« Le vin sans perdre ce qui fait son originalité dans ce monde uniformisé doit pour amener ces nouveaux consommateurs dans son univers utiliser ses codes, surfer sur les tendances, faire de la wine attitude un standard. Comme dans le monde de la mode où les frontières entre haute couture et prêt-à-porter implosent pour laisser la place à des fashion victim, c’est-à-dire des consommatrices capables de se trimballer avec des tongs dont les prix varient entre celui de l’hypermarché et celui de Prada, soit de 30 à 2000 F… » En août 2001, lorsque ces lignes furent mises en ligne sur le site du vénérable Ministère de l’Agriculture, l’auteur, votre serviteur en l’occurrence, fut étiqueté par les grands prêtres du vin : nuisible. Tous, à l’exception notable de Jacques Dupont du Point et de Thierry Desseauve qui participa avec pertinence aux travaux des experts de Cap 2010. Alors vous comprendrez mon extrême plaisir lorsque, le 30 septembre au soir, je découvrais lors du petit pince fesses organisé à la Cave Estève 15, rue de Longchamp dans le 16ième www.cavestève, par Lagardère publicité, le Spécial Vin du magazine ELLE à table www.elleatable.fr réalisé par le couple Bettane&Desseauve
http://www.berthomeau.com/article-22808007.html
Quel plaisir de découvrir qu’il y a dans ce Spécial Vin une catégorie fashion victim : des vins glamour et dans l’air du temps, de lire sous la plume de B&D : « Un rosé fringant, un chardonnay rond et suave ou un gewurztraminer aromatique seront tout indiqués avec les sushis ou les recettes pour « filles canon » d’Elle à table.fr » Quand je pense qu’il y a quelques années les vins de cépage étaient frappés du sceau de l’infamie, marqués au fer rouge, voués à l’enfer des wine table. Aujourd’hui, tous les vignerons stars jouent dans la cour des wine table. Normal, c’est le seul espace de liberté où, ceux qui en ont, peuvent laisser libre court à leur talent. Donc, à la cave Estève, dirigée par Jérôme Moreau, ancien sommelier du Ritz, en dehors du plaisir d’être reçu par les dames d’ELLE, j’ai pu déguster le « Côte Rôtie » Saint Cosme : une vraie petite merveille et acheter son Côtes-du-rhône « Saint Cosme » que j’avais découvert sur la carte du restaurant LAN de Pékin millésime 2005
http://www.berthomeau.com/article-21298637.html à 44 euros la bouteille. À la Cave Estève le 2006 affiché à 8,50 euros m’a couté avec la réduction accordé aux invités de la soirée : 6,30 euros. Pour ceux qui l’ignoreraient, Louis Barruol est un vigneron-négociant (modèle économique que je défends
http://www.berthomeau.com/article-22975905.html basé à Gigondas (Château Saint Cosme) considéré par les aficionados (dont Parker) comme l’un des meilleurs. J’ai découvert sur un site un mot de Louis Barruol « C'est en s'appuyant sur ce savoir-faire de vigneron que j’ai créé en 1997 une activité de négoce que l'on peut appeler "Négoce-Vigneron". En effet, lors de mes différentes pérégrinations dans le Rhône, il m’a semblé que de grands terroirs n’étaient pas exploités. Certains endroits me plaisaient beaucoup, m’ont donné envie d’essayer. J’ai donc souhaité être un négociant « à l’ancienne », c'est-à-dire exercer ce métier dans un esprit vigneron.
Exiger du rêve dans chacun de nos achats, me maintenir à une toute petite taille, être suivi par des vignerons qui avaient la même ambition, transporter mes vins en fûts pour ne pas les soutirer et ne pas les abîmer, essayer de mettre du beau dans tout ce que nous faisons.
À Saint Cosme, nous réalisons le maximum de travaux à la main. Je souhaite vinifier des vins qui expriment leur terroir avec pureté, qui ont de la personnalité et de l’équilibre. Je veux qu’ils soient aptes à vieillir. »
Quand à Parker il écrit : « Le jeune et talentueux Louis Barruol a superbement relancé cette propriété magnifiquement située de Gigondas, qui s’impose désormais comme l’une des étoiles montantes de son appellation. Le Château de Saint-Cosme est, à l’évidence, un nom que les amateurs doivent retenir. Il produit depuis peu une gamme impressionnante de vins de négoce. »
Pour finir ma soirée j’ai dégusté un Viognier 2006 de Jean-Michel Gérin, un vin de pays des collines rhodaniennes 11 euros la bouteille (pour moi avec ma petite réduction : 8,25 euros) remarquable. En rentrant, perché sur mes canes anglaises (genou défaillant), sous un petit crachin londonien, je ne pouvais m’empêcher de penser au combat stupide des tenants de l’ordre moral qui en sont à vouloir bâtir une ligne Maginot sur l’Internet pour protéger la jeunesse « des méchants pourvoyeurs de drogue légale que nous sommes à leurs yeux ». Dans quel monde vivent-ils ? La Toile n’a pas de frontières, tout mécanisme de cantonnement national est illusoire, inefficace et hypocrite. La seule réponse, pour une politique de santé publique préventive qui touche les populations à risque, c’est la construction avec les acteurs : ces vignerons adulés par les médias, d’un contrat sur le contenu des messages, la non intrusion, la non incitation. Quand comprendront-ils que l’alcoolisme est pour nous, gens du vin, qui sommes comme eux des parents, des citoyens responsables, la pire des contre-publicités. Ne leur en déplaise, le n’y touchez jamais est une bêtise absolue, l’apprentissage reste la base de toute éducation. La prohibition, l’interdit, sont au contraire des incitations à la transgression la plus débridée et la plus incontrôlée. Sortez de vos casemates, de vos discours formatés, de vos à priori, de vos fonds de commerce associatifs, pour vous colleter au monde tel qu’il est.
Un dernier mot sur ELLE, une baby-boomeuse puisque le magazine fondé par Hélène Lazareff et Marcelle Auclair est né en 1945, pour évoquer la première rédactrice en chef : Françoise Giroud. Cette femme m’a toujours fasciné par son élégance morale et physique, son humour, et ses engagements. Le temps qui passe, les belles figures restent dans les mémoires.