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30 juin 2008 1 30 /06 /juin /2008 11:15

Chères amies vigneronnes, chers amis vignerons du Languedoc,

 
Depuis le jour où, encore jeune homme plein d’ambitions et d’illusions, je passais les portes de l’Office des Vins de Table, au 232 rue de Rivoli, moi le petit vendéen, né dans le bocage à vaches, un ventre à choux, je me suis pris de passion pour votre pays de passion, de verbe haut, pétri d’histoire de révoltes vigneronnes, marqué par une monoculture dédiée à la boisson nationale : le vin de tous les jours, vignerons et vigneronnes du Sud vous êtes une part importante de ma vie.

 

Votre grand vignoble du Languedocien, confronté au double mouvement d’une consommation en chute libre et d’un choc concurrentiel brutal et redoutable avec le vignoble italien, s’appauvrissait. À Paris on redoutait vos accès de colère, Bruxelles comme toujours servait de bouc émissaire, tous les ingrédients semblaient assemblés pour gérer ce dossier comme le fut par la suite le dossier charbonnier. Qui aujourd’hui se souvient que Charbonnages de France n’existe plus ? Les évènements dramatiques de Montredon, morts inutiles en plein milieu d’un siècle où les nouvelles générations n’avaient connues que la paix, sonnaient la fin des combats héroïques, le vignoble semblait condamné au déclin pour sa plus grande part et à un renouveau pour ceux, pionniers, qui misaient sur les AOC.

 

Mais l’Histoire s’écrit avec ceux qui ont le courage de s’élever contre les idées reçues ; ceux qui se confrontent avec les irréductibles de leur propre camp ; ceux pour qui « gouverner c’est choisir » et qui savent mieux que quiconque que choisir est douloureux et, qu’avant de leurs tresser des lauriers, les démagogues les couvriront d’opprobre ; ceux qui loin de céder au découragement ouvrent les voies d’avenir. J’ai l’outrecuidance d’écrire que les accords de Dublin, négociés pour l’entrée de l’Espagne et du Portugal, par Michel Rocard et scellés par les accords de Dublin, ont permis le rebond de votre belle région. Certes il y eut une grave saignée de votre vignoble mais elle n’était que la résultante d’un aveuglement face aux évolutions du marché, le temps du rouge national tirait à sa fin. Sans ce choix courageux, n’en déplaise à ses pères, les vins de pays d’OC n’auraient jamais existés car l’accoucheur accomplit le geste premier, originel. Reste bien sûr à élever l’enfant en âge et en sagesse.

 

Je m’en tiendrai là dans ce rappel de souvenirs car je sais que j’insupporte certains d’entre vous avec mon côté j’étais au bon endroit au bon moment. Mais que voulez-vous j’ai tellement reçu de coups bas, j’ai  depuis sept ans du affronter tellement de mensonges, du subir un tel flot de désinformation, que si je ne m’envoie pas quelques fleurs qui le fera ? Les temps, après une brève embellie, sont de nouveau difficiles. L’éditorialiste de Vitisphère écrit : « Après 7 années brinquebalantes la brutale dégradation économique (hausse des charges d’exploitations, baisse des cours, ralentissement des exportations…) a réinstallé la colère, la révolte dans la tête de beaucoup de vignerons. La violence est redescendue dans les rues. Quand la crise est là, il y a ceux qui pensent qu’il n’y a rien à faire, sauf la révolte, ou la renonciation. Il faut comprendre leur découragement, leur rancœur. Ils ont été si souvent déçus, dominés, trompés, aveuglés… »

 

À l’heure où je vous écris, chers amis vignerons du Languedoc, je ne peux rien faire d’autre que vous apporter tout ce que je recèle de compréhension et de compassion. Tout au début des 7 ans évoqués par Vitisphère, j’ai tenté, avec honnêteté et un certain courage, d’analyser votre situation, face à la concurrence des vins du Nouveau Monde et l’évolution de la consommation mondiale du vin. Avec mes compères du groupe stratégique nous avons proposé une feuille de route simple, compréhensible, de ce que nous pensions être les voies et moyens pour relever les défis du vin français : Cap 2010. Nous nous sommes engagés, nous avons ferraillés, nous avons tentés de convaincre, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour des choix cruciaux pour votre avenir soient faits. Est-ce que vous nous avez entendus chers amis vignerons du Languedoc ?

