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24 septembre 2008 3 24 /09 /septembre /2008 00:04

Il y a peu, nous étions à Saragosse, avec des amis, pour visiter la foire Internationale dont le thème porte sur l’eau. En déambulant dans les rues de cette ville magnifique et aérée, nous avons été frappés par son dynamisme, le peu d’embouteillages et par le coût de la vie. Nous avons pu photographier des étals de magasins et observer un fait curieux : les fruits et légumes sont globalement moitié prix qu’en France. Il en va de même de la viande dans les boucheries et charcuteries. Quant au vin, on le retrouve à peu près aux mêmes prix qu’en France.

Toutes proportions gardées, ces écarts sont intéressants, car ils traduisent une démarche permettant de maîtriser les exportations de vin face aux problèmes de change.

Naturellement, dans la discussion, on en vint à se poser des questions sur la manière dont l’Espagne pouvait gérer son économie et aurait su tirer parti des aides de restructuration de l’Europe.

 

On n’oubliait pas qu’au même moment, dans le Sud de la France, avec le vin, nous étions dans une situation critique, malgré le fait que la filière « vin et boissons » soit un contributeur majeur de nos exportations françaises (solde positif de 8 B€ environ). Sans vouloir faire de l’économie comparative, ni se lancer dans des études polémiques, on ne peut s’empêcher de faire quelques rapprochements, avec la lettre parue le mois dernier sur les « Cocus » (lettre de R.Amalric publiée  par J.Berthomeau).

 

Dans ce domaine, avons-nous été réellement ‘trompés’ et sommes nous victimes de notre ‘crédulité’ ?  Que s’est-il passé ? … On peut mettre en lumière quelques points :

 

1 – Le problème de la Négociation

Nous sommes, à un an près, en 2010. 

Aux niveaux de l’OCM, de la mise en place des structures opérationnelles (OIV, WWTG, OTC, etc.) et de certains accords sur le vin (Genève, Madrid, etc.) il s’est écoulé environ 20 ans. Depuis l’étude « Cap 2010 » de J.Berthomeau, 10 ans sont passés. Nous avons donc eu le temps de comprendre ce qui allait arriver. Un fait reste important : le vin, si je ne me trompe, est toujours classé, au plan international, dans la catégorie « Agro-industrielle ».

Sur le plan économique, et Européen, on se sent floués, sinon un peu frustrés ! Mais, comment a-t-on fonctionné ? A-t-on pris le bon virage ?

 

Pour défendre nos positions dans la communauté internationale (sur le plan mondial, ou au niveau de l’Europe) qui a mené les débats et les négociations? Nos représentants et nos « leaders » étaient-ils aguerris et rompus à ce genre d’exercice ? Ayant été à Bruxelles comme expert, dans le monde industriel, j'ai toujours constaté que la maîtrise de l'Anglais ainsi qu'un excellent professionnalisme (connaissance des dossiers avec une dizaine de feed-back de toute nature pour parer à la non prévision et l’imprévisible) étaient nécessaires pour ne pas se faire rouler dans la farine. 

 

Dans les négociations internationales, le premier objectif d’un industriel ou d’un groupe d’activités n’est pas de « freiner » le progrès. Il essaie de comprendre le marché, son positionnement concurrentiel, puis il tente de « bétonner » avec des normes, des standards et des  réglementations pour se protéger (dans un premier temps) et permettre sa propre évolution (dans un second temps).

A-t-on agi de la sorte ? De manière unie et cohérente au niveau de la profession ?  N’est il pas un peu tard pour faire valoir certains de nos nouveaux besoins ?

 

2 -  Un problème de Gouvernance

On parle de vin mais... quelle est la stratégie pour notre agriculture ? Existe-t-il encore une agriculture au sens conventionnel du terme ? Quels sont les objectifs globaux à atteindre ? Pour le Vin, quels sont les éléments concurrentiels recherchés, et que l'on veut exploiter, pour quels segments de marché ? Evolution et tendances attendues ?  Place de cette filière dans notre société ? Je fais, bien modestement, de la « veille technologique », mais j'ai un mal fou à collecter quelques informations réalistes et cohérentes.

