4ième épisode : une bien triste vie pour notre fils de marchand de vin
Après cette fin de non recevoir polie mais sans recours, Louis Bachelier va passer les vingt-sept années suivantes à batailler pour être reconnu et obtenir, le 1er octobre 1927, un poste de professeur de 4ième classe - en France on aime les classes, les échelons, les grades... - titulaire de la chaire de calcul différentiel et intégral à la Faculté des sciences de Besançon ; il a 57 ans. Jusqu'à la guerre il vivote on ne sait trop comment, une bourse de la fondation Commercy, et de 1909 à 1914 il doit se contenter de professer un cours libre, c'est-à-dire non rémunéré, à la Faculté des Sciences de Paris. La galère dirait nos jeunes angoissés de l'avenir.
Le 9 septembre 1914, à 44 ans, il est mobilisé au 24ième Territorial du Havre comme soldat de 2ième classe et démobilisé le 31 décembre 1918 sous-lieutenant au 6ième escadron du Train. Quatre années de sa vie pour une "belle guerre" qui lui vaudra les seules protections de sa triste vie. Pour preuve il arrive à décrocher le premier poste digne de lui, en remplacement du titulaire malade, comme chargé de cours à la faculté des Sciences de Besançon, contre l'avis de ses pairs, grâce au piston d'un haut fonctionnaire du cabinet du directeur de l'enseignement supérieur, au nom de ses services rendus au pays pendant la guerre. Ensuite il navigue en France : Dijon en 1922, Rennes 1925, pour revenir enfin à Besançon définitivement.
Le 14 septembre 1920, Louis épouse Augustine Maillot qui mourra sans leur donner d'enfant en 1921. Triste vie : familiale, longue litanie de morts brutales; professionnelle comme nous l'avons vu ; il sera admis à la retraite le 1er octobre 1937, rejoindra sa soeur Clotilde à St Malo où la guerre encore, la seconde, le chassera. Le malheur toujours ! Réfugié à St Servan s/Mer où il finira sa bien triste vie le 28 avril 1946 à l'hôpital du Rosais. On l'enterrera à Sanvic, près du Havre, avec ses parents et ses petits frères, Jean et Henri (1881-1885).
" Louis Bachelier, professeur de sciences, chercheur, chevalier de la Légion d'Honneur " indique sa stèle funéraire.
Ce ruban rouge, seule distinction honorifique qu'il ait obtenu de son vivant, le 8 mars 1937, et encore il lui a fallu de nombreuses tentatives et des interventions auprès de nombreux hommes politiques. Par bonheur, si je puis m'exprimer ainsi à propos d'un malheureux, sa thèse parut dans une revue de premier plan et ne fut pas perdue pour l'histoire. Louis Bachelier, chercheur, allait entrer dans la postérité posthume bien loin de cette France universitaire qui l'avait ignoré...
A suivre... Aujourd'hui je suis dans le Beaujolais à l'invitation du cru Moulin à Vent pour son AG ça va me changer de mon écran et du macadam de Paris. Alors si ça donne des idées à certains je suis toujours partant pour me glisser dans les plis de notre France du vin...