La scène se passe au lendemain de la réunion chez le Ministre des représentants des bassins viticoles, une journaliste de France 2 m'appelle pour que j'aille au journal de la mi-journée répondre à des questions " sur l'autorisation qui vient d'être donnée d'utiliser les copeaux de bois pour permettre d'aromatiser le vin (sic) " Ma réponse est simple : c'est non, la question induit la réponse souhaitée : être pour ou contre.
Le soir, le reportage sur le sujet est reprogrammé. Les images sont édifiantes. Première séquence : dans une cave du Gard on voit un charmant monsieur plonger un sac, genre sac poubelle, empli de copeaux dans une cuve de rouge. C'est beau comme une infusion du soir. Formidable ! Pour le téléspectateur de la France profonde un cri d'horreur : touche pas à mon vin ! Deuxième séquence, sur fond de vigne à la ramasse, un membre du collectif des viticulteurs de Bordeaux proclame qu'avec les copeaux on va sans doute aider au sauvetage des ventes. Monsieur tout le monde est abattu, lessivé : et en plus ils vont en mettre dans le Bordeaux. Vive la com ! Où est l'information dans tout cela ?
Première remarque : dans les rédactions a-t-on étudié le dossier ? La réponse est non. Trop difficile coco, on n'a pas que cela à fiche ! Ce qui compte c'est que le sujet fâche, que les experts auto-proclamés que sont les gourous du vin tonnent, vitupèrent, fassent don de leur éminente personne pour faire barrage à la barbarie des marchands. A la tête de cette Légion le centurion Perrico, toute suffisance dehors, claquera le bec à tout individu osant poser le problème sans passion. Encore faut-il avoir accès aux médias et si on y a accès pouvoir se faire entendre. Entre copains on se fait la courte-échelle, et puis c'est plus confortable de se laisser porter par le discours dominant.
La deuxième remarque s'adresse aux professionnels du vin : quand émettront-ils des messages compréhensibles en direction de leurs consommateurs? De dire que la question du vin dans le bois ou du bois dans le vin ne se pose pas pour tous les vins mais pour certains et que c'est pour eux une question de compétitivité internationale. Ce n'est pas un problème de santé publique mais une question de survie pour une part important de notre vignoble. Il ne s'agit pas d'être pour ou contre mais de dire ce que l'on fait et de faire ce que l'on dit. Nos belles AOC ne sont pas menacées par les copeaux mais par la banalité ou la médiocrité. Chacun doit boxer dans sa catégorie avec les règles de sa catégorie et c'est le consommateur qui tranche. Cessons d'en appeler à des remèdes miracles : aucune potion magique ne nous aidera à passer le cap difficile que vit notre secteur depuis quelques années.
A " Sans Interdit " nous allons mettre sur la table ce dossier, l'expliquer, tenter de sortir de l'ambiguité qui va si bien aux tenants des effets de manche comme aux partisans du vivons heureux vivons cachés. Serons-nous entendus ? Au moins nous aurons mis sur la table autrechose que des paroles qui volent et s'envolent...