 

Toujours dans Vitisphère je lis les propos du principal opérateur sur votre marché : « Depuis une trentaine d’année, la viticulture française a été massivement réorientée vers les vins de terroir, qui contribuent à la notoriété de notre production. Mais ces vins ne représentent qu’une faible part du marché. Le cœur du marché, ce sont les vins vendus entre 2 et 5 € (prix consommateur). Dans ce segment les vins de marque sont ceux qui ont la plus forte progression. C’est un segment sur lequel la France n’est pas assez compétitive car jusqu’à aujourd’hui, le vignoble n’a pas été orienté vers cette production de type industriel. Mais la réforme de l’OCM est une chance pour nous adapter et devenir compétitifs sur ce segment, sans pour autant renoncer aux vins de terroirs qui continueront à être le fer de lance de la viticulture française. Avec les vins sans indication géographique, l’Europe nous offre l’espace de liberté qui nous faisait défaut pour être compétitifs sur ce segment. Qui plus est des moyens considérables sont débloqués pour la restructuration du vignoble : plus de 450 M€ sur les 5 prochaines années. A nous d’utiliser au mieux cette manne pour construire un vignoble qui réponde à ces marchés.

 

Face à cette affirmation Vitisphère rétorque : tous les secteurs ne sont pas aptes à produire des vins industriels ? La réponse fuse : « Bien sûr que non et heureusement. Le marché est segmenté, il faut donc segmenter la production de raisins. Au niveau de chaque exploitation ou de chaque coopérative, il faut passer en revue toutes les parcelles et définir une affectation pour chacune : les parcelles de coteaux sans irrigation possible resteront vouées aux vins de terroir avec des déclinaisons possibles en bio pour une meilleure valorisation. Mais dans les secteurs de plaine où l’irrigation est possible, il faut développer des vignobles productifs avec des coûts de production les plus bas possible pour être compétitifs sur le marché mondial. »

 

Et de rebondir sur une nouvelle interrogation : cette course au rendement ne va-t-elle pas conduire à une nouvelle baisse des cours ? « Si bien sûr, mais c’est grâce à cela que nous redeviendrons compétitifs par rapport au Chili et à l’Afrique du Sud. Mais qu’importe la baisse des prix si grâce à l’augmentation des rendements, le producteur touche un meilleur revenu à l’hectare. Aujourd’hui, les vins de cépages rouges chiliens sont à 64€ l’hl franco. Si nous arrivons à ce prix là en France, nous reprendrons des parts de marché. Et pour le producteur, à 100 hl/ha, cela fait un revenu de 4000 € à l’hectare en tenant compte des frais de vinification et de transport. Pour peu qu’on travaille sur la réduction des coûts de production avec la taille minimale par exemple, cela devient une activité très rentable. C’est un marché qui peut générer des marges pour tout le monde. Il n’y a aucune raison de laisser ce marché à nos concurrents, surtout pour le marché européen qui devrait être notre chasse gardée. »

 

Tout est dit même si je continue de penser qu’au cours des 7 années qui viennent de s’écouler la production, vous les vignerons individuels ou coopérateurs du Languedoc, fournisseurs de vin en vrac, vous auriez du vous regrouper pour créer les conditions économiques de la compétitivité, vous organiser pour mettre les acheteurs du négoce – qui restent et resteront des opérateurs qui rechercheront toujours les conditions de prix les plus avantageuses – face à des partenaires jouant une même partition. Diviser pour régner, en dépit des discours consensuels, reste la stratégie de beaucoup d’opérateurs. Dans un espace de liberté il faut des règles du jeu voulues et acceptées pour créer de la valeur. Ceux qui montent aujourd’hui sur les estrades pour pointer le doigt sur les responsabilités doivent aussi se souvenir des leurs lorsqu’ils se trompaient de cible.

