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9 avril 2008 3 09 /04 /avril /2008 00:03

Puisque mes amis de Sève l'affirment : leur bébé est l'enfant naturel de René Renou et de moi-même, je suis disposé à entamer une reconnaissance de paternité. En effet, j'ai toujours rêvé d'être le père d'un enfant naturel car, comme vous le savez peut-être, alors que dans le cas d'un enfant légitime la présomption " pater is est..." s'applique : le père de l'enfant est le mari de la mère (art.315 du Code Civil) dans le cas de l'enfant naturel il faut le reconnaître. René ayant tiré sa révérence un peu trop tôt à notre goût, je suis donc le seul à pouvoir effectuer les démarches. Je le fais avec plaisir car cet enfant, sans mère connue, mais pourvu de deux pères qui partageaient le même goût pour le débat, la même passion de convaincre, doit être doté d'un solide tempérament. Bien sûr, certains objecteront que René, lui,  était un sage, un vrai défenseur du terroir, un pur vigneron en nos appellations, alors que moi, je ne suis qu'un plumitif apatride, qu'un mondialiste forcené non agréé par la CNAOC, qu'un gars pas très sérieux tout compte fait. Ben oui mais les lois de la génétique sont telles qu'avec un tel bagage l'enfant ne peut-être qu'un génie. Bref, trêve de plaisanteries, la parole est aux vignerons de Sève.

Une des dernières photos de René Renou en compagnie de membres de Sève... 

1ière Question : SEVE c’est quoi ? SEVE c’est qui ? Un groupuscule de vignerons intellos rêveurs ? L’aile marchante des tenants du retour aux sources de l’AOC ? Les mouches du coche enlisé des « conservateurs des droits acquis » ? Une confrérie de doux naïfs que l’on mène en bateau ? D’où venez-vous ? Qui êtes-vous ? Où allez-vous ? Dites-nous tout gens de SEVE !

 

 

 

Réponse :Par provocation j'aurai tendance à dire que Sève est l'enfant naturel de Jacques Berthomeau et de René Renou, de cap 2010 et de la réforme de l'agrément des AOC ! Mais plus sérieusement des vignerons – c'est d'ailleurs notre point faible parce que nous sommes très « pris » par notre métier de vigneron et que nous ne sommes pas des « professionnels du syndicalisme viticole » - des vignerons donc qui, suite aux conseils d'un Jacques Berthomeau ou de René Renou, ont réinvesti leur syndicat d'appellation pour faire entendre une autre voix, moins corporatiste dans certains cas – et on nous le reproche assez – plus élitiste dans d'autres parce que nous pensons par exemple qu'un segment AOC qui représente plus de 50% des vins français est une aberration !
Nous ne souhaitons surtout pas être une secte ou une chapelle, chose fort courante dans le monde du vin et en particulier dans une période où un grand nombre de repères ont disparu. J'aurais tendance à dire également que ce « club » est animé par des producteurs de toutes les régions viticoles françaises qui ne veulent pas dissocier réussite économique et vie collective au service de leur appellation ! Enfin on peut aussi considérer qu'il s'agit d'un groupe de vignerons européens parce que cette conception est partagée par des vignerons italiens, espagnols, portugais, allemands qui pensent que la viticulture de terroir est un humanisme ou pour le dire autrement qu'il ne peut y avoir de viticulture de terroir qui ne soit durable à moins tout simplement qu'on imagine, longtemps encore, prendre les consommateurs pour des imbéciles et le terroir pour un piège à cons !

 

2ième Question : Certaines personnes bien informées, comme on dit dans les antichambres du pouvoir, affirment que nous entrons à nouveau dans une ère de grande glaciation des AOC, que la réforme engagée ne changera rien aux questions de fond, qu’elle n’est qu’un leurre, que toute la pesante mécanique mise en place va coûter cher pour un résultat mineur, que la catégorie des vins sans IG issue de la réforme de l’OCM va devenir le bassin déversoir des excédents des AOC, j’en passe et des meilleures… Beaucoup de bruit pour rien ou le début d’une ère nouvelle, que pensent les « réformateurs » de SEVE du processus engagé ?


Réponse

 

: Nous pensons que la réforme en cours était une opportunité à saisir parce qu'elle introduisait la notion de contrôle indépendant – les vignerons, enfin, n'étant plus juge et partie – et parce qu'elle permettait d'intervenir dans les contrôles en amont, sachant qu'à ce jour nous continuons en France à produire des vins dont nous attendons la réalisation pour se poser la question de savoir s'ils sont aptes ou pas (à exister) et aptes à quoi (à quel marché) . La réforme introduisait donc une « philosophie » nouvelle, le respect des conditions de productions devait garantir la qualité du produit, le produit étant à priori conforme et son contrôle en tant que tel aléatoire.
Malheureusement les tenants et défenseurs de la « typicité », notion creuse au contenu scientifique approximatif

, menacent les côtés positifs de cette réforme : Sève dès 2005, avec le concours de l'INAO, du prof. Mac Leod, de Marc Danzart, de Dominique