À quoi rêvent les jeunes filles ? Je ne sais ! Au prince charmant ou au dernier-né des I-pod, aux deux sans doute, peu importe, ce qui compte en ce temps postmoderne, si l’envie vous prend de leur conter fleurettes, c’est de bien prendre le vent de la tendance pour choisir le lieu et le moment où vous allez les inviter. Les lieux à la mode sont comme tous les objets de mode, ils viennent souvent de nulle part, vivent le temps d’une foucade ou d’un emballement, pour disparaître sans préavis dans le néant. Mais, comme diraient les modeux, restent les incontournables, ceux qui résistent à tout, le Flore par exemple, où vous pourrez croiser BHL et Arielle ce qui peut impressionner votre jeune compagne ; ou bien les classiques bars d’hôtel : l’Hemingway du Ritz, le Raphaël ou le bar Ernest du Lutetia, si vous sortez une intellectuelle ; ou bien encore un minable café du coin dans un quartier incertain si votre dulcinée préfère les jeans troués et les petits trucs roulés. À vous donc de dénicher le lieu où vous pourrez faire rêvez les jeunes filles ou plus si opportunité.
Certes, le choix du lieu peut s’avérer déterminant pour le succès de vos entreprises cependant celui du moment peut se révéler tout aussi important. Bien sûr il y a le before, ce qui en bon français se traduit par le début de soirée, qui convient bien pour les premières approches en terrasse de café, sans forcément se la jouer jeune premier. Plus complexe l’after qui lui demande une belle santé pour affronter les disc-jockeys survitaminés et les copines évaporées de votre dulcinée. Le meilleur plan, jusqu’à ces derniers jours restait, bien sûr, le brunch, variante branchée du déjeuner sur les coups de dix heures de mon grand-père. Le brunch est un mot-valise anglais, qui combine les mots breakfast (petit-déjeuner) et lunch (déjeuner). Douce et belle nuit sous la couette, à deux, grasse matinée, et autres légèretés. S’habiller à la va que je me pousse. Sortir encore tout ouatés de sommeil. Se rendre au Loir à la Théière. Bruncher ! Le pied ! Fort bien mais cela supposait d’enchaîner : before, after, de séduire et, comme ce sont toujours en définitive les femmes qui choisissent, suivre la belle qui vous ensorcelle là où elle veut bien vous mener.
Mais, et c’est le Ribaut du Monde, qui le dit, le dernier cri, aujourd’hui c’est de druncher. Le drunch, encore un mot-valise, né de la fusion entre dinner et lunch c’est, écrit-il : « une nouvelle manière, dit-on, de se nourrir sinon de s'alimenter, au gré de son humeur, en famille ou entre amis, à la maison et, c'est nouveau, au restaurant. Le brunch est le plaisir des lève-tard ; le drunch est aujourd'hui l'affaire des couche-tôt ». Le mot est lâché : les couche-tôt, papy-boomers amortis, banquiers privés de bonis, bobos en quête d’amis, écolos qui veulent économiser l’énergie, tous « à partir de 18 heures, autour d'un buffet ou d'une table dressée en toute liberté » puis extinction des feux à 21 heures, charentaises, bonnet de nuit et, pourquoi pas à la bougie, avec la belle de vos nuits, que vous aurez séduit en drunchant (on dit aussi « slunch » : souper et lunch réunis). au Mini-Palais* , tout en picorant dans des verrines – c’est ultra tendance – vous pourrez soit effeuiller la marguerite, compter les moutons, jouer à les sauter ou dormir car, comme le disait un sage, « le lit est aussi fait pour dormir ».
Alors, quand j’entends monter le lamento des « ceuss » qui pourfendent le Big Mac ou le soda d’Atlanta, je préfère sourire qu’écrire. Qu’ils se rassurent, le poulet au Coca n’est pas au menu du drunch car c’est ringard. Out ! Dépassé. Sans avenir. La tendance ne naît pas dans les zinzins à CVO mais dans l'Upper East Side à New-York. Nos amis américains, comme le montre l’étude VINEXPO-IWSR, vont devenir les premiers consommateurs mondiaux de vin tranquilles. Moi, du haut de la rue St Jacques, berceau des vignes de Lutèce, j’ai l’extrême prétention d’être un vrai « humeur » de tendances et je trouve dérisoire nos prétentions à vouloir faire inscrire notre gastronomie au Patrimoine immatériel de l’Unesco. Nous ne sommes menacés par aucune barbarie mais par notre inertie, par notre goût à vouloir défendre nos exceptions. Vivons ! La vie, celle que je viens de décrire dans ce billet au masculin, mais que j’ai conjugué avec le féminin, en est la preuve. Le bien manger s’accompagne du bien boire. Les occasions de consommation se multiplient. Les femmes, comme je l’avais écrit en 2001, sont de la partie. Et pourtant ce sont toujours les mecs qui s’arrogent le droit de donner le la. Alors au lieu de me tomber sur le râble une nouvelle fois, de demander ma tête, accordez-moi tout le crédit que mon statut « d’homme qui aime les femmes » me confère. Croyez-moi, c’est du béton.
Laurent petit Foreix 02/02/2009 10:09
J-C 31/01/2009 07:35