Je n'ai toujours pas compris la stratégie commerciale et organisationnelle sous-jacente, pour nos vins en France (AOC ? VDP ? AOP ? IGP ? IG ? OI ? Pour quelles définitions, significations et réglementations ?). N’ayant pas fait polytechnique, j’ai du mal à y voir clair ; en ayant discuté avec pas mal de viticulteurs, la seule chose que ces gens retiennent est qu'il va y avoir davantage de contrôles et que cela va coûter plus cher.  

 

3 – Notre Adaptation au Marché

Dans l’Industrie, depuis 20 ans, on ne cesse de répéter que l'Economie de Marché, qui existait déjà du temps des Phéniciens et qui est toujours en vigueur (car c'est la moins mauvaise forme d'économie, malgré des alternances diverses au cours du temps) allait s'exprimer de nouvelle façon. Pour des raisons que les économistes connaissent certainement mieux que moi, on vit maintenant dans le court terme, dans la spéciation, la spécialisation ; ce qui compte est la marge nette... dans une démarche intégrée et globalisée. Notons que pour affronter la concurrence mondiale, la variation du cours des devises est déjà intégrée au niveau des approvisionnements.

L'agro-alimentaire ne peut échapper à ce mouvement : il y a 20 ans, on a mis l’accent sur  l'industrie, on en est aux services (par exemple, la banque) restent l'alimentation, la santé, la formation, etc.  

La priorité d’une filière n’est pas de préserver des emplois ou des avantages acquis, mais de créer des richesses et de nouveaux marchés. Est-ce bien ce que nous faisons ?  

 

Sur un autre plan, compte tenu des contraintes économiques et environnementales, certaines filières agro-industrielles (dont en partie la notre) sont devenues sous compétitives. Pour changer cette situation, il faut des aides, des investissements et de l’Innovation. Mais pas n’importe où !!!

Dans le cas de la chaptalisation, par exemple, on n’est pas dans le « structurel » ; de plus cette mesure n’est pas « équitable » : elle est donc condamnée !

Dans le cas de l’irrigation, intrant indispensable, le sujet, est-il abordé de façon intégrée ? Etc.

On ne peut continuer à ignorer et rejeter certaines tendances, les demandes sociétales, les OGM, etc. Cela est suicidaire et on est contraint d’intégrer de nouvelles pratiques, des technologies innovantes,  puis de s’adapter, de s’adapter encore, … pour ne pas se faire éjecter du panorama.

 

4 – La Diversité et la Cohérence

Les considérations précédentes ne concernent pas un schéma unique ; quels que soient les secteurs considérés, plusieurs systèmes peuvent coexister ; la diversité est un fait de la nature.

Le schéma productiviste globalisé n’est pas le seul modèle de référence. Il y a de la place pour tous !

Pour faire simple, on peut considérer 2 modèles économiques dans notre filière :

Soit on élabore des produits « technologiques » (du volume standardisé, à faible coût, etc.),

Soit on élabore des produits « conceptuels » (du haut de gamme, le cousu main, avec également des produits de niche innovants et/ou ciblés, etc.). Dans cette seconde catégorie, on retrouve l’esprit initial des AOC, dépouillé de contingences compliquées (perception actuelle).

On peut encore rajouter d’autres modèles, mais les principes décrits s’appliquent aussi bien aux innovations technologiques qu’à l’oenotourisme !  Comment en faire bénéficier toute une filière ?

 

Avec la réforme actuelle portant sur le vin, on est un peu perdu et je ne vois pas bien comment se positionner : tout d’abord, notre approche, en termes de « procédures » est trop technique. Ensuite notre outil de production est atomisé et peu structuré. Enfin, comme on sait le faire dans notre beau pays, nous avons des organisations trop complexes…. et on légifère trop (bien que cela soit rassurant). Sur le plan des intentions, on essaie de changer, mais y a-t-il vraiment une rupture ?

 

Résultat : dans le vin, on se retrouve avec un « mix » de plusieurs démarches et cultures existantes et nouvelles, avec des règles variées et un chapeau formel (le contrôle) qui méritent d'être mieux ciblées et décrites.

Pour aller dans le sens de ces observations : dans l'automobile, par exemple, ce n'est pas l'Etat qui organise et effectue les contrôles : il définit simplement des normes et des standards, mais c'est le producteur qui définit, met en place et prend en charge ses propres contrôles pour livrer un produit conforme. La validation, elle, est effectuée par le client ou consommateur.

 

5 – La Recherche

Se pose enfin le problème de la recherche. Par expérience, elle ne peut se passer d’une vision, de l’expérimentation et de la validation. Ceci implique donc une symbiose entre tous les acteurs de toute la chaîne de la valeur. En ce qui concerne le vin, pour des raisons historiques évidentes, et pour corser la difficulté, il n'y a pratiquement pas d'intégration du marketing/négoce, de la recherche et de la production. Chacun a des organisations et des intérêts différents. En général, nous ne proposons pas de « solutions globales » comme savent le faire certains « bassins », l’Espagne ou certains pays de l’hémisphère sud. Ceci, bien sûr, n’est pas facile à entreprendre car la démarche est souvent transdisciplinaire, mais nous ne pouvons ni ne devons laisser la responsabilité d’assurer notre évolution au seul domaine de la recherche : les risques de déviation (involontaires) sont trop grands.

  

A ce jour, faute d’adaptation de certains produits au marché et d’amélioration dans nos démarches, on peut lire dans nombre d’articles de presse consultés, qu’il y a des pertes de marchés pour certains types de vins à l’étranger. Notre outil de « production » qui n'est, en fait, qu'un ensemble de centres de coût, ne peut qu'en pâtir. D’où l’intérêt de ne pas s’isoler et d’attirer l'adhésion de tous les viticulteurs.

 

Je n'irai pas plus loin dans ce débat, ni ne parlerai de l’organisation des marchés.

On peut maintenant se poser à nouveau la question : sommes-nous, malgré nous, des cocus ? Pas forcement, car pour un certain nombre d’entre nous, comme on fait son lit, on se couche !

Sans rechercher à qui en revient la faute (cela ne fera pas avancer le schmilblick), que peut-on faire aujourd'hui ? Il est un peu tard pour s’exciter mais il faudrait peut-être tenter de faire avancer ses pions dans d’autres directions et défendre de nouvelles ambitions.   

Un projet mal parti reste un projet mal fichu : malheureusement, les petits et les plus démunis sont en première ligne !  Ce sont eux les cocus.  

Maintenant, bien que je sois un défenseur de la notion de terroir, est-il moral, comme on vient de le lire dans la presse, de les empêcher de se diversifier pour vivre en leur interdisant d’installer des centrales photovoltaïques sur leurs anciennes vignes ? Mais, un panneau photovoltaïque ferait-il moins terroir et serait-il plus polluant qu’une éolienne (dont on ne sait encore comment elle sera démantelée et à quel coût !) ? 

 

Pierre Massotte                                                                                         9 Septembre 2008

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commentaires

C
Bonjour, une des questions soulevées par cet excellent document synthétique sur les problèmes viticoles français, est: comment l'Espagne, entrée tardivement dans l'UE, a pu mieux utiliser les ressources européennes que la France?<br /> La Ley del vino a décentralisé efficacement la politique viticole et les régions espagnoles ayant beaucoup plus de pouvoir que les françaises, ont pris en charge le développement viticole et établi des relations directes avec l'administration bruxelloise, chacune a établi et défendu son programme en direct. Nous patogeons dans le bourbier français ou la constitution des bassins de production viticoles n'ont aucun pouvoir et blablatent sans résultat. La segmentation des vins qui devait être la formule miracle est dans l'impasse, la réforme du système AOC est un monstre aministratif. Il nous reste la solution individuelle de la porte ouverte par l'OCM des "vins sans IG" dont le règlement tarde à sortir, la France y mettant tant d'obstacles !!!! Il nous faudra attendre mi 2009 pour y voir plus clair et les Italiens et les Espagnols prennent les places du marché international<br /> JC
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