C’est le titre de l’éditorial du Monde daté du 29 octobre. Quelques jours avant, dans Ouest France, un autre titre : « On devient alcoolique de plus en plus tôt, fille ou garçon ». Je commence par l’histoire d’Anaïs, tout juste 20 ans et « derrière elle, l’expérience d’une déchéance violente. Alcools, substances stupéfiantes de toutes sortes, misères sociales et affectives… L’enfer lui a ouvert les bras lors de l’anniversaire d’une copine. Les deux amies ont 12 ans. Elles vont vider chacune une bouteille de mousseux. « On était euphoriques. On s’est bien amusées » Le pli est pris. L’habitude des fêtes avec les copains s’installe. »Certains ne buvaient que le week-end. D’autres, comme moi, se sont mis à boire dans la semaine. Au début, c’est un plaisir qu’on partage avec des amis. Et puis, ça devient un besoin. Je me suis mise à boire toute seule. Dès le matin. Du vin en cubi, de la bière. Tout ce qu’il y avait de moins cher. » Elle associe parfois l’alcool à l’ecstasy, la cocaïne, le LSD. À 17 ans, Anaïs est dans l’étau d’une dépendance psychique qui, très vite, devient physique. Les tremblements, les sueurs, le repli pathologique sur soi…Ses parent sont séparés, elle fréquente des squatts et les abris et les abris de fortune. Elle murmure : « Je ne pensais pas que ça pouvait mener si loin, si vite ! » Elle parle d’enfance difficile, de fuite, d’oubli… »
L’édito du Monde est lui dans le plus pur style très « faux-cul » du Monde (je suis abonné) : « C’est l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. Depuis des mois, le gouvernement a exprimé son intention de limiter sévèrement l’accès des jeunes à l’alcool pour tenter d’enrayer des phénomènes d’addiction de plus en plus précoces et dangereux. Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoire » préparé par la ministre de la santé prévoit à cet effet plusieurs mesures comme l’interdiction stricte de vente d’alcool au moins de 18 ans ou la prohibition des « opens bars », ces soirées étudiantes où l’on peut boire à volonté après s’être acquitté d’un ticket d’entrée. »
Donc, si je lis bien l’éditorialiste du Monde ça c’est le verre à moitié plein mais ce cher homme ne nous dit pas ce qu’il faudrait faire pour qu’il soit complètement plein. En clair, que faire pour endiguer vraiment le phénomène décrit. Si l’on se réfère au cas d’Anaïs, les digues prévues, même si pour les « opens bars » je souscris des deux mains, apparaissent bien peu appropriées. Autre exemple cité dans l’article d’Ouest-France « Briser l’omerta, c’est le combat de Véronique, 46 ans, du pays Bigouden. Elle élève seule son fils de 19 ans, accro aux drogues et à l’alcool. « Il passe son temps à dormir, dormir, sans boire, sans manger, avec un teint vert de gris. J’appelle le 15. On me répond : ce n’est pas une urgence. Toutes les portes se claquent. On va crever tous les deux ! Le début de la maltraitance, c’est l’indifférence. » Et pendant ce temps-là l’ANPAA attaque un article sur le Champagne dans Le Parisien. Dérisoire !
« Mais dans le même temps, poursuit l’éditorialiste, Roselyne Bachelot – à noter le glissement vers la personnalisation – vient d’annoncer, avec un sens aigu de la litote, qu’elle ne s’opposera pas, lors de l’examen de ce texte au début 2009, à un amendement parlementaire autorisant la publicité pour l’alcool sur Internet. La Ministre s’est empressée d’ajouter que cette « actualisation » de la loi Evin, qui encadre strictement depuis 1991 la publicité pour les boissons alcoolisées, serait assortie de nombreuses protections : maintien de l’interdiction sur les sites voués aux jeunes ou au sport, messages assortis de mises en garde sanitaires, etc. »
Là, si je comprends bien notre plumitif du boulevard Blanqui – on est voisin – le verre est soudain moitié vide et l’argumentation frise la malveillance intellectuelle : « C’est vouloir une chose et son contraire. Non seulement Internet est sans conteste le média préféré des jeunes, mais c’est un média sans frontières : rien n’interdit à un adolescent de naviguer à sa guise sur le Web, sur des sites qui ne lui sont pas destinés ou sur des sites étrangers qui ne se privent pas de faire de la publicité pour des boissons alcoolisées. Prétendre y poser des garde-fous est donc largement illusoire. »
Totalement d’accord mais ensuite je m’embrouille dans vos pédales monsieur Fottorino lorsque vous concluez « À moins qu’il ne s’agisse d’une politique de gribouille, destinée à concilier l’inconciliable, en l’occurrence les impératifs de santé publique – quand on écrit cela on a tout dit et rien dit, c’est de la pure incantation, et ça dure depuis des décennies – et les demandes des industriels du secteur – les vignerons tout particulièrement je suppose – pour lever les carcans qui brident leurs stratégies commerciales.
