Michel Bataille, je l'ai rencontré la première fois pendant l'hiver 2001 lors de la commémoration du 100 ième anniversaire de la création de la première coopérative vinicole à Maraussan, à l'époque j'étais un conférencier très prisé car je succitais la polémique - prononcer pau/lémi/ke -, surtout auprès de ceux qui n'avaient jamais lu mes écrits. L'homme sortait d'un combat à la Languedocienne où les alliés ne sont pas toujours les plus fiables. Poignée de main énergique, belle prestance, sourire qui devait plaire aux filles, regard droit, ce garçon pouvait avoir un avenir si les caciques ne lui cassaient pas les reins. Toujours adepte du mauvais esprit, comme il faisait frisquet, je m'étais étonné qu'il n'y eut point de vin chaud. Ensuite nos chemins se sont souvent croisés et, même si le "bougon des cépages" raybanné s'enracinait dans son fauteuil de président à la Fédé des caves, Michel, à l'image de son patrononyme, bataillait pour que l'on sorte du discours historiquo-romantique avec manifs incorporées pour faire des choix difficiles et passer à l'acte. L'entreprise, "son entreprise", Foncalieu, j'y suis allé lors de la signature d'un contrat de partenariat avec Carrefour, au temps où ce grand groupe de distribution, avec Jean-Louis, se voulait avoir le 1/4 heure d'avance sur ses concurrents. Et puis y'avait aussi une histoire très belle d'une espèce d'oiseau dont j'ai oublié le nom. Bref, même si ça le compromet, je l'écris, j'aime beaucoup Michel Bataille mais j'ai aussi un faible pour les communiqués, qui ont, en général, un goût de béton armé, une saveur de littérature du temps du réalisme socialiste, en bouche des aromes de langue de bois. Je n'ai jamais compris que les zinzins continuent, au XXIe siècle, de publier ce genre de littérarture pré-formée. Michel a suffisament d'humour pour me suivre sur ce chemin lorsque je retranscris celui concernant son élection à l'UEVM..."
"Suite au départ de Guy Sarton du Jonchay, l’Union des Entreprises Vinicoles Méridionales (UEVM) annonce que Michel Bataille, président exécutif des Vignobles Foncalieu dans l’Aude a été élu à sa présidence. Le nouveau président, qui devra œuvrer au rapprochement de la production et des entreprises de l’aval, travaillera avec un nouveau bureau composé des vice-présidents Gérard Bertrand (SPH Vins Gérard Bertrand) et Gilles Gally (Groupe Jeanjean), ainsi que Louis Lazutte (Clarac et Clauzel) et Claude Courset (Ducasse SAS). Dans le cadre de la nouvelle OCM, l’UEVM affirme sa volonté d’améliorer la valeur ajoutée de la filière viticole. A ce titre, ses membres veulent assumer leur leadership sur l’organisation régionale de la filière, d’une part en augmentant les volumes et la valeur des produits vendus par le Languedoc-Roussillon et d’autre part en s’appuyant sur le plan d’action à 5 ans défini dans le plan stratégique InterSud. « Cette action ne peut se faire qu’avec le développement d’un lien fort avec les autres acteurs de la filière et en totale cohérence avec la coordination nationale de l’Association Générale des Entreprises Vinicoles (AGEV) » annonce l’Union dans un communiqué. Les membres de l’UEVM annoncent vouloir renforcer leurs relations avec la Région Languedoc-Roussillon afin de promouvoir les marques aptes à générer de la valeur ajoutée et à occuper tous les segments du marché. Quant au nouveau cadre de l’OCM, ils affirment leur volonté de veiller à ce qu’ils puissent « exercer le plus librement possible leurs activités commerciales ». Par ailleurs, ils rappellent que pour la nouvelle catégorie des vins sans IG, ils souhaitent un espace de liberté le plus large possible. Enfin, l’UEVM souhaite renforcer ses actions en faveur de la recherche et du développement en étroite collaboration avec les acteurs économiques et institutionnels engagés dans ce domaine."
Question N°1 : Bonjour Michel Bataille, l’élection d’un Président d’un groupe coopératif à la tête de la représentation du négoce languedocien, l’UEVM, c’est une première. Pourquoi ? Est-ce le début d’une réelle unité des metteurs en marché qui vendent l’essentiel des volumes pour que triomphent des solutions tenant compte de la réalité de la demande aussi bien en France que sur les marchés extérieurs ?
