Le concept vin de PDG a été lancé par Lavinia en juin dernier en accueillant 26 chefs d'entreprise propriétaires de vignobles qui ont présentés leurs vins dans le magasin du 3 Bd de la Madeleine à Paris. « Posséder un grand vin est un symbole de réussite », déclare Laurent Dassault, le petit-fils de Marcel Dassault et actuel gérant du château familial à Saint-Emilion. Rien de très nouveau, de tout temps on a vu des « gens qui ont réussi dans les affaires », comme on disait autrefois, s’offrir une propriété et plus particulièrement un château à Bordeaux, mais au cours des dernières années la population des hommes d’affaires ou des capitaines d’industrie (appellations qui se déclinent aussi au féminin) investissant dans le vin s’est beaucoup diversifiée et le concept de vin de PDG recouvre des situations et des approches très éloignées les unes des autres car, comme le souligne Catherine Péré-Vergé, la fille de Jacques Durand, le fondateur d'Arc International (ex-Cristallerie d'Arques) : « Il faut faire une différence entre les investisseurs et ceux qui s'investissent »
Même si la frontière entre l’intérêt et la passion est toujours difficile à tracer, les sentiments humains sont ambivalents, il est possible de poser des gradients entre la stratégie d’image d’un Bernard Arnault ou d’un François Pinault, l’expression symbolique de la réussite des frères Bouygues ou d’un Laurent Dassault, le placement des institutionnels plus traditionnel comme celui de Claude Bébéar au travers d’Axa-millésime, de la GMF ou de CA Grands crus, l’affaire de famille comme celles de Jean-Claude Béton, le créateur d'Orangina, où Françoise sa fille vient de prendre personnellement les rênes du Château Grand Ormeau, acheté par son père en 1988 à Lalande Pomerol. Chez les Bich, c'est aussi la fille, Pauline, et son mari Philippe Chandon-Moët qui gèrent aujourd'hui à temps plein le château de Ferrand (un Saint-Emilion grand cru) acheté en 1978 par le baron Bich, fondateur de la célèbre marque de stylos à bille et enfin, pour paraphraser madame Péré-Vergé, la passion des investis : elle-même avec le Château Montviel à Pomerol acheté en 1986, le Château La Gravière à Lalande-de-Pomerol, le Château Le Gay (acquis en 2002) ; le Château La Violette (septembre 2006), et aussi les vignobles argentins de Lindaflor et du Clos de Los Siete avec des familles propriétaires dans le vignoble bordelais, Renaud Momméja, héritier de la famille Hermès , gère le château Fourcas-Hosten (cru bourgeois supérieur de Listrac) qu'il a racheté avec son frère Laurent, les Cathiard (Go Sport) au Château Smith-Haut-Lafitte (Pessac-Léognan), Gérard Perse (hypermarchés Continent et Champion) en 1993 achat du Château Monbousquet (grand cru classé de Saint-Emilion depuis 2006) puis acquisitions des châteaux de Pavie Decesse et de Pavie à Saint-Emilion en 1997 et 1998, Michel Reybier (Jambon d'Aoste et Justin Bridou) Château Cos d'Estournel (St Estèphe) et récemment Château Montelena dans la Nappa Valley, Olivier Decelle, (Picard Surgelés) Mas Amiel à Maury et Château Jean-Faure à Saint-Émilion, Jean-François Quenin (Darty) à château de Pressac, Alain-Dominique Perrin (Château Lagrézette à Cahors)…
Rassurez-vous je ne vais ni dresser une liste exhaustive, ni évaluer le degré d’investissement personnel de tous ces investis dans leur vignoble mais, au passage, je tiens à saluer tous ceux, pas forcément très fortunés, qui ne sont pas des noms connus, qui s’endettent parfois, qui se retroussent les manches pour redonner de la notoriété à des domaines ou des châteaux moins prestigieux, parfois dans des régions de moindre notoriété. Comme le disait mon grand-père « il faut de tout pour faire un monde », l’important c’est l’émulation, les challenges qui tirent vers le haut, vers l’excellence et de toute façon mon propos n’est pas ici de décerner des brevets de « vignerons passionnés » aux uns ou aux unes ou aux autres. Je veux simplement profiter de l’occasion pour lancer un petit pavé dans la mare : en dehors des vins prestigieux et des châteaux ou domaines qui vont avec pourquoi diable le vin intéresse si peu les investisseurs de tout poil ? Oui je sais, rentabilité faible, les contraintes administratives, le coût du travail en notre beau pays, la balkanisation de la propriété, la multiplicité des organisations professionnelles et tout le saint frusquin qui fait qu’il vaut mieux aller investir au Chili, en Argentine, en Afrique du Sud que dans notre Languedoc. Cette question qui dérange je la pose à ceux qui font de belles déclarations sur la nécessité de regrouper l’offre pour peser sur le marché mondial et qui ne semblent pas avoir compris que pour ce faire l’offre regroupée devra convaincre les grands investisseurs de s’intéresser à elle pour la piloter et la distribuer. Parmi ceux qui sont en capacité de peser sur le marché mondial du vin je me permets de citer le groupe Pernod-Ricard. Pourquoi ne pas se mettre en capacité de l’intéresser à une part de notre production conduite selon des normes et un process dit industriel ? Alors, le chantier est ouvert, concret, loin des batailles stériles d’appareil, des visions administratives du marché, pourquoi diable se priver de l’investir sauf à croire que, selon une longue tradition de politique de l’autruche, de je passe la patate chaude au voisin, de je temporise, de je n’aborde pas les sujets qui fâchent mes ouailles, de je laisse passer 2010, de tous les prétextes possibles et imaginables, nous allons galvauder les atouts d’une grande région viticole. C’est inexcusable ! Agir plutôt que réagir : face à la nouvelle donne de l’OCM vin soit nous en tirons les conséquences pour générer de vrais locomotives, soit nous subirons de plein fouet les conséquences de la mondialisation.
Les gens de Gallo font pour le marché américain Red Bicycle avec un vin de pays d’Oc que leur fournit Sieur d’Arques alors est-ce livrer le vignoble d’Oc au CAC 40 que d’oser envisager qu’un jour prochain Pernod-Ricard puisse faire élaborer un vin pour une marque qu’il commercialiserait en Chine ? Quel beau vin de PDG ça ferait vous ne trouvez pas !