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6 juillet 2008 7 06 /07 /juillet /2008 00:06

À la GP, comme l’initiative des actions relevait de la soi-disant volonté des larges masses, la réflexion d’un héros de Kafka « je suis mandaté, mais je ne sais pas par qui ! » s’appliquait sans aucune limite. Ma hiérarchie, très laconiquement m’avait prévenu, le plus difficile ne serait pas de m’infiltrer mais d’influer sur les décisions car la bureaucratie du premier cercle veillait sur Pierre Victor, comme des ouvrières obnubilées sur la Reine de la ruche. Dans une configuration normale mon rôle d'infiltré aurait du tendre à manipuler les dirigeants, à les pousser à la faute pour que l’opinion publique ait peur, qu’elle se réfugie sous le manteau protecteur du pouvoir en place. Raminagrobis de Montboudif voyait d'un très mauvais oeil la montée de l'Union de la Gauche. Il ne voulait pas laisser le monopole de l'ordre au PC saoûlé de coups par les gauchistes à qui les socialistes jouaient une danse du ventre effrénée. Ici, la tactique était inverse, nul besoin de manipuler les maos, il suffisait selon mes chefs de leur laisser la bride sur le cou. Facile à dire : conduire un attelage de cette nature, en lui laissant la bride sur le cou, relevait du n’importe quoi. Et c’était du n’importe quoi. J’allais le vérifier dans les heures qui suivirent. À ma grande surprise je voyais débarquer d’un bloc l’état-major de la branche armée, avec ce je ne sais quoi de morgue propre à ceux qui dressent des plans en chambre, qui envoient la piétaille se faire massacrer, qui sont prêt à tout sacrifier, sauf eux, à la cause. Dans la clandestinité, la vraie, celle où sa vie en jeu, on cloisonne, on se fait discret, on évite de se réunir en des lieux connus et surveillés par la police, alors que ces petits messieurs au verbe haut plastronnaient. Aux côtés d’Olivier, le Gamelin de la GP, se tenait, hilare face à mon étonnement non feint, l’inénarrable Gustave, plus Gustave que jamais.

Les présentations relevèrent du grand guignol. Gustave déjà fortement chargé, se plantait face à moi, rotait tout en grattant de sa main gauche ses burnes dans le tréfonds de son calbar, empoignait de son autre main velue et sale le bras du général en chef, qui semblait apprécier au plus haut point cette familiarité, et avec toute la vulgarité dont je le savais capable il lançait à la cantonade : « Ce gars-là, y’a pas mieux en magasin les têtes d’œufs ! L’a pas fait vos grandes écoles à la con et jamais pété dans la soie, lui, mais sous sa tronche de beau gosse qui peut se tringler les plus putes de vos putes de sœurs quant y veut ou il veut, y’a du répondant. Ça turbine sec les méninges. Pas votre bouillie pour chiots les phraseux, du chiadé… » Gustave laissant ses glaouis en paix, en un geste circulaire et théâtral, pointait son index en direction des officiers subalternes et autres porte-serviettes : « mon petit poteau à moi, qu’en a autant que vous là-haut, lui y sait se servir de ses dix doigts. Pas manchot ou mains blanches, le meilleur artificier que je connaisse. Pas un fabriquant comme vous de petites merdes qui pètent très fort, non, des trucs pour tuer. Des bouts d’os, de la bidoche et du sang sur les murs qui sont le meilleur lieu pour la racaille du patronat et les lopes politiciennes. Avec lui on ne va pas se faire chier. Je propose qu’on l’appelle : Maroilles car putain de Dieu y’a pas meilleur qu’un bout de Maroilles trempé dans ton café au lait. Ça vous ne pouvez pas le comprendre vous qu’avez tout juste sucé que les tétons de votre mère… » Ponctuant ses fortes paroles bues par une assistance recueillie Gustave pétait à se déchirer la rondelle. La messe était dite. J’en étais et il ne me restait plus qu’à suivre la troupe drivée par l’improbable couple Gustave-Gamelin.

L’heure de la contre-attaque avait sonné. La commémoration du premier anniversaire de l’assassinat de Gilles Tautin allait servir de détonateur pour libérer l’autonomie des ouvriers de Flins étouffée par l’alliance des chiens de garde syndicaux et des bureaucrates de la direction de la Régie. En souvenir du premier martyr de la longue marche version française la GP allait montrer concrètement aux forces capitalistes que les grilles, les nervis, les CRS, tout l’arsenal répressif, n’étaient pour elle que l’équivalent de la maison de paille des petits cochons. Le souffle brulant des larges masses allait balayer ces ridicules défenses. La violence insurrectionnelle, braise sous la cendre, exploserait, nécessaire et légitime. Bien sûr le détail de l’opération restait secret. Rendez-vous était donné dans l’église d’Elisabethville prêtée par un curé sympathisant. Cette fois-ci, le chef des opérations militaires déconseillait de se rendre sur le théâtre des opérations via l’autoroute de l’Ouest. July et Prisca Bachelet, la première fois, juste après le Pont de Saint-Cloud s’étaient fait cueillir par les gendarmes et embarqués pour Beaujon. Quand à Edern Hallier, il n’aurait pas à prétexter un départ «en week-end» à Deauville avec sa Jaguar car on avait omis de le mettre au parfum. Trop bavard ! Moi je savais tout car l’immonde Gustave avait déjà bavé à son correspondant des RG. Les troupes de choc de la GP allait pénétrer de force dans l’usine de Flins et affronter l’encadrement. Ensuite, repli en bon ordre et évacuation par une tranchée d’égout à ciel ouvert. Ce vieux salaud de Gustave se marrait doucement car lui n’en serait pas alors que moi il venait de me jeter dans les pattes des frelons arythmiques.

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