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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 00:06

La mécanique des « sociétés civiles de placement immobilier », les fameuses SCPI, pompes à fric puisant dans le bas de laine des petits épargnants avides de gains à deux chiffres, transformait la pierre en papier. En effet, pour le législateur il fallait offrir au secteur immobilier en plein boom de nouvelles sources de financement et les petits génies du Ministère des Finances, nichés dans les soupentes du Louvre, rue de Rivoli, jamais en reste de formules pompeuses écrivaient dans leurs Notes bleues  « la mise en place des SCPI vise de surcroît à favoriser une démocratisation de la propriété tout en offrant au grand public une « forme moderne de mobilisation de l’épargne ». Deux mots magiques : démocratisation et moderne qui mettaient tous les prédateurs en chasse de gogos. Comme toujours dans notre beau pays toutes les sécurités sont officiellement en place pour rassurer le petit épargnant : les SCPI ne peuvent se livrer directement à des actes de commerce, acheter et revendre des biens par exemple, elles doivent donc confier leur fond à des sociétés de gérance d’où l’utilité absolue des « hommes de paille ». La formule qui allie, selon les encarts publicitaires, disponibilité : céder ses parts est plus facile que de vendre un immeuble ; rentabilité : les plus « performantes » proposent des taux d’intérêts annuels supérieurs à 10 %, ce qui, en période d’inflation, attire bien plus que le Livret A de la Caisse d’Epargne, et son petit 5%, les rentiers de Romorantin ; sécurité traditionnellement liée à l’investissement pierre ; fait fureur. Et puis, cerise sur le gâteau, une petite niche fiscale : l’exonération de l’impôt sur les Sociétés, qui est en 1969 de 50%, pour les SCPI. Tout le monde est content, la fraîche afflue, circule, fait des petits et, bien sûr, alimente le lubrifiant des affaires immobilières : les pots de vin aux hommes de pouvoir.

Mon cabinet, ouvert avenue de Lowendal, dans le huppé et discret 7ième arrondissement, affichait sur sa plaque : Conseil. En ces temps post-soixante-huitard la fonction gardait tout son mystère face aux besogneux conseillers juridiques ou fiscaux considérés par les avocats et les notaires comme des usurpateurs ou, pis encore comme des « corruptibles », et elle me permettait d’échapper à l’opprobre des professions officielles chapeautées par des Conseils de l’Ordre. De plus, n’ayant nul besoin de générer du chiffre d’affaires pour vivre, je ne m’aventurais pas sur les pâtures favorites de mes concurrents. Je me contentais de conseiller, en clair de manipuler les uns et les autres en duo avec Chloé. En termes de renseignement mon cabinet constituait une superbe couverture. Dans un premier temps, tout en conservant mes connections nocturnes au sein des mouvances gauchistes, la GP tout particulièrement, je me contentais de faire ma pelote. De tisser ma toile. De régaler. D’arroser. De mettre des femmes dans leurs lits. D’assurer les fins de mois de certains. De recueillir des confidences. De diffuser des rumeurs, ce qui m’était facile eu égard à ma double position d’agent dormant de la cellule MR du déjà fouteur de merde de Bertrand Guide petite main de Marcellin au sein des RG. La propension des hommes à se précipiter dans des sacs de nœuds pour du fric et des femmes est fantastique. Dans mon buiseness, le bouche à oreilles fonctionnait à plein régime et, comme j’exigeais une discrétion absolue, ma réputation s’établissait sans que pour autant le Tout Paris des affaires interlopes mettent un nom sur mon visage ou l'inverse. Le téléphone était mon principal outil de travail et je ne menais aucune vie mondaine, mes soirées je les passais soit dans les réunions des « enculeurs de mouche » de la GP, soit dans le lit de femmes dont l’intérêt majeur était de garder le secret.

Très vite je jetai mon dévolu sur la SCPI la plus juteuse en termes de rendement politique : la Garantie Foncière. Créée par Robert Frenkel, un self made man de 35 ans rondouillard à grosse moustache, qui s’était lancé dans l’immobilier à l’âge de 25 ans, la Garantie Foncière se situait au carrefour fangeux du monde des affaires et du monde politique. Nicole Frenkel, son épouse et complice, gèrait la COFRAGIM, la société de gestion des immeubles financés par le blé récolté par la Garantie Foncière en se plaquant sous un homme de paille : André Rives de Lavaysse, plus connu sous le nom de Rives-Henry.  Paravent idéal, c’est un militant gaulliste qui à la Libération représente de Gaulle dans le sud-ouest. Chargé de mission de Chaban-Delmas, président de l’Assemblée Nationale, de 1960 à 62. En 1963, il est l’adjoint de Jacques Baumel secrétaire-général de l’UNR. Élu député du 19ième arrondissement en novembre 62, battu en 67 mais réélu avec le raz-de-marée gaulliste de juin 68. Chaban étant le 1ier Ministre du Président Pompe c'était du lourd donc; du lourd qui arrondissait ses fins de mois dans une myriade de sociétés. Les Frenkel menaient grand train. Ils avaient un goût effréné du luxe et de l’argent. Le Tout Paris bon chic se gaussait des pyjamas en lamé d’or de Robert Frenkel. C’était un bourreau de travail, séducteur et qui savait inspirer la confiance à ses clients. Pour me faire admettre dans le cercle je profitai  d’une « croisière-séminaire » organisée par les dirigeants de la Garantie Foncière sur le luxueux paquebot Mermoz. Quoi de plus favorable que le huis-clos d’un paquebot pour nouer les fils d’une intrigue. Chloé, bien sûr, était de la fête.

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