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25 avril 2009 6 25 /04 /avril /2009 00:19

Ce n’est pas la dictée de Bernard Pivot, pleine de pièges, mais une comme celle que mademoiselle Bry, à l’école Ste Marie de la Mothe-Achard, nous faisait calligraphier à la plume sergent major trempée dans nos encriers emplis d’encre violette. Exercice de style suranné d’un de nos auteurs vedettes, car né dans ce confetti de la  Vendée militaire : « la Petite Église », donc protestant et instituteur de la laïque qui publiera en 1909 son premier roman Les creux de maisons sous forme de feuilleton dans l'Humanité le journal de Jean Jaurès.

 

« L’air était vif et jeune ; la terre fumait. Derrière le versoir, mille petites haleines fusaient, droites précises, subtiles ; elles semblaient vouloir monter très haut, comme si elles eussent été heureuses d’échapper enfin au poids des mottes et puis elles se rabattaient et finissaient par s’étendre en panaches dormants. Le souffle oblique des bœufs précédait l’attelage et remontait, couvrant les six bêtes d’une buée plus blanche qu’agitaient des tourbillons de mouches.

Des hochequeues voletaient d’un sillon à l’autre ; les plus proches avaient l’air de petites personnes maniérées et coquettes ; les autres n’étaient que des flocons de brume très instables ; on ne les voyait guère, mais on les devinait nombreuses et fort occupées à chasser les bestioles maladroites et lentes, effarées d’être au jour. Dans le haut du champ, une pie se détachait nettement, raide et sérieuse comme un beau gendarme.

Au-dessus de la brume, la lumière régnait, merveilleusement blonde. Le versoir supérieur de la brabant resplendissait et le coutre, dressé dans le soleil, semblait une épée massive, l’épée d’un cavalier nain, trapu et lent.

Ils étaient deux hommes à travailler là. Le plus jeune, un gars de dix-sept ou dix-huit ans, aux membres encore mal jointés et aux mains énormes, épandait du fumier ; il chantait ; sa voix douteuse d’adolescent détonait par éclats lourds qui s’envolaient quand même, tant l’air était sonore.

L’autre qui labourait ne chantait pas ; mais comme son compagnon, il sentait la joie de l’heure. Il venait de se reposer tout un dimanche et, en ce commencement de semaine, l’outil lui paraissait léger. Il était de taille haute et droite avec une tête fine et des jambes un peu longues. Son chapeau rond, posé très en arrière, laissait à découvert sa face brune, maigre, complètement rasée ; ses yeux noirs jouaient avec agilité.

Il conduisait ses bêtes par gestes mesurés, sans cris. Il avait pourtant deux bouvillons au dressage, mais il les avait placés au milieu de l’attelage et tout de suite enlevés en un si rude effort qu’il les tenait maintenant sans peine, éreintés et craintifs. Même au bout de la raize, les bouvillons suivaient docilement les bœufs en tête ; le laboureur n’avait qu’à soulever sa charrue et à la retourner tranquillement sans craindre d’être enlevé par son attelage. Il s’était imaginé la terre trop sèche et il avait lié trois jougs pour un labour profond. Et voilà que cette façon se trouvait excellente. Il avait mis son régulateur au dernier tour et le soc mordait franchement, très bas. Le « talon » laissait dans la raize une traînée fraîche et les mottes, en bonne trempe, s’émiettaient d’elles-mêmes en croulant au soleil ; un léger hersage et la terre serait prête, fine comme cendre.

Les yeux du laboureur riaient parce que toute sa pensée était à son travail et que ce travail était à son gré. »

 

Ernest Pérochon NÊNE

 

QUESTIONS :

1-      Dans quelle région se passe cette scène de labour ? Et pourquoi l’auteur la situe-t-il là ?

2-    Ce roman a obtenu un Prix littéraire en 1920 : lequel ?

3-     Vocabulaire :

a)    que désigne l’auteur sous l’appellation « la brabant » ?

b)   qu’est-ce qu’un coutre ?

c)    que signifie « lié trois jougs » ?

d)   définir ce qu’est la raize ?

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