"La vente d'alcool sera interdite dans les stations services à tout moment, et non plus seulement entre 22 heures et 6 heures du matin. "
La question posée par cette mesure envisagée par le gouvernement est simple : est-ce que le lieu d’achat influe sur la consommation excessive ?
Le commun des mortels se rend dans une station-service pour faire de l’essence ou du gazole, vérifier la pression de ses pneus, acheter de l'huile ou du liquide pour son lave-glace. Il est rare que madame dit à monsieur ou l'inverse : " chéri va chez Esso acheter du Bonnezeaux..." Alors, dans quelles circonstances, lors du paiement du carburant, l’automobiliste peut-il être « tenté » d’acquérir une ou plusieurs bouteilles d’alcool ? Pour sa consommation personnelle à domicile car il rentre chez lui, ou pour ne pas arriver les mains vides chez des amis, ou si c’est sur une aire d’autoroute pour profiter d’une offre régionale… Bien sûr, ça n'exclu pas les biberonneurs en solitaire mais le fait d’être au volant ne confère aucune dangerosité à l’acte d’achat car, si c’était le cas, il faudrait interdire aux Grandes Surfaces soit de vendre du carburant, soit de vendre de l’alcool car les consommateurs y viennent avec leur petite auto. La consommation in situ, dans la voiture, en solitaire ou en bande, n’est pas liée au lieu d’achat : l’alcool consommé peut-être acheté n’importe où. Sauf à entrer dans un système de prohibition, ou d’instaurer un permis de consommation, raréfier les lieux d’offre d’alcool n’aura aucun effet sur la consommation excessive : un addict, étant donné la nature irrépressible de son besoin trouve toujours le produit pour l’assouvir. L’exemple des pays à monopole démontre que ce système n’a que peu d’effet sur le développement de la consommation, bien au contraire. À trop jouer sur des associations de pensée simplistes : achat d’alcool par un automobiliste/chauffard à taux d’alcoolémie élevé on détourne l’opinion publique des véritables causes de la consommation excessive.
Dans le même ordre idée j’ai du mal à comprendre que l’interdiction des « opens bars », que j’approuve, se fasse sous une forme qui interdirait « toute proposition gratuite du produit » ce qui équivaut à interdire toute forme de dégustation. Que les « open-bars » soient un « classique des soirées étudiantes qui favorisent le binge-drinking », c’est une évidence. Cependant les données de l'enquête Escapad qui a révélé qu' « au cours des 30 derniers jours, près de la moitié des jeunes de 17 ans disent avoir bu au moins cinq verres d'alcool en une seule occasion », ce qui est la définition du binge drinking", ne signifient pas que ce soit le monopole des soirées étudiantes. Cette d’alcoolisation violente touche tous les jeunes en des lieux les plus divers : caves d’immeubles, la rue, les fêtes privées…etc. à la campagne, dans les bourgades comme les villes. En revanche, le fait de proposer de déguster gratuitement, dans une manifestation commerciale ou au domaine, un produit alcoolisé, en l’occurrence dans la majorité des cas : du vin, outre qu’en général on recrache le produit, ne peut en aucun cas s’assimiler à une incitation à l'alcoolisation excessive ; à l'extrême de ce raisonnement : servir du vin à des amis lors d'un repas à la maison ou offrir une bouteille lorsqu'on est invité pourrait s'assimiler à une pernicieuse incitation à s'alcooliser.
Bref, quand en finira-t-on de laisser à penser à l’opinion publique qu’une lutte efficace contre l’alcoolisme peut se réduire à des mesures de ce type ? L’obsession de la communication : une mesure annoncée occupe l’espace médiatique pendant une période donnée puis est chassée par une autre ou par un évènement et tout le monde l’oublie jusqu’à l’irruption d’un nouveau leurre. Pour exemple, le logo femmes enceintes sur les étiquettes : à quoi sert-il, qu’elle est son efficacité ? Comme le montre si bien le récit du Dr Olivier Ameisen, http://www.berthomeau.com/article-24275011.html
http://www.berthomeau.com/article-24403391.html ce n’est pas l’accès au produit, ce n’est pas le flacon qui provoque la consommation excessive. C’est l’angoisse, le stress, le mal être, la solitude, les accidents de la vie, l’exclusion qui poussent certains de nous à chercher, à se réfugier, à tomber dans le piège d’un ailleurs qui serait meilleur. Nous ne sommes plus au temps d’un alcoolisme des classes « dangereuses », mais face à une société éclatée, peu solidaire, confrontée aux contradictions de la consommation excessive de tout et, comme le temps que nous vivons, la première crise de la mondialisation, est anxiolytique, substituer à la responsabilité individuelle une responsabilité collective basée sur l’interdit produit plus d’effets pervers que de résultats probants.