Les années 80, le PC, sous la houlette de "l'affreux Jojo" Marchais, et la CGT courroie de transmission du premier, drivée par Henri Krasucki, occupent encore une place centrale dans le paysage politique français. Après avoir mangé leur chapeau suite au 10 mai 81 les dirigeants communistes ont délégué au gouvernement Mauroy les plus présentables : Fiterman qu'est même Ministre d'Etat, Le Pors, Rigoud et Ralite. Avec la nomination du plus jeune Premier Ministre que la France ait connue, le sémillant Laurent Fabius, ils sont partis. Donc en 85 la CGT titille les socialos et à la Une du Monde, Plantu, dessine un Krasucki très arsouille. Jugez par vous-même :

Je ne vais pas gloser longuement sur ces dessins mais faire une remarque et vous livrer une confidence :
- la remarque d'abord : l'accord sociologique, gros rouge et populo est évident, il souligne ce qui faisait la force des communistes, leurs bastions populaires, sortes de réserves de prolos, type 9-3, et une partie du 9-2, qui deviendront les réceptacles du nouveau lumpen prolétariat, des zones dites de non droit, "les banlieues" qui s'enflamment, des poudrières de tous les dangers... La déliquescence du PC a commencé le jour où leur "apostolat civil" n'a pas su ou voulu prendre en compte la nouvelle donne sociologique (rappelons-nous que Robert Hue s'est illustré en février 1981 où il fera brièvement parler de lui à l'échelle nationale en menant un coup d'éclat contre une famille d'immigrés qu'il dénonce à la vindicte populaire comme trafiquants de drogue sans autre preuve que la lettre de dénonciation d'une voisine de la famille en question). Le déclin de la consommation du vin quotidien accompagne celui des "classes dangereuses" traditionnelles et de ceux qui les représentaient. Le Front National prospérera sur ce terreau populaire vieillissant, reprenant la fonction protestataire et populiste du PC, avant d'être récupéré lors de la dernière présidentielle par le futur président de la République. Le gros rouge, le Kiravi, le jaja des cocos, toute une époque où Jean-Baptiste Doumeng montait les patrons viticoles du Midi dans son jet privé à la fête de l'Humanité au parc de la Courneuve (l'aéroport du Bourget est tout proche).
- la confidence concerne Henri Krasucki avec qui j'ai déjeuné dans le cadre de mes fonctions à la Présidence de l'Assemblée Nationale. L'homme, résistant, déporté, communiste orthodoxe, courroie de transmission du parti même s'il ne goûtait pas le populisme grossier de Marchais, était un fin lettré, mélomane, doublé d'un épicurien amateur de bonne chère et de bons vins... Tout le contraire de l'image véhiculée par Plantu mais on voit mal un Krasucki exhibant un flacon de château Margaux, le secrétaire-général de la CGT aurait alors crié à la caricature politiquement incorrecte : la hiérarchie des vins reflétait encore dans les années 80 notre goût prononcé pour la lutte des classes. Dans l'actuel gouvernement le ministre de l'environnement représenté avec un nez rouge bourgeonnant se voit privé du flacon qui va avec, sans doute un GCC, ce serait politiquement incorrect comme la cigarette de Lucky Lucke censurée. Ainsi va la vie de la caricature politique, elle reflète le mieux l'air et l'autocensure du temps...