Or – tout est dans cet or sans recours – toutes les études récentes le démontrent : l’abus d’alcool est en forte augmentation chez les jeunes depuis quelques années, et ce phénomène n’est certainement pas de nature à prévenir les dégâts que provoque toujours l’alcoolisme en France : 45 000 décès prématurés chaque année, 2 millions de personnes dépendantes, un tiers des accidents de la route provoqués par l’alcool et la plupart des violences conjugales. La Ministre de la santé ne saurait l’ignorer. »
Fermez le ban ! Verrouillons le Net français car, comme chacun sait, Anaïs et le fils de Véronique sont allés sur le Net pour se goinfrer de pub sur l’alcool, l’ecstasy, le LSD ou tout ce qui n’était pas cher pour se défoncer… » C’est débile monsieur Fottorino ! Bien sûr que le Net est le média préféré des jeunes mais, comme vous le dites aussi, c’est un média sans frontières alors toutes vos lignes Maginot seront contournées. Le phénomène d’alcoolisation violente des jeunes est malheureusement lié à un phénomène de mimétisme avec la découverte du binge-drinking sur le Net. Cette pratique provenant de pays du Nord où les politiques de santé publique vis-à-vis de l’alcool étaient très strictes. Les gens du vin, au travers des positions de Vin&Santé, ne sont pas la caricature que vous présentez monsieur l’éditorialiste. Nous jeter à la gueule des morts, des femmes battues, des personnes dépendantes pour nous interdire de communiquer sur le vin – car au-delà de la réclame les censeurs veulent interdire l’expression même des valeurs du produit – c’est indigne. Le produit en tant que tel n’est pas une drogue – ou alors je me drogue – mais comme le dit très bien le Dr Olivier Ameisen c’est le craving – l’envie irrépressible de boire – qui créé la dépendance, l’addiction. La protection de la jeunesse vaut mieux que ces illusoires batailles à la française qui semblent faire fi de la réalité de la vie que l’on vit. Croire, ou vouloir faire croire, que les impératifs de santé publique pourront substituer des politiques publiques à la dislocation de la cellule familiale, à la solitude, à la misère, au stress, au mal être, c’est se moquer du monde.
Exploitation régionale de l'enquête ESCAPAD 2002/2003
OFDT, 224 p.
Juin 2005.
" En interrogeant régulièrement, lors de leur journée d'appel de préparation à la défense, un échantillon représentatif des jeunes Français de 17 et 18 ans sur leurs usages d'alcool, de tabac, de médicaments psychotropes et de drogues illicites, ESCAPAD constitue un véritable baromètre de ces comportements à un âge stratégique.
La publication de cet Atlas illustre aujourd'hui la capacité de l'enquête à produire des indicateurs pertinents à l'échelle régionale, constituant une véritable plus-value en termes de précision pour les acteurs locaux. Un des intérêts de l'enquête ESCAPAD est en effet d'offrir un cadre de comparabilité plus rigoureux que lorsque des enquêtes sont menées indépendamment d'une région à l'autre, avec des méthodes, des populations et des questionnements différents."
Auteurs :
François Beck, Stéphane Legleye, Stanislas Spilka (OFDT)
http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/rapports/rap05/atlas05.html