" Mieux instruits de ces choses, les Romains, contèrent qu’ils consacraient leurs vignes à Bacchus. On était au déclin du paganisme, et alors que tous les dieux tombaient, Bacchus chancelait à peine – Et encore était-ce après les libations.
Les Parisiens lui dressèrent donc un autel, auquel succéda dans le haut de la rue Saint-Jacques, une première église qui resta entourée de vignobles jusqu’au XIe siècle. Pour concilier la présence d’un ancien dieu avec la ferveur du culte nouveau, les Parisiens s’avisèrent d’un curieux stratagème : ils baptisèrent Bacchus. Ils le découronnèrent de ses pampres. Ils le coiffèrent d’une auréole, et en firent saint Bacchus – nom que l’église Saint-Benoît en raison de cette tradition, porta très longtemps.
La fête de la saint Bacchus tombait le même mois et le même jour que la fête des vignerons des environs de Paris qui s’est perpétuée jusqu’à nous. En combien de lieux de France, à cette époque déjà, saint Bacchus n’eut-il pas mérité qu’on lui dressa des autels !
Par sa position géographique, par la nature de son sol, la variété de ses expositions et le nombre de ses abris, la France est, plus qu’un autre pays, favorable à la culture de la vigne. Charlemagne qui la rencontre dès les bords du Rhin, et la retrouve à Fronsac quand il séjourne en Aquitaine, étend sur elle sa protection. Il est sobre, il limite à trois coupes, à chaque repas, ses libations. Il condamne sévèrement l’ivresse, mais il approuve l’usage du vin.
Les saints aussi, Grégoire de Tours raconte qu’un pauvre pêcheur n’ayant plus une seule goutte de vin pour se ranimer au travail, se mit à prier Saint Marti de lui faire la grâce d’une pêche heureuse. Au premier coup de filet dans la Loire, il prit un poisson magnifique ; revenu bien vite sur le bord, il entra au cabaret le plus voisin, et le poisson pêché par l’entremise du saint fut le prix du vin qu’il y but.
Cette légende n’a pas eu affaire à des ingrats : les buveurs, à l’époque médiévale, ont pris pour patron saint Martin, alors que les vignerons, de leur côté, se plaçaient sous le patronage de saint Vincent, auquel ils sont restés fidèles.
La plus dure punition que Charlemagne inflige à ceux de ses serviteurs en retard dans l’accomplissement de ses ordres, c’est l’obligation de s’abstenir de vin pendant autant de jours qu’ils en auront retardé l’exécution. Il suffisait, paraît-il, de la rigueur de ce châtiment pour ramener la discipline. En ce grand empereur, à qui rien n’est étranger de ce qui fait la prospérité d’une nation, la vigne a un défenseur éclairé ; ses capitulaires le prouvent. »
Texte de Georges Montorgueil et illustrations de Marcel Jeanjean
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