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4 juillet 2008 5 04 /07 /juillet /2008 00:02

 

 Se prénommer Noah, certes avec un h, être un écrivain américain à succès – étasunien plus précisément – vous prédispose assurément à écrire un livre émouvant, d’une beauté simple, juste et vrai, sur le voyage initiatique à la fin du XIXe siècle d’un jeune vigneron du Languedoc à la Catalogne. Lisez-le vous y retrouverez, dans une langue sans fioriture, tout ce qui fait la grandeur et la servitude du métier de vigneron. Une autre époque certes, dure, implacable, mélange de soumission et de fierté d’une communauté humaine liée à sa terre, solidaire dans sa condition de servitude, d’apparence immuable, miséreuse mais d’une grandeur d’âme sans pareille. L’amour, toutes les passions humaines, la politique, la religion, l’argent, le commerce et, bien sûr, la culture de la vigne et l’élaboration du vin, donnent aux femmes et aux hommes de cette terre aride de Santa Eulalia, une vérité humaine émouvante. Sans vouloir extrapoler j’estime que bien des ingrédients de ce beau livre donnent à réfléchir sur les temps que nous vivons. Josep, le héros, fort de l’expérience acquise chez Léon Mendès dans la vallée de l’Orb, veut faire son vin sur la terre de ses ancêtres, du Vin à boire, et non du mout pour la vinaigrerie. Dit par un mécréant comme moi c’est un peu une saga : du vin industriel au vin de terroir… Bonne lecture.

 

« Comme il n’est que le fils cadet, Josep Alvarez sait depuis toujours qu’il n’héritera pas de la bodega familiale : les vignes qui poussent sur le sol aride de Santa Eulalia reviendront à son frère aîné. Josep s’engage donc dans l’armée, où, en échange d’une maigre solde, il est propulsé dans l’horreur des guerres carlistes.

Désertant une unité dont il est le seul survivant, il se réfugie de l’autre côté des Pyrénées, au cœur du Languedoc. Un vigneron français lui apprendra les secrets de la vigne, et lui transmettra sa passion. Dès lors, Josep n’aura qu’une seule obsession : fabriquer son propre vin, dans sa propre bodega. »

Extrait de la 4ième de couverture La Bodega de Noah Gordon chez Michel Lafon

 

« Le jour où tout changea, Josep travaillait depuis l’aube dans les vignes de Léon Mendès.

C’était une journée exceptionnellement belle dans un mois de février maussade. L’été était frais, mais le ciel semblait ruisseler de soleil. Josep s’était mis à l’ouvrage poussé par une sorte de frénésie. Passant de cep en cep, il taillait les sarments épuisés d’avoir porté jusqu’en octobre un raisin dont chaque fruit débordait de saveur comme une femme dans la fleur de l’âge. Sa main rapide coupait au plus près. Quand il tombait sur une grappe de fer servadou ratatinée oubliée par les cueilleurs, il la mettait de côté dans un panier, non sans en goûter au passage un grain aux arômes délicatement épicés. Arrivé au bout de la rangée, il entassait ses sarments, puis les embrasait à l’aide d’un brandon prélevé dans le feu précédent ; et l’odeur âcre de la fumée ajoutait au plaisir n é de son effort. »

Extrait du premier paragraphe de la première page

 

« Le village de Roquebrun se nichait sur la pente d’une colline, dans une boucle de rivière passant sous un pont de pierre en dos-d’âne. Josep s’approcha. On respirait ici un air doux, odorant. Les feuillages étaient verts. La rivière était bordée d’orangers. Le village était propre bien tenu, empli de mimosas d’hiver dont les fleurs évoquaient tantôt des plumes d’oiseau, tantôt des flocons amassés par le vent. »

Extrait page 145

 

« Durant l’automne qui suivit son retour à Santa Eulalia, Josep éprouva une joie toute neuve en voyant se métamorphoser les feuilles sur ses pieds de vigne. Le phénomène ne se produisait pas chaque année. Par quoi était-il déclenché ? Josep l’ignorait. Peut-être était-ce dû à cette saison particulière où les nuits glaciales succédaient à de brûlants après-midi. Ou bien fallait-il chercher du côté d’un mélange particulier de soleil, de pluie et de vent. Quoiqu’il en soit, les feuilles se transformèrent en ce mois d’octobre, et Josep y trouva un écho de lui-même. Soudainement, les pieds d’ull de llebres offrirent une variété de nuances qui allaient de l’orangé au rouge vif. Dans le même temps, les grenaches d’un vert lumineux tournaient au jaune, tandis que leurs tiges brunissaient. Les feuilles de Carignan, elles, restaient d’un vert riche, et leur tiges devenaient rouges. Tout se passait comme si les pieds de vigne défiaient leur mort prochaine ; mais pour Josep, tout cela relevait d’un renouveau, d’une renaissance, et il arpentait ses rangées avec un enthousiasme tranquille. »

Extrait page 151

 

« Avant son séjour en France, il ne s’était jamais avisé de compter les bourgeons apparus sur les sarments, mais, à présent que ses propres vignes prenaient vie, il en vérifiait chaque cep. Il nota que la plupart donnaient environ soixante bourgeons, sauf les plus anciens, qui en produisaient une quarantaine. Léon Mendès voulait, lui, que ses ceps donnent entre quinze et vingt bourgeons, pas plus. Josep se mit à élaguer ses vieilles vignes pour les réduire au-dessous de ce chiffre. Maria del Mar, qui venait récupérer son fils, le vit jeter des bourgeons qui pour elle représentaient autant de futures grappes.

- Qu’est-ce qui te prends ? s’écria-t-elle.

- Moins il y a de bourgeons, répondit-il, plus le goût se concentre dans le raisin. La saveur se met dans les grappes qui restent. Dans celles où même les pépins mûrissent. J’ai l’intention de faire du vin.

- Ce n’est pas ce qu’on fait déjà ?

- Je veux faire du vin, répéta Josep. Du bon vin. Du vin que les gens auront envie d’acheter. Si j’arrive à en produire et à le vendre, je ferai plus d’argent qu’en vendant du moût à Clemente ! »

 

Extrait page 239

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