Ceux qui suivent régulièrement mes pérégrinations se rappelleront qu’au mois d’août pour faire l’emplette d’un Chinon rosé j’ai du prendre ma petite auto pour me rendre chez un caviste de Cachan sur la N20. Bien évidemment, tout en papotant avec la caviste, je m’intéressais à l’achalandage du magasin lorsque je suis tombé sur un Côtes-du-rhône rosé baptisé Génération élaboré par le Domaine Jaume. Immédiatement ma boîte à chronique se déclenche, j’écris déjà mon papier sur la famille Jaume et bien sûr j’achète le flacon. Rentré at home, je déballe mes achats et examine le cul de la bouteille et, surprise, j’y lis « à Vinsobres, en Drôme provençale, Pascal et Richard quatrième génération du Domaine Jaume… » Caramba, je m’étais planté et ma belle chronique s’évaporait. Sauf que, comme je suis un obstiné, je tenais un beau titre : celui de ma chronique d’aujourd’hui.
* en arrière-plan c'est une grive pas une Gélinotte
Mon Jaume à moi, s’il me permet ce possessif, se prénomme Alain et, j’aurais du me souvenir que son Domaine « historique » était le Grand Veneur. Bref, je me suis dis que l’occasion se représenterait, qu’il me suffisait d’attendre. C’est de David Cobbold et de son site Ecce Vino que la lumière est venue. Face à la baie de Tiuccia, au petit matin, j’ai découvert dans la foire aux vins d’Ecce Vino un Côtes du Ventoux, Les Gélinottes, Alain Jaume 2007 avec une bonne note et un commentaire flatteur : « Flatteur au nez et très gourmand en bouche, voici un excellent vin de fruit, net, juteux et souple qui donne un plaisir immédiat. 14/20 » et il était disponible sur le site de vente www.rouge-blanc.com dont je vous livre
Notre avis
Portant le nom de cet oiseau voisin de la perdrix, tant ce vin accompagnera magnifiquement les gibiers à plume, ce Côtes du Ventoux élevé sans apport de fût se montre magnifique de fruit et de souplesse, et illustre bien plus que jamais ces bouteilles que l’on aime déboucher lors de repas entre amis pour surprendre et faire plaisir à tous.
Dégustation
Belle robe grenat aux reflets violacés. Le nez repose sur une gamme aromatique variant des fruits frais (framboise notamment) aux fruits noirs (cassis et mûre). La bouche se montre particulièrement savoureuse et gourmande, elle dispose d’un bon volume et d’une texture aux tannins très doux et souples. Le fruit reste dominant jusqu’en finale. Ce vin aux aromes de fruits très flatteurs sera très agréable à déguster en toutes circonstances.
Notes
Rouge-Blanc : 5/5
C’est du bon pour un prix très doux. D’ailleurs, à l’heure où j’écris cette chronique le site est en réapprovisionnement, preuve du succès de cette cuvée.
D’Alain Jaume, sa modestie dut-elle en souffrir, je dirais qu’il est pour moi le bon exemple de l’excellent vigneron qui sait aussi consacrer de son temps à la collectivité vigneronne. Au temps où je trainais mes semelles de crêpe dans les rues de Châteauneuf-du-Pape pour tenter de dénouer les fils d’un étrange écheveau, et qu’il présidait au destinée du Syndicat « d’en face », j’ai de suite apprécié chez lui sa simplicité, son caractère direct, sa volonté d’aboutir, de trouver des solutions laissant de côté les faux-semblants chers à certains habitués de la rue de Varenne. De son passage au CNJA il a gardé, au bon sens du terme, la fibre syndicale, représenter ses pairs, ce qui, n’en déplaise à certains, manque beaucoup dans la mise en place des réformes actuelles. Face aux technostructures publiques et privées, qui savent si bien calcifier les choses, il me semble capital que les représentants des vignerons soient des chefs d’entreprise confrontés à la réalité du marché, responsables, qui puissent tout à la fois amener leurs collègues à évoluer tout en faisant prévaloir des solutions de terrain. Bien sûr, comme l’avoue Alain Jaume « il faut aimer les emm… » mais, comme l’actualité d’un monde saisit par la dictature de l’instantanéité, nous le montre, prendre des responsabilités collectives redevient une ardente obligation. Bref, sans le couvrir de compliments encombrants, avec quelques-uns de ses collègues de Châteauneuf (ils passeront eux aussi à la moulinette de ma chronique), Alain Jaume entre dans mon petit cercle de mes amis vignerons.
Les 9 hectares des origines, en 1979, sont devenus 60 et maintenant l’entreprise c’est Alain Jaume&Fils, Sébastien et Christophe sont associés à Odile et Alain Jaume pour assurer, autour du Domaine du Grand Veneur et du « Clos de Sixte » à Lirac, le développement et la pérennité de cette belle entreprise familiale. www.domaine-grand-veneur.com/ Ceux de mes détracteurs qui ne voient en moi que le chantre d’une viticulture dites « industrielle » doivent savoir que je suis un ardent supporter du modèle des Jaume, fait de savoir-faire vigneron conjugué à une approche commerciale fondée sur le modèle artisan mais ne dédaignant pas d’intégrer des sélections d’autres vins dans sa gamme : Côtes du Ventoux "Les Gélinottes proposé ainsi que le "Côtes du Rhône "Haut de Brun", le Rasteau "Les Valats", le Vacqueyras "Grande Garrigue", le Gigondas "Terrasses de Montmirail", le Lirac "Roquedon" et le Châteauneuf du Pape "Vieux Terron". Comme dirait mon ami Jacques Dupont Merveilleux du Vignoble, l’entreprise Jaume c’est tout le contraire du « petisme » cher aux chroniqueurs qui ne jurent que par les petits vignerons suant sang et eau, loin du monde mercanti, sur des lopins de terre. La dynamique des vins français passe aussi par une plus large prise en compte de ce nouveau modèle adapté à la demande d’un certain type de consommateurs.
Mais revenons au vin, ceux d’Alain Jaume sont à son image, francs du collier, droit, sans chichis, sincères, d’un caractère bien trempé mais d’un commerce agréable. J’invite donc mes très chers confrères dénicheurs de vins – dit de propriétés – à se rendre au Domaine du Grand Veneur (cf. plan) pour y déguster la palette de ses CHÂTEAUNEUF DU PAPE, LIRAC, COTES DU RHÔNE VILLAGES et CÔTES DU RHÔNE et ses Vins de Sélection comme ce remarquable Côtes du Ventoux Les Gélinottes à qui vous devez cette petite chronique. En effet, on ne peut à la fois se plaindre de nos reculs volumiques à l’exportation, par ailleurs masqués par la valeur des vins de haut de gamme, et s’arque bouter sur un seul modèle relevant d’une vision idyllique du tout petit producteur tirant la quintessence de ses vignes. Ceux qui, comme Alain Jaume, par leur travail patient, ont acquis un savoir-faire reconnu, tant au plan de leurs vins que du commerce, dynamisant ainsi leur environnement, créant de la valeur, doivent être reconnus comme des acteurs majeurs de notre secteur. S’en tenir à une vision d’un autre âge, cultiver les oppositions entre les divers modèles économiques, relève du masochisme national. Si nous voulons rester le plus grand vignoble généraliste du monde, ne pas laisser l’espace grand ouvert à nos collègues espagnols, il nous faut jouer nos atouts sans complexe et surtout ne pas brider le développement de ceux que j’ai qualifié, à propos de Claude Rivier, d’entrepreneur-vigneron.