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10 août 2008 7 10 /08 /août /2008 00:09

La voiture de la maman, me dit-elle, était garée rue de Cluny. Pour faire la conversation je demandais « c’est quoi comme caisse ? »

-         Une anglaise…

-         Pas une Mini j’espère…

-         Non, non, maman trouve que l’Austin fait garçon coiffeur.

-         Assez bien vu. Elle branle quoi ta mère ?

-         Des garçons coiffeurs…

-         Très drôle…

-         Je t’assure, comme elle ne fout rien, elle passe son temps dans les salons de coiffure. Ils la briquent comme les cuivres d’un yacht. Je suis sûre que tu vas lui plaire mon beau Légionnaire…

Au milieu des caisses miteuses de monsieur et madame tout le monde on ne voyait qu’elle : une TR4, vert anglais métallisé, roues à rayon, décapotée, sièges en cuir fauve, volant et tableau de bord en loupe de noyer. Je jurais : « Putain de salope de belle bagnole ! » Chloé ôtait ses sandales et se glissait derrière le volant. Je posais mes fesses sur le siège passager avec les précautions d’un prélat du Saint Office. Le cuir crissait sous la caresse de mon jeans. « Passe-moi les clés qui sont dans la boîte à gants !

-         Tu laisses les clés de cette merveille dans la boîte à gants…

-         Oui mon beau Légionnaire. Je n’ai pas de sac donc c’est la seule solution.

-         Au fait on n’a pas payé nos bières…

-         Normal comme je n’ai pas de sac je n’ai jamais d’argent sur moi…

-         Mais qui paye ?

-         Mon père.

-         Comment ?

-         Mes créanciers lui envoient les factures…

-         Comme ça, sur ta bonne gueule…

-         Ouais. Disons, pour être franche, plutôt sur la gueule de la carte de visite de mon père.

-         Connu le monsieur je suppose…

-         Mouais. Pas de tout le monde mais ce qui les impressionne c’est son titre et son numéro de téléphone.

-         Allonge le titre !

-         Secrétaire-Général de la Présidence de la République…

-         Non !

-         Mais si mon Légionnaire… Passe-moi ces putains de clés que je démarre cette putain de bagnole qui te fait bander. Tous les mêmes les mecs…

-         Tu conduis pieds nus ?

-         Mouais, je suis comme Sandie Shaw…

-         Je ne vois pas le rapport...

-         Y’en a pas sauf les pieds nus…

 

Le moulin de la TR4, les 4 cylindres Vanguard ronronnaient comme de gros chartreux sur un sofa douillet. Je m’attendais au pire mais, heureuse surprise, Chloé conduisait en souplesse, sans à coups. Elle jouait avec l’étagement des vitesses pour donner à la voiture un élan fluide sur les pavés de Paris. Jusqu’à la Concorde, sur le quai rive gauche nous tenions un petit 80 très familial qui permettait à Chloé de m’expliquer sa technique. Elle pointait la carte de visite sous le nez des commerçants. « Téléphonez ! » Ils s’exécutaient. Au bout du fil il tombait sur l’une des standardistes de l’Elysée. « Demandez mademoiselle Stricker ! » Ils demandaient mademoiselle Stricker. On leur passait mademoiselle Stricker. « Dites-lui que c’est Chloé ». Il lui disait que c’était Chloé et ils avaient droit au petit speech comme quoi il leur suffirait d’envoyer la facture au Secrétariat général de l’Elysée et qu’ils seraient payé,s par retour du courrier, par chèque personnel de monsieur le Secrétaire-Général. Tout ce que je trouvais à dire c'est : « Merde la fille du SG du gros Pompe de Montboudif fraye avec les fondus de la GP… 

-         Presque mon beau légionnaire…

-         Ça veut dire quoi ce presque ?

-         Je ne suis pas la fille du Secrétaire-Général de Pompe…

-         T’es la fille de qui alors ?

-         De ma mère…

-         Ça c’est un scoop ma grande !

-         Ma mère, la comtesse Rainieri di Garofallo, présentement et durablement la maîtresse de monsieur le Secrétaire-Général de Pompe.

-         Very simple et le vieux crabe marche dans la combine !

-         Il n’a pas le choix mon beau légionnaire, ma mère, qui est une mante religieuse, le tien par où il faut tenir les mecs…

-         C'est lassant le sexe mène le monde. Vive les alcôves de la République !

-         Moraliste le gaucho, tu me plais de plus en plus beau légionnaire, je te sens ouvert à tous les débordements…

 

Entre les chevaux de Marly Chloé lâchait les 100 CV du petit bolide dans le faux plat qui précède la montée des Champs Elysées. « On va se faire tous les feux verts mon légionnaire ! » Comme les anglaises – les voitures bien sûr – ne brillent pas par la souplesse de leur suspension, l’exercice s’apparentait à une spéciale de Rallye sur une piste tôle ondulée du Sahara, tape cul garanti. La gueuse gagna son pari, en bouffant certes quelques feux oranges mais sans jamais se faire un rouge, en ne déviant pas un seul instant de sa trajectoire. Elle ne décélérerait qu’à la hauteur de la rue de Presbourg, sans freiner, par le seul jeu du frein moteur et d’une rétrogradation des vitesses bien maîtrisée. Du grand art ! J’applaudissais. Chloé, tel un winner de Grand Prix, s’offrait  en quasi roue libre deux boucles de la place de l’Étoile avant d’aller ranger la TR4 au bord du terre-plein de l’Arc de Triomphe côté avenue Foch et, alors que je pensais que nous venions d’effacer en quelques minutes le ruban de la revanche de la vieille garde gaulliste en juin 68, la grande Chloé, les lanières de ses sandales autour du cou, me lançait : « Viens mon beau légionnaire on va faire une petite visite … »      

 

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