En France on divorce sec et on fabrique ainsi beaucoup d’ex. : ex-mari, ex-femme, ex-épouse, ultime trait d’union d’une désunion, après tout le mariage n’est qu’un contrat civil qui peut être rompu : le divorce règle l’intendance, le port ou non du nom par l’ex au féminin, bien sûr la dévolution des biens communautaires, une éventuelle pension dite alimentaire et enfin la garde des mouflons s’il y en a dans la corbeille. En politique, les EX, présidents, ministres 1ier ou autres, députés et sénateurs, même les secrétaires d’Etat gardent l’appellation à vie. Là où ça se corse c’est pour les EX des partis politiques, surtout ceux de la gauche extrême où l’appellation de renégat fut très longtemps en odeur de sainteté dans ces enceintes où l’on pratiquait la purge et l’exclusion comme l’Eglise en son temps l’Inquisition.
Alain Schiffres dans son Inventaire Curieux des Choses de la France chez Plon www.plon.fr nous livre 3 portraits d’ex qui devraient égayer vos vacances. Pour illustrer j’ai ajouté une petite liste d’ex connus de tous…
L’ancien trotskyste
« Il va avec tout. C’est bien vu d’être un ancien trotskyste. On est heureux de le croiser dans les bois quand il est aux champignons, en parka avec plein de poches utiles. On le croise d’ailleurs partout. L’habitude de l’entrisme lui ouvre bien des portes. Il réussit dans le commerce parce qu’il est un agitateur d’idées. Dans la politique parce qu’il sait faire une salle. Dans le journalisme parce qu’il aime discuter dans les cuisines en lichant du pâté de tête. C’est dans les réunions qu’il est à son mieux. Il faut le voir soulever les points d’ordre. L’ancien trotskyste fait un excellent social-démocrate, parce qu’il a une éthique et qu’il est pour l’évolution permanente. Ce qu’il a de sympa pour un Français : il appartient au camp des vaincus. On ne peut oublier, le voyant, la douleur du coup de piolet*. L’ancien trotskyste est un éternel minoritaire qui a fini par se trouver seul à force de scissions. Un individu par défaut, en quelque sorte. Il a encore sur lui l’empreinte du groupuscule. Il a des copains, des réseaux, des souvenirs. »
* celui de Ramon Mercader agent de Staline assassinant Trostky à Mexico
Liste des ex-trotskystes : les créateurs de la FNAC André Essel et Max Théret, les socialistes Lionel Jospin, Henri Weber et Jean-Christophe Cambadélis entre autres, l’ancien rédacteur en chef du Monde Edwy Plenel…
L’ancien communiste
« Une autre affaire. Il ne descend pas d’un pourchassé. Il s’oppose au trotskyste comme le sédentaire au nomade. Son idole a eu toutes ses aises. C’était un tyran en pantoufles. Qui tirait sur sa pipe les soirs d’été, en tricot e » peau absorbant sous sa chemise ouverte. L’ancien communiste a de beaux souvenirs, mais il porte les stigmates du défroqué. Chez certains sujets, le dévergondage est à la mesure de l’engagement. Ils s’ébattent dans la presse de droite comme des puceaux au bordel. C’est bien sûr de l’ancien stalinien que je parle, une espèce qui s’éteint. On ne va pas être un ancien refondateur, tout de même. »
Liste des ex-communistes : la majeure partie des intellectuels de l’après-guerre, la plupart des futurs maos, plein de compagnons de route avocats, grands mandarins de la médecine… Deux noms : une réussite, Marin Karmitz le fondateur de MK2 et une catastrophe, Maurice Leroy député du Nouveau Centre, ex Bayrou…
L’ancien maoïste
« C’est souvent un intellectuel, même un penseur. Cela étonne nos jeunes clients, à l’Inventaire, quand le hasard les a conduits à feuilleter La Cause du Peuple. Ils déshabillent la figurine de son blouson Perfecto et trouvent le normalien. Il faut leur expliquer la révolution culturelle. Que le mot « culture » fait rêver forcément. Que Mao était à la fois un poète et un paysan à dictons. Que, pour connaître le goût d’une poire, i faut y goûter, et qu’il n’y a rien de plus sain, de plus frais, que d’envoyer des professeurs arracher les navets. En compagnie de jolies filles nattées. (Elles dansent le soir en short. Avec des bandes molletières et un gros fusil. Elles sautent très haut.) Puis, selon la tradition française, un intellectuel est fait pour se tromper. L’ancien maoïste est volontiers shakespearien. Il s’éveille d’un sortilège. Il s’ébroue. Il se tâte le crâne. Bon Dieu, qu’est-ce ? Un cerveau ! Après une telle expérience, l’ancien maoïste devient un libertin sceptique ou une conscience malheureuse. Sa cure consiste pour un tiers à tomber sur les reins du soixante-huitard attardé, pour deux tiers à donner des leçons au monde entier. Sa grande affaire est de s’être arrêté au bord de l’action terroriste. Il en parle avec horreur et mélancolie. Cela lui passe et lui revient comme une migraine. On croirait qu’il se promène avec une balle dans la tête. Ses enfants en sont tout excités. »Oh, papa ! » disent-ils.
Liste des anciens maoïstes : liste non limitative, Serge July, Alain Geismar, Olivier Rollin, André Glucksmann, Philippe Sollers, Rolland Castro, Gérard Miller et l’emblématique Denis Kessler devenu le vice-président du MEDEF du baron Sellières.