Ce conte qui n'est pas, loin s'en faut, de Noël nous vient d’Indonésie* au temps où l’islam était beaucoup plus tolérant en matière de mœurs et d’ivresse « La vie n’est qu’une halte pour se désaltérer » dit un adage javanais. Pour faire court je l’ai traité à ma sauce.
Deux frères Jayengraga et Jayengresmi recherchent le mari de leur sœur qui a quitté, en quête de spiritualité, sa femme au terme de la nuit de noce (il n’a pas dit je pars chercher un paquet de cigarette au bistrot du coin…) Arrivés au village de Pulung, en fin de journée, ils apprennent du chef musulman du village que la veuve Sembada donne une fête où se produira une danseuse de charme, Ni Madu. Tous les notables sont invités. Que la fête commence ! Le vin de palme est servi. L’hôtesse demande au chef de la mosquée du village, Ki Duljaya, de composer 10 devinettes chantées qui scanderont la beuverie. C’est torride. Les coups de gong, la danseuse, le vin de palme et, si vous allez au bout petits canaillous et ouses, des surprises !
« Eka padma sari »
Qui boit un verre de vin de palme s’épanouit et sent bon comme une fleur…
« Dewi martani »
Qui boit deux verres parle clair d’un air poli et fraternise avec ses semblables…
« Tri kawubusana »
Qui boit trois verres de vin de palme se tamponne de ses vêtements, laids ou beaux, loques ou oripeaux »
« Catur wanara rukem »
Qui boit quatre verres ressemble à un singe qui se bat pour manger, perd la tête et se moque de son prochain »
« Panca sura pangah »
Qui boit cinq verres se moque de tout, n’a peur de rien, est prêt à tout affronter, perd toute sensation. Ne lui reste que la bravoure jusqu’au courage de mourir…
« Sad gunz weweka »
Qui boit six verres voit ses pensées déborder. Susceptible, qu’il entende quelqu’un parler et il pense qu’on médit de lui »
« Sapta kukila wresa »
Qui boit sept verres jacasse comme une pie. Tel un oiseau trempé par la pluie, immobile, il n’a plus le courage de chercher des fruits pour manger. Il piaille à tort et à travers...
« Astha kekara-cara »
Quand on est au huitième verre tout est permis, plus rien n’est interdit, tous à loilpé…
« Nawa wranga lupa »
Qui boit neuf verres est exténué comme un boa repu. Vive la paresse !
« Dasa buta mati »
Qui boit dix verres n’est plus lui-même c’est une bête féroce…
L’auteur de l’article, Sindhunata, publié par la revue indonésienne Basis, fait remarquer que peu de convives atteignent le 10ième verre et il écrit « certains se déshabillent, se frappent le ventre en fanfaronnant : « Encule-moi ! » Mais alors comment cela a-t-il fini me direz-vous ? Je laisse la plume à Sindhunata (âmes pudibondes passez votre chemin…) :
« La veuve Sembada sort de la maison en se cachant dans une couverture. Elle vient d’entendre le bruit d’un homme en train d’uriner. Le jet d’urine est très fort, le sexe de l’homme doit l’être tout autant. Ainsi pense la veuve. Elle tire l’homme par sa ceinture, caresse son pénis et lui demande de la pénétrer. Elle l’entraine dans un coin sombre, s’abrite derrière un bosquet de bambous et s’agrippe à un bananier tout en se courbant. Elle veut jouir longtemps mais l’homme ne tient qu’un instant. La veuve est furieuse. Elle retourne à la maison en liesse, cherche un homme qui veut bien d’elle, qu’importe qu’il l’ait grosse ou petite. Les hôtes sont tous ivres morts, ils n’ont plus la force de bouger. Seul le chef du village est encore vaillant. »Bois encore un verre ! » lui dit la veuve Sembada. »
· article publié dans le très sérieux Courrier International du 18 au 31 décembre 2008-12-21
à défaut d’autre chose vous aurez appris à compter jusqu’à 10 en javanais : Eka(1) Dewi(2) Tri(3) Catur(4) Panca(5) Sad(6) Sapta(7) Astha(8) Nawa(9) Dasa(10)