Réponse de Michel Bataille : « J’ai trouvé au sein de l’UEVM, malgré des tailles d’entreprises fort différentes, une réelle volonté d’avancer dans l’intérêt des entreprises. Il m’apparaît que cette cohésion du négoce languedocien ne se fait plus par opposition à la production, qui a été longtemps le ciment des entreprises du négoce. Il en va de même pour la production qui opérait sur le même mode de mise en cohésion. J’espère que ces changements des deux côtés sont le prélude à un fonctionnement plus équilibré. Mon élection au sein du négoce est surtout le fruit d’une volonté des entreprises de se rapprocher de la production tout en faisant valoir leurs prérogatives et leur spécificités. De là à penser que s’ouvre une ère nouvelle de consensus généralisé, c’est un pas que je ne franchirai pas. »
Question N°2 : L’observateur extérieur que je suis, intéressé mais non impliqué dans les grandes décisions, a de plus en plus de mal à décrypter la réalité languedocienne où le verbe semble toujours tenir le haut du pavé. La nouvelle donne de l’OCM vin exige que des choix rapides soient faits : AOP-IGP par exemple. Le spectre d’un arrachage massif est agité alors que l’immobilisme prévaut depuis presque dix ans. Le regroupement interprofessionnel se transforme en étage supplémentaire. Que faut-il faire pour que le Languedoc retrouve une dynamique qui en fasse enfin le cœur de notre rebond de grand pays généraliste du vin ?
Réponse de Michel Bataille : « L’arrachage massif est le résultat d’une pyramide des âges très défavorable, elle-même découlant de 30 ans d’errements des politiques viticoles où la plupart des responsables de la filière -à part quelques visionnaires - n’ont pas su anticiper les changements qui se préparaient. Au lieu d’anticiper ces changements, ils les ont refusé, construisant jour après jour des lignes Maginot qui étaient submergées à chaque reprise. Au contraire, il aurait fallu prendre les devants par une politique résolument offensive, accepter d’abandonner certains pans de notre activité traditionnelle pour en refonder d’autres avec dynamisme et passion . Nous n’avons fait que reculer et atteindre le bord du gouffre, au point que la maxime de Frédéric IIde Prusse « Celui qui veut tout défendre ne défend rien » est une cruelle réalité en Languedoc. La dynamique du Languedoc ne passera que par des entreprises innovantes, à l’écoute de leur environnement, aptes à répondre à tous les segments de marché. Ce n’est pas une question de taille d’entreprise mais d’état d’esprit. Il faudra de grandes entreprises, de taille internationale, pour occuper les grands marchés mais cela n’exclut pas les petites entreprises et celles de taille moyenne pour occuper les segments de marchés spécifiques de différenciation. Cela passe par une capacité à faire évoluer la production en lui conférant une compréhension des marchés et agilité qu’elle n’a pas eu jusqu’à aujourd’hui. »
Question N°3 : Michel tu occupes dans ton entreprise Fontcalieu une position originale à la jonction entre les producteurs et le management qui doit te permettre mieux que d’autres de mesurer les difficultés de la gouvernance de notre vignoble. A-t-on avis que faut-il faire pour aider « les gazelles » du vin à se développer pour qu’elles puissent être plus présentes et plus compétitives sur les marchés en expansion ?
Réponse de Michel Bataille : « La gouvernance de la filière reste un problème majeur en Languedoc Roussillon. Du défaut de consensus sur l’analyse concurrentielle découle des incompréhensions politiques et des erreurs stratégiques. Cependant certaines entreprises réussissent.
Ces « gazelles » du Languedoc Roussillon doivent pouvoir exercer leur activité en toute liberté, faire preuve d’imagination et d’innovation, l’agilité étant un facteur-clé de succès majeur.
Il faut les appuyer en finançant leur développement notamment commercial et marketing par le renforcement des actions et des équipes. Ces actions doivent s’inscrire dans une démarche fédératrice de communication sur les produits du Languedoc (y compris les cépages sans IG qui seront essentiellement issus du Languedoc et commercialisés à travers des marques), en faisant taire les querelles de chapelles par produit. »