Du fait de la profession de mon père, entrepreneur de battages et de travaux agricoles, la salle commune de la maison familiale, ancienne auberge autrefois, située à l’entrée du bourg, voyait défiler beaucoup de monde, surtout les jours de foires et marchés. Chez moi on ne poussait pas les gens à boire mais, selon le degré d’intimité avec ceux qui passaient, deux formules rituelles étaient de rigueur : « vous prendrez bien un verre… » pour ceux que l’on connaissait bien et, pour les autres, les notables surtout, une forme de reproche gentil « mais vous n’avez même pas bu quelque chose ! » Comme l’écrivait l’ethnologue Claude Lévi-Strauss en 1974, le vin n’a pas seulement une valeur nutritive c’est une boisson à consommer ensemble. C’est d’autant plus vrai de nos jours où le vin plaisir s’est substitué au vin quotidien.
La légende veut que Dionysos ait offert le vin à Icarios en récompense de son hospitalité. Presque partout dans toutes les cultures et à toutes les époques, nous trouvons le vin associé à l’hospitalité. Mot un peu tombé en désuétude l’hospitalité. Serait-ce que son contraire, l’hostilité, dont il serait étymologiquement dérivé, a pris le pas ? Bien sûr, certains esprits chagrins, du type Chabalier, affirmeront que l’offre de boire peut être dangereuse et que le refus de boire n’est pas une offense. Je peux en convenir comme je suis prêt à admettre que le héros de René Fallet dans Beaujolais Nouveau lorsqu’il affirme « T’es en France, mon gars, et en France on boit le coup quand on a quelqu’un à la maison, on n’est pas des sauvages ! Vide-moi ça cul sec, c’est du nanan. […] Le canon, faut comprendre aussi que c’est pas seulement du pinard mais de l’amitié. » sent un peu le folklore piccolo. Pour autant, l’asepsie ambiante, la froideur ou l’absence de chaleur humaine, le chacun pour soi et le chacun chez soi, nous font basculer dans une société inhospitalière.
Que ça déplaise ou non à nos détracteurs l’un des antidotes puissant pour contrer l’émergence de ce monstre froid, normé, enserré dans des préceptes intangibles édictés par les « gardiens » de notre Santé Publique, c’est la promotion du bien-vivre ensemble. Et le bien-vivre ensemble c’est à nous, pas à eux, de le définir, de le bâtir. Et le vin fait partie du bien-vivre, qui peut le contester ! Les causes de l’alcoolisme se situent ailleurs, dans le mal-vivre, le désespoir, la solitude et les difficultés économiques et sociales. Quand j’entends seriner par les radios et les télévisions que le lobby viticole à fait reculer la puissance publique dans sa juste lutte contre l’alcoolisme les bras m’en tombent. Sont-ce des journalistes ou de simples haut-parleurs des peurs de l’époque ? Font-ils encore le métier d’informer ou est-ce que leurs à priori privés prennent le dessus sur l’objectivité ? Le vin et les vignerons sont des boucs émissaires commodes, faciles à stigmatiser, j’écrirais même que ce lobby blanc se sert d’eux comme des leurres pour masquer son impuissance. L’irruption du binge drinking, ce shoot violent, destructeur, montre à l’évidence qu’ils sont toujours en retard d’une guerre.
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