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16 août 2008 6 16 /08 /août /2008 00:02

 

Le Nouveau Parisien boit son vin au verre et son eau en bouteille

 

Dans mes références comme on dit, culturelles, je conserve une prédilection pour le cinéma italien des Monstres et des Nouveaux Monstres : Vittorio Gassman, Alberto Sordi, Ugo Tognazzi, grands moments d’autodérision comme seuls les italiens savent le faire dans la démesure et la gesticulation, la tendresse aussi. Le texte d’Alain Schifres sur le Nouveau Parisien participe de cet état d’esprit de toile émeri plus que de brosse à reluire qui semble être la marque de fabrique de beaucoup de nos plumitifs contemporains. Avant d’en terminer, hier j’ai omis une brève du Canard Enchaîné qui en dit long sur la facilité dans laquelle se vautre notre monde mondialisé « Les jeunes n’étaient pas légion dans les maigres foules qui ont défilé devant la dépouille d’Alexandre Soljenitsyne, mais le correspondant du « Monde » (7/8) en a tout de même déniché une, « une étudiante de 19 ans » dénommée Olga Ovdeeva, qui confesse : « Parmi mes amis, tous savent qui est Soljenitsyne, bien sûr, mais très peu l’on lu. Peut-être parce que nous vivons à une époque plus facile, on ne veut pas ressasser le passé et l’on préfère lire Beigbeder (traduit en russe et très populaire auprès des jeunes). C’est dommage… » D’autant que ça fait du tort à Houellebecq… »

 

« Le Nouveau Parisien a la chair plus ferme, les naseaux dorés, le poil ras et brillant. Il sent l’hygiène corporelle. Il est trait régulièrement, par prélèvement automatique. Il s’abreuve dans des wines bars. (Le Nouveau Parisien boit son vin au verre et son eau en bouteille) Il assaisonne son café avec des sucrettes. Il s’habille en sportswear. Il a 40 ans et les aura longtemps. Il a divorcé au bout de cinq ans, c’est ici le délai de rigueur : les mariages d’aujourd’hui ont la durée des fiançailles d’autrefois.

Sa rage de distinction est insatiable. Tout va si vite, il ne veut rien laisser perdre. C’est un déraciné du cervelet, il se remplit d’informations à mesure qu’il se vide de pensée. Arrivé par le train ou par le mérite, ou par les deux, il est terrassé par la hantise de  « faire plouc ».

Le Nouveau Parisien, c’est la chapelure qui rêve au gratin. Son Paris intime : il a le dada des lieux de mémoire. Il est prêt à mourir pour la piscine Molitor ou le Fouquet’s, Léo Mallet ou l’Hôtel du Nord.

Il aime aussi les ambiances jazzy et les cafés conceptuels. Il signe des pétitions pour l’environnement. Il est fou d’opéra, mais seulement à écouter. Il vote à gauche pour emmerder Chirac. Il vote écolo pour emmerder la gauche. Il découpe les articles de Baudrillard.

Il rit aux films de Woody Allen même quand c’est pas drôle. Il se gondole de confiance. Woody est une garantie, comme la Woolmark.

Il a une réédition de la chaise longue du Corbusier. Il dit : Corbu. Il explique que c’est du contemporain intemporel.

Il achète des surgelés dans des magasins qui ressemblent à des nécropoles, avec leurs tombeaux vitrés qui pourraient abriter des filets de Lénine aussi bien que la dépouille d’un cabillaud. Il raffole des restaurants latinos (à l’heure où j’écris ces lignes) comment il adorait trois ans plus tôt les Delikatessen. Il a son réseau d’épiceries orientales, d’employées lusitaniennes et de « petits boulots au noir ».

Le Nouveau Parisien se reproduit assez peu. Le mâle a fait un ou deux petits à ce qui n’était pas encore son exe, puis un autre, sur le tard, à une jeune femelle sevrée qui pourrait être la sœur de sa fille aînée : avoir des enfants, cela va bien un peu, ce qu’il veut maintenant, c’est avoir des bébés.

Une variété intéressante du Nouveau Parisien est le faubourgeois à poil raide. Le faubourgeois est un de ces pionniers qui, au nord et à l’est, disputent l’espace aux faubouriens. C’est qu’il ne veut pas vivre chez les bourges (le voudrait-il, il n’en a pas les moyens). Les bourges sont chiants, leurs femmes ont de petits sacs avec une chaîne dorée.

Le rêve du faubourgeois est d’habiter un vrai quartier populaire – à l’intérieur d’un entrepôt si possible, retapé entre potes dans le genre cargo (coursives et passerelles), avec le concours du copain architecte, ou « quelqu’un qui magouille dans l’immobilier », est essentiel à la vie du faubourgeois). Il voit son environnement comme un trésor de Trauner.

À mesure qu’avance le faubourgeois, hélas, le faubourien recule. C’est que l’animal fait monter les prix comme il respire. Il est à la recherche du fameux tissu urbain, mais la ville se démaille à son approche. L’endroit tourne au vrai-faux, avec ses lampadaires assez ridicules, des arbres nains, des immeubles couleurs d’escalope, des pavages en demi-lune, une clarté d’halogène. Cette sorte d’ambiance qu’on appelle le cachet.

Des ouvre-portes à code sont visés à la hâte. Dans les bureaux de tabac, on installe des caves à cigares.

Un bourgeois des années 30 ne donnerait pas deux sous au faubourgeois d’élite. Son allure est celle d’un insomniaque sorti acheter des cigarettes. Il porte une barbe de trois jours soigneusement épilée tous les matins. Il se coiffe à la Rourke*. Elle se maquille à la Dalle*. Ils sont en noir. Ils ressemblent à des croque-morts mondains dans un cimetière branché. Par les nuits sans lune, ils sortent avec des lunettes de soleil. Ce sont des inconnus qui préservent leur anonymat. »

 

  • - Le people vieillit vite vous êtes donc prié de consulter les revues spécialisées pour opérer la substitution à ces patronymes quasiment tombés dans l’oubli.

  • - Bien sûr depuis ces temps héroïques Paris s’est enrichi de Paris-plage, du Vélib, du non-fumeur total dans les lieux publics, d’un tramway, d’un musée des Arts Premiers, de pleins de couloirs de bus made in Vert ; Tonton est monté au ciel, Chirac loge sur les quais, Nicolas est là, Bertrand a repiqué au truc en espérant mieux, et bien sûr les Parisiens sont à un degré très élevé des addicts du cellulaire, du Black Berry et dans leurs rêves fous les bobos pensent qu’ils ont presque gagné la partie…
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