 

Á l’heure où la consommation mondiale du vin progresse, régénérer le « vignoble de masse » de votre belle région est un atout majeur pour la France du vin. Encore faut-il assumer les choix qu’il exige et cesser d’agiter l’épouvantail du vin industriel. Vos vins de terroir, qui souffrent de la concurrence du grand voisin de Gironde, se porteraient beaucoup mieux si l’on tarissait la source de vins qui ne sont ni des vins de vignerons, ni des vins « modernes », mais des vins de rien bénéficiant de la notoriété de leur seul nom. La concurrence entre nos grandes régions viticoles reste un problème majeur et ce serait une idiotie, au nom de l’autonomie des régions dont je suis le premier défenseur, de laisser  accroire que le principe des vases communicants va cesser dans le nouveau contexte créé par la nouvelle donne de l’Europe. En écrivant cela je ne prône en rien l’affrontement entre régions mais la seule nécessité de ne pas vous faire prendre des vessies pour des lanternes. Il ne s’agit pas de gérer la France du vin de façon centralisée à Paris mais de ne pas reproduire les erreurs qui nous ont conduits aux 7 années que vous venez de vivre.

 

J’ai été long, trop long, mais je ne pouvais, même si je n’ai que des mots à vous offrir, rester insensible à votre désarroi. Tout reste possible à la condition d’affronter des choix difficiles mais porteur d’une réelle et durable prospérité. Lorsqu’on m’a envoyé au chevet du Cognac en 1999, tout allait mal, les pessimistes prônaient l’arrachage, les sceptiques la reconversion. Ce sont ceux qui ont acceptés de recevoir des coups pour organiser la région qui ont eu raison : s’adapter au marché paie. Au travers de mon blog, de mes contacts dans votre belle région, je sais que des hommes et des femmes attendent que les paroles d’union se traduisent par des actes concrets. Que l’énergie soit toute entière tournée vers les chantiers de l’avenir. Moi je reste toujours disponible pour bâtir, mettre la main à la pâte, être des vôtres.

 

Mon père disait que c’était dans les moments difficiles qu’on comptait ses vrais amis. Chers vignerons et vigneronnes du Languedoc, j’en suis. En espérant avec vous des jours meilleurs, je vous adresse mon salut amical et mon meilleur souvenir.

 

