Voici quelques jours, dans l’une de mes chroniques, Nicolas s’adressait à Monseigneur le Vin http://www.berthomeau.com/article-26886609.html, aujourd’hui par l’entremise de Julie Campos, la plus française des anglaises du vin, les vignerons de Tain nous offraient l’extrême plaisir d’une dégustation de leur gamme « Queen of Syrah ». Comme vous le savez je suis joueur et ce que j’aime par-dessus tout c’est le contre-pied. Alors pour ce cérémonial, dont je ne maîtrise pas tous les codes, n’étant qu’un amateur, mon choix s’est de suite porté sur Margot de Nicolaÿ qui, sans conteste, m’apparaissait en position de maîtriser l’étiquette.
C’est en 1607 que pour la première fois le maréchal de Villars, dans ses Mémoires, emploie en français le mot étiquette. Née à la cour de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, cette liste contenant le détail de ce qui doit se pratiquer journellement à la Cour, sera introduite à la cour de Vienne par Marie de Bourgogne, petite-fille de Philippe le Bon, qui a épousé Maximilien 1ier, archiduc d’Autriche. L’étiquette passe ensuite par la cour de Madrid avant de s’imposer à l'extrême fin du XVIe à la cour du roi de France. Ce clin d’œil avec la nôtre, cette étiquette qui ceint nos beaux flacons, valait bien d’être tenté, pas trop appuyé bien sûr, mais que ne ferais-je pas pour un beau titre de chronique.
Nous nous sommes donc retrouvés, par les bons soins de Flore de Cerval, dans les locaux de Chef&Sommelier www.chefsommelier.com chez Arc International, pour notre dégustation. Notre nectar royal pourrait ainsi s’épandre dans un réceptacle digne de sa position : le verre AROM’UP fruity le grand module de 43cm. Outre la « reine » Margot, Erwan Thill, responsable export des champagnes Binet et Collery, mon vieux complice Michel-Laurent Pinat, qui apporterait à cette dégustation juvénile le poids de son expérience, complétaient ma petite troupe de dégustateurs. Moi-même me contentant de n’être que le scribe attentif d’une dégustation ouverte, respectant l’étiquette.
Ma bande des 4 va donc déguster 4 vins dans l’ordre suivant un classique rosé 2007, un classique rouge 2006, un rouge réserve 2006 tous les 3 : Vins de Pays des Collines Rhodaniennes et un Hermitage Grande Réserve 2005.
Première remarque, à propos de l’étiquette, la mention « Cool climate Syrah » fait l’unanimité car elle interpelle, étant à la fois en décalage avec l’image traditionnelle des vins de cette partie septentrionale de Rhône Valley et en bonne adéquation avec l’image plus décontractée de cette gamme. « Sympa et fin ! » ponctue Flore.
Premier service, la robe du rosé est jugée un peu terne, pas assez pink, trop orangé traditionnel par rapport à la promesse de l’étiquette. Je me dis, que mes petits loups sont redoutables. J’attends. Ils embrayent, le nez est flatteur, un côté fraise, délicat, peu exubérant, subtil, droit et net, exempt de défauts. En bouche, très léger, très agréable, « un goût de revenez-y » pour Erwan, « pour un barbecue, c’est canon » ajoute Margot. Michel-Laurent conclut « équilibré et élégant » Sur le packaging, une réserve par rapport à la vogue du rosé, mes djeunes le trouve pas très attractif (nous y reviendront après la dégustation du second vin).
Deuxième service, la robe rouge carmin est qualifiée de superbe, une belle évolution, le vin glisse bien sur le flanc du verre, soyeux. Le nez, très flatteur, opulent, des exhalaisons de pruneaux, de noyaux de cerise, un peu Porto pour Erwan, des notes poivrées. En bouche, très souple, très rond, facile, très bien fait, féminin le mot est lâché par les filles. Un vin de tapas, « à recommander à ceux qui ne connaissent rien au vin », dixit Margot. Pour les hommes c’est un vin assez proche du cliché Côtes-du-rhône mono-cépage mais qui en renouvelle l’image. ou quand le vin de comptoir devient before...
Avant de relater la dégustation du 3ième vin arrêtons-nous sur l’étiquette des 2 premiers. D’une manière unanime elle est jugée par mes jeunes pousses pas suffisamment en accord avec les intentions de ses concepteurs et le fun des vins. Nous discutons ferme sur le sujet et un accord se fait entre nous pour estimer que c’est le bandeau du pied de l’étiquette qui l’alourdit, la tasse, jure un peu avec l’élégance du graphisme qui nous plaît beaucoup.
Troisième service, Réserve 2006, robe d’une grande élégance, « un je ne sais quoi de mystérieux » Erwan, rouge profond, « on a envie de s’y plonger » Margot, envoutante, une très belle évolution… Pour le nez c’est une forme d’extase : les voilà qu’ils me parlent de rétro-olfaction. Je suis admiratifs. Surprenants ils sont mes "petits loups" (ce foutu masculin qui l'emporte toujours, allez va pour les petites louves). En bouche, une belle charpente mais sans aspérité, souple, « androgyne » lancent-ils. Très fondu, hors du cliché du sous-bois mais avec un côté vanillé. « Automnal » pour Michel-Laurent. Belle complexité, plutôt pruneaux avec une pointe de cuir ajoute Flore. Généreux pour Erwan. Gourmand en bouche et belle finale. Le ravissement est général. Prêt à boire : au top. Margot adore l’étiquette. C’est le coup de cœur du groupe (nous finirons la bouteille en déjeunant…)
Je lance la proposition : « vous le buvez avec quoi, quel plat ? » L’alchimie se fait à la vitesse de l’éclair : accord sur une belle Côte de Veau grillée aux aromates de Provence (pour moi de chez Hugo Denoyer, rue Mouton-Duvernet, le boucher des étoilés). Pour l’accompagnement : gratin de courgettes pour Flore, purée gratinée pour Margot et ratatouille pour Erwan et Michel-Laurent. Du travail bien fait ne trouvez-vous pas chers lecteurs.
Quatrième service, l’Hermitage 2005, Grande Réserve, la robe est très sombre, opaque. Le nez magnifique ! Très complexe alliant plusieurs tableaux aromatiques : fruits confits, Erwan et Michel-Laurent, café torréfié pour Flore. En bouche, les tanins plus présents, ce garçon est encore jeune. Un creux, au milieu de la dégustation, qui devrait se combler avec l’âge. Vin masculin, animal de race, encore rigide mais bien équilibré. Un beau gamin plein de promesses : apte à la garde pour 7 ou 8 ans.
Fermez le ban ! Photos. Confidence : nous dégustons une Syrah of Australie que j’ai apportée dans mon petit panier. De l’encre de seiche, du lourd, du 15°, ça vous emplâtre la bouche, de quoi mettre sur le flanc le plus rompu des vieux buveurs de canon de Sidi Brahim et terrasser un troupeau de taureaux camarguais. Nous descendons déjeuner au resto d’à côté avec notre petite bouteille de Queen of Syrah Réserve 2006 sous le bras et la serveuse très sympa n’y voit rien à redire (on lui commande 2 bouteilles d’eau minérale en échange de bon procédé) Belle journée. « Cool climate syrah » it’s very good !
La gamme « Queen of Syrah » est élaborée par la Cave de Tain, premier producteur de Syrah d’Europe www.cavedetain.com/, pour offrir une alternative à sa gamme classique d’AOC en présentant le vin par le cépage. C’est donc une invitation à la découverte pour les curieux de toute nature, qu’ils soient amateurs de vin ou néo-consommateurs. Pour notre petit groupe c’est une initiative de qualité car les vins sont de belles tenues, agréables, bien adaptés à des moments de consommation très divers : barbecue, apéro, accompagnement d’un beau plat : notre côte de veau grillée. Notre coup de cœur : le Queen of Syrah Réserve 2006 est vraiment un très beau vin. Si vous nous faites confiance adressez-vous directement à la cave de Tain car ces vins ne sont pas encore sur le marché français, sauf l’entrée de gamme Queen of Syrah ainsi que le rosé effervescent (que nous n’avons pas dégusté) qui sont en vente à la boutique de la Cave de Tain. Ils sont tous déjà proposés à l’export, en Amérique du Nord, en Scandinavie et en Asie. Entre nous, si les acheteurs de la GD jouaient vraiment le jeu de la promotion du vin auprès des nouvelles générations ils mettraient de suite en avant ce type de produit. Paresse intellectuelle, conservatisme, ou je ne sais quelle autre mauvaise raison…