et des raisins rouges ou d’assembler des mouts blancs et des mouts rouges ou même d’enrichir avec un moût de couleur était ouverte pour tous les VQPRD français, même si seul le Champagne pour son rosé l’utilisait, alors que c’était une pratique interdite pour l’ensemble des vins de table, c’est-à-dire vins de pays compris, pour de sombres raisons de différentiels de prix d’intervention. La question posée se limitait donc, dans un premier temps, à ouvrir cette possibilité à l’ensemble des vins. C’est pour cette raison que la France, dans un premier temps, a voté pour.
Enfin « De source sûre » ajoute qu’il y a quelque danger à demander, au nom de l’information des consommateurs, un étiquetage distinctif : par exemple « vin rosé traditionnel » et « rosé issu de coupage » pour ce qui concerne une pratique œnologique autorisée car nos concurrents seraient en droit de nous demander d’indiquer, par exemple, sur les étiquettes de nos AOC qui ont recours à cette pratique autorisée « vin chaptalisé ». Ils ne le feront pas car si la France pourra rendre obligatoire l'inscription de la mention « rosé par coupage » pour les vins issus de mélange, ce sera seulement pour les produits fabriqués en France. Les rosés coupés fabriqués en Espagne ou dans les pays du Nouveau Monde (Australie, Afrique du Sud, etc.) par exemple ne seront pas concernés. Quand à ceux qui voudraient aller encore plus loin et distinguer entre le vrai et le faux rosé, « De source sûre » ironise qu’avec une telle approche nous ferons sûrement un tabac en Angleterre et qu’à coup sûr nous, les 1ier Producteur de Rosés du Monde, nous taillerons des croupières aux faux rosés californiens.
Avant de publier « ses 2 ou 3 choses » j’ai rassuré « De source sûre » : il n’avait rien à craindre un journaliste préserve toujours la confidentialité de ses sources.
Merci, si vous n’êtes pas d’accord avec les propos de « De source sûre » de ne pas me tomber sur le râble mais de lui adresser vos analyses en commentaires je sais qu’il les lira avec attention puisqu’il est un vieil abonné de mon blog.
De ce pas je pars à une dégustation de rosés de Provence. Bonne journée. Le pull ci-dessous est rose flashy même si sur la photo il paraît orange ceux qui m'ont croisé avec le savent. Je le porterai au premier rassemblement de l'Amicale des Bons Vivants. A propos si vous adhériez les retardataires ? Voir la charte de l'ABV à la rubrique PAGES (en haut à droite du blog) N°48.
RENSEIGNEMENTS auprès de Jacques Berthomeau www.berthomeau.com et jberthomeau@hotmail.com
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