Jacques Berthomeau

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A
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O
Waouh,Je vais essayer, je vais me lancer, car ici les gens échanges leurs idées et la le sujet me touche, je réflechis sur la question quasi quotidiennement... Je pense que vous aussi et sans vous connaitre je vous admire tous... Vous aimez la viticulture, la vigne et le vin... vous vivez tous dans se milieu a des postes différents... donc des visions différentes... Vous êtes tous brillants et avez chacun de bonnes idées... Vous n'avez pas peur de dire les choses tel que vous les pensez au risque (que vous avez a l'avance envisagez) de vous faire assassiner... verbalement j'entend... Je pense que vous faites parti de ces gens qui aiment cela... créer le tapage, de la réaction, pour ne pas qu'une question de fond reste au fond... (moi aussi j'aime ça)Je m'invite dans la discussion en sachant que je risque de ne pas avoir assez de talent et d'expérience pour justifier mes opinions mais je tente quand même... Je suis un jeune ingénieur agronome de 24 ans... passionné de viticulture... de vigne et de vin, un amoureux, sans background dans la profession... J'habite dans le languedoc mais aussi a Paris, a Angers, a Colmar, a Montelimar, a Perpignan... Ou plutôt j'ai habité... Depuis un an que j'ai terminé mes études je ne pense et ne vie que pour la viticulture, la vigne et le vin... Je sais que je ne connais rien (ou si peu) j'ai beaucoup d'ambition personnelle et je suis persuadé quiconque peut réussir dans ce métier, même aujourd'hui, même en partant de rien, et même en France. En France pour l'instant je n'y suis pas... J'ai d'abord fait 6 mois en Inde dans un grand domaine viticole... Vignoble du nouveau monde, des nouvelles latitudes, du Tiers-monde aussi effectivement... Et ce que dit Hervé est effectivement le cas... pas facile de lutter sur les mêmes marchés quand nous n'avons pas les mêmes armes... sans me lamenter sur la pauvre vie de ces ouvriers de la vigne... J'essaye de me dire que c'est l'expression de l'économie de marché, de la globalistation... qui n'épargne aucun secteur... pas même la viticulture... Qu'évidemment nous ne sommes pas structuré en France pour jouer sur ce genre de marché de l'abondance... a un prix compétitif... car pendant que nous payons 1000 euros (j'arrondis) notre ouvrier viticole pour faire ces 35h l'Indien le paye 3000Roupies (60€) et l'Argentin 800Pesos (160€). Vérité insurmontable (mais ça change... ces pays viendront a être confrontés aux problèmes de coût de main-d'oeuvre) ... Quand nous essayons en Europe de réduire nos apports chimiques nous rendant compte aujourd'hui que nous avons abusé, les autres traitent a Outrance sans règle car la première motivation et l'argent. La encore, nous ne ponvons rien obliger et donc nous ne pouvons pas lutter de front.Il faut donc contourner, par une viticulture a taille humaine, a la Bizeul ou comme d'autres grands... Qui travaillent bien, qui savent faire et vendre... qui pensent leurs métiers tous les jours de façon a exister dans le marché tout en vivant de se qui les fait rêver. Cette viticulture ces vignes, ces vins vont attirer les clients amateurs ou amoureux, un segment du marché... un gros en valeur, un petit en quantité... Pour le gros marché, celui de la quantité, des gens qui effectivement boivent du vin comme ils boiraient du Coca, pas vraiment la vision que les Français ont du vin mais malheureusement nous avons des vignes, du vin et des hommes qui n'arrivent pas a vivre dans le marché d'amateur et qui sont trop faibles pour jouer au vins coca-cola. Comment faire? Je n'ai pas la réponse (pas encore)... J'ai bien sur des idées mais vous les avez exposés, chacun, mieux que moi...  je pense que c'est possible et qu'il faut des gens comme vous pour continuer a y croire... Je pense que dans le fond Hervé et Jacques vous avez lê même amour pour notre pays et notre viticulture... Et moi je crois que je vous admire tous les deux. Comme ça a été dit dans un commentaire plus haut... il y a la vision collective, et la vision singulière... il y a la croyance de grimper tous ensemble (très difficile mais sûrement possible, exemple existant a l'appui) et la croyance que par l'addition des singularités, l'exemplarité, le modèle nous puissions arriver a la même destination... celle de la survie de notre viticulture dans ce nouveau monde, pour que l'on reste au dessus des autres. Je suis aujourd'hui en Argentine, et ce pour un an... pour découvrir une autre viticulture, pour continuer a apprendre, a savoir comment font les autres... mais je reviendrai... je suis formé, et motivé, et mes amis autour de moi le sont aussi, il y a des jeunes concernés et motivés pour faire quelques choses... tout espoir n'est pas perdu, les écoles ont encore de bons éléments...Keep hoping... And keep doing... Each of you
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B
Comme annoncé je souhaite répondre à ce déférlement d'idées en réaction à ma vision exprimée dans vitisphére.Pour commencer je ne suis pas le col blanc que vous décrivez ceux qui me connaissent le savent ... J'aime tous les vins mais au boulot j'aime surtout les bons  vins qui se vendent ... Pour faire court pendant que certains dicertent nous agissons Il ne faut plus passer des années à se demander si c'est bien ou pas de s'adapter aux demandes du marché les vignerons sont dans l'attente de solution et d'une vision pour la France. La mienne n'en est qu'une à vous cher HB de prouver par la vente que  vous allez développer le plus grand vignoble du Monde uniquement par la vente de vins d'estéthe .Ma passion depuis petit c'est la vigne et le vin , je vinifie enormement et je m'adapte quand je guide les vinif pour JP CHENET dans les caves partenaires mais aussi quand je m'occupe de nos selections de grains noble ou du chateau cantin à saint Emillion. Chaque raisin son vin et chaque vin son client . Ma vision est pragmatique et ouverte à tous . Elle est le reflet de mon quotidien d'oenologue salarié du plus grand exportateur de vins français ( 17 % du total dans 160 pays quand méme ... )Elle n'est  sans doute pas universelle mais elle a le mérite de faire vivre de nombreuses familles qui signent des contrats pluriannuels depuis l'année 2000.Pour ce qui est du Champagne et de sa superbe réussite c'est un modéle dont je réve pour de nombreuses régions . Pour ce qui est des rendements les rendements Champenois et Alsacien seraient déjà un bon début pour augmenter le niveau de rémunération des vignerons du Sud ... Pensez vous que dans ces régions du Nord les vins  à 15 TONNES PAR HECTARE soient la piquette anti ecolo anti sociale que vous décrivez ? 15 tonnes pour les amateurs c'est 100 à 110 hl dont je causais dans vitisphére ! Je suis à l'écoute de vos solutions depuis CAP 2010 , il vous reste deux ans c'est court ...
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P
BonjourQuelques remarques que m'inspirent ces échanges.- je partage les questions de Michel Issaly : pourquoi les mêmes constats et les mêmes discours depuis des décennies ? Et j'ajoute : qu'est ce qui pourrait nous faire croire que cela va changer ?- primo : il y a une différence entre les observateurs qui ne sont engagés que pour leurs propres affaires et ceux qui, par métier, ou par nature, le sont pour un intérêt collectif. Il est facile de dire "laissons faire la nature", je ne serais pas loin de partager ce point de vue et son approche libérale, sauf que… Sauf que des hommes ont été élus, mandatés, par d'autres pour les représenter et faire avancer les choses. Et ces hommes là—qu'ils soient responsables de Chambres, de syndicats, etc.—ne peuvent se contenter de ce pis-aller "laisser faire la nature", qui ne serait rien d'autre qu'une démission. Donc, il faut agir.- Le problème c'est qu'il faut agir collectivement, et c'est là que le bât blesse. Nous avons, en Languedoc COMME AILLEURS, de beaux exemples de réussites, des gens formés, des gens capables, des gens réactifs. Là n'est pas la question. Cependant, force est de constater que ce qui marche est fait SOIT individuellement (l'entrepreneur s'affranchit des pesanteurs du collectif : cf. des domaines qui marchent), SOIT collectivement (cf. des caves coop qui marchent ou l'aventure pays d'Oc) mais par des gens qui ont su s'affranchir aussi des pesanteurs des instances au pouvoir (je parle essentiellement du pouvoir viticole, et notamment coopératif) et faire ce qu'ils sentaient quand ils le sentaient.- Quelle comédie de voir parader sur l'esplanade du Pérou à Montpellier, aux côtés d'un président de Région), qui lui n'a pas mâché ni ses mots ni ses actes en matière viticole) celui-là même qui porte une très lourde part de responsabilité d'avoir fait croire à son "peuple vigneron" pendant des années que la réponse était partout sauf dans sa propre capacité à se réformer ! Quelle pitié de voir ledit "peuple vigneron" aller aux manifs comme on va à l'encierro du village, alors qu'il s'agit avant tout d'économie, d'emplois, de son avenir etc.Réflexion d'un touriste américain de passage :«Mais ? Ils manifestent contre quoi ? Contre le marché ???»J'arrête-là les constats tristes car je crois que nous quittons cette tristement "belle époque" où le Midi n'a cessé d'agiter sa force devant Paris (aussi bien la rue de Varennes, que Matignon, que l'Elysée, que la rue de la Baume). Paris qui, ayant toujours refusé l'épreuve de force, n'a jamais été constater sur place le côté fanfaron et pusilanime de ces démonstrations. Tout le monde y va (quoique…, on n'est plus dans les foules d'il y a dix ou vingt ans) car tout le monde se tient par la barbichette. Mais qui, aujourd'hui, croit sérieusement qu'une manif, que quelques voitures renversées, vont émouvoir qui que ce soit ?- Oui, le but reste de donner à l'exploitation viticole familiale, quelle que soit sa taille, des outils collectifs pour l'avenir.- Oui, beaucoup vont mal et cela coûte moins cher à la collectivité d'aider un paysan que d'en installer un autre à sa place.- Oui, le petit vigneron qui travaille bien (et il n'y a pas de lien automatique de cause à effet) c'est bon, c'est bien, c'est beau.- Mais non, ce n'est pas une réponse collective pour les quinze millions d'hl du Languedoc ! Il reste encore une race d'hommes pour qui "après moi le déluge" n'est pas une solution.- Oui, l'outil collectif (coopératif ou pas) est LA solution pour tous ceux qui ne veulent ou ne peuvent faire eux-mêmes leur vin- Mais non, aucune coopérative n'a aujourd'hui la taille critique (au moins 300.000 hl) pour s'en sortir;- Oui c'est beau de faire pousser sa vigne, puis faire son vin, puis vendre son vin ;- Mais il est tout aussi beau de faire correctement le simple métier de viticulteur et de fournir du beau, sain et commercial raisin à quelqu'un qui le vinifiera mieux et moins cher que moi.- Etc.Je crois que ceux qui veulent s'atteler à ce chantier doivent soutenir les réalisations en cours, affronter avec courage le risque qu'il y a à se passer des caciques. Et les autres doivent les encourager, les soutenir, voire les protéger et les aider à résister aux pressions du court terme pour rester concentrés sur l'aboutissement concret des projets à long terme.C'est d'abord pour cela qu'on vote pour un responsable.
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M
Chaud, chaud devant ! Et si on laissait le public juger ? Si on laissait le vin se faire : d'un côté les industriels plus ou moins bons et médiocres, de l'autre les vignerons, les vrais, quelques fois bons, souvent grandioses que ce soit dans les Costières ou vers Collioure. Pas les vignerons en col blanc ou chemise lacoste bien repassée. Pas le vigneron fonctionarisé. Pas celui que vous semblez mettre à toutes les sauces. Pas le récolteur apporteur de raisin. À la Bourguignonne, faisons avant tout la simple différence qui s'impose à mes yeux entre viticulteur et vigneron. Revenons aux sources de ceux qui "font" le vin. Bon ou mauvais, cher ou pas cher, le Bon Dieu consommateur saura reconnaître les siens, comme il a toujours su le faire depuis des lustres que le commerce du vin (Messieurs les Anglais...) existe. Plus le vin marchera, plus il y aura de vignes et d'entrepreneurs pour faire tourner la bécane à vendanger et plus il y aura d'amateurs pour décider de trier, de choisir "leur" qualité. Laissons le vin Coca à ceux qui aiment ça. Mais de grâce, reconnaissons qu'il y a plus d'entousiasme et de gaieté de coeur à produire un vin - fut-il star - qui se boit dans l'allégresse et la considération. Je suis optimiste. Particulièrement pour les vins identitaires, les vins qui respectent leurs terroirs et, tout en les modernisant, les us et coutumes de leurs ancêres. Prenons une mini appellation comme Château Chalon. Il n'y a rien de plus élitiste et restrictif que ce cru. Sur une douzaine de vignerons (sans compter les viticulteurs de la cave du bas), peut-être moins, seuls 2 ou 3 ont l'outrecuidance de me plaire. Franchement, dans ce cas, je ne regarde jamais le prix. Sauf que je ne suis pas prêt à me ruiner. Car je suis lucide et informé. Je sais très bien que l'on peut écluser à bon prix un jus qui fait du bien par où ça passe. Je bois, je savoure, je me pénétre du sang de la terre. Chez Human Bomb, par exemple (pardon Hervé), je ne cours jamais après la Petite Sibérie. Au restau, je ne succombe jamais au Pétrus. On peut aller loin ainsi, parler de certaines cuvées de chez Huet qui sont divines et qui pourtant ne sont pas les plus onéreuses. Et puis si c'est trop cher, il y a toujours un vigneron dans le voisinage qui frise le talent fou. Et si c'est encore trop cher à Vouvray et ben y'a qu'à aller voir de l'autre côté, à Montlouis. Je veux dire que depuis toujours, c'est le consommateur qui décide. Pas les politiques, n'en déplaisent à certains que je lis en long, en large et en travers dans les blogs. Pas le négociant non plus. Petit rappel : dans les années 50, il y avait plus de blancs à Bordeaux que de rouges. Aujourd'hui c'est l'inverse. Fut un temps où la Champagne crevait de faim. Je suis persuadé pour ma part que le Languedoc (et le Roussillon) est et restera l'un des plus grands vignobles au monde. De grands terroirs autres que ceux expérimentés par Jean Clavel s'affirmeront attirant les plus grands vignerons individualistes de la planète. D'autres stars naîtront. D'autres se maintiendront haut et fort. D'autres disparaîtront provisoirement tel un Condrieu qui a bien failli s'écrouler dans l'oubli et la culture des arbres fruitiers si un Georges Vernay ne s'était pas alarmé puis entêté dans les années 70. Dans ce Languedoc, il y a déjà et il y aura de plus en plus de grands vins nobles et expessifs pour toutes les bourses. Et les plus chers, forcément les plus rares, pas forcément les plus bas rendements (voir dans le Médoc ou un cru bourgeois à 20 ou 30 € dépasse souvent les 50 hl/ha, voire plus) seront autant de rutilantes locomotives semblables à celles du far west. Elles attireront de plus en plus d'amateurs, de bons et de francs buveurs. Et pour une fois le Languedoc sera peut-être le sauveur d'une vraie viticulture identitaire. Déjà le monde entier s'intéresse à nous. Ceux qui n'ont pas assez de sous pour investir en Provence ou à Pomerol cherchent leur crus en Languedoc, la plupart pour s'y enraciner et plonger dans notre culture avec bonheur. Les viticulteurs, je dis bien viticulteurs, Languedociens ont horreur de ce discours optimiste, voire triomphalistes. Tant pis. Par leus incompétences à vouloir comprendre, par amour des subventions et du gros rouge, ils laisseront leurs terres à d'autres, à leurs fils, peut-être. Laissons donc les comptes se régler, la nature faire les choses, les vignes s'arracher et se replanter, les viticulteurs se désespérer et pleurnicher, les marketteurs élucubrer, les politiciens se disputer, les spécialistes s'époumoner, la France du vin, celle de la différence qu'il y a d'une vigne à l'autre, d'un vigneron à l'autre, continuera à s'illustrer. Personnellement, jusqu'à mon dernier verre, je serai toujours auprès de la vigneronne ou du vigneron qui saura, en goûtant son vin, me faire extraire une larmichette de bonheur. Au diable le marché mondial. Si l'on ne sait pas faire du vin qui se vend, si on ne sait pas en parler pour le vendre, dans ce cas, il vaut mieux faire autre chose. Un dernier point : au risque de me faire clouer au pillori, je reste persuadé que la viticulture la plus propre possible est l'avenir de notre vin national. Et du genre humain. Diantre, j'arrête là. À bon entonneur...
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