5ième épisode : en France pour avoir son nom sur une plaque de rue il vaut mieux avoir chanté tiens t'auras du boudin plutôt que d'être un fils de marchand de vins devenu mathématicien
En 1997, les américains Robert Merton et Myron Scholes se sont vus décerner le prix Nobel d'économie pour des travaux dont Louis Bachelier est l'initiateur. L'hommage de R.Merton à Bachelier est éclatant : " On peut trouver une grande partie des mathématiques financières modernes dans la thèse de Louis Bachelier sur la théorie de la spéculation parue en 1900... Ce travail marque à la fois la naissance des mathématiques en temps continu des processus stochastiques et celle de l'économie en temps continu de l'évaluation des actifs dérivés..." Nous les béotiens on veut bien le croire même si on n'entrave que dalle au vocabulaire.
Voilà une belle consécration, pour ce marginal de l'Université française, à la veille de la fin d'un siècle qu'il avait inauguré dans l'indifférence condescendante de ses pairs. Et pourtant aux dires des scientifiques d'aujourd'hui ce cher homme avait élaboré une théorie mathématique du mouvement brownien cinq années avant le grand et génial Albert Einstein ; que dans les années 30 les probabilistes russes, dont le grand mathématicien Andrei Kolmogorov, avaient utilisé ses travaux. Pour qu'il sorte définitivement de l'ombre il a fallu qu'il soit redécouvert, dans les années 60, par les économistes américains notamment Paul Samuelson prix Nobel d'économie en 1970. Notre anonyme Bachelier devint une référence sur les campus US et chez les agités de Wall Street.
A ce jour, notre fils de marchand de vins, hormis sa Légion d'Honneur, mais qui ne l'a pas, n'a eut droit ni à une plaque de rue, d'impasse ou de placette, ni même à une plaque commémorative au Havre ou ailleurs, aucune Université ou Grande Ecole n'a envisagé d'accoler son nom à un amphi ou à leur bibliothèque, c'est chez nous un zombie. Moi qui, grâce à mon vélo, connait Paris comme ma poche, je me dis qu'il vaut mieux avoir participé à l'aventure coloniale pour se voir honoré de la sorte : les capitaine Marchal, Ferber et Tarron, le lieutenant Chaurré, l'adjudant Réau, qui forment le plus fort taux de coloniaux au mètre carré dans le 20ième arrondissement de notre capitale, en sont la preuve. Alors, pour réparer l'oubli - nous sommes un grand pays réparateur d'oubli - je propose aux bien lotis du CAC 40 de se cotiser pour financer une médaille commémorative en l'honneur de Louis Bachelier. Les Français aiment tant les médailles et les commémorations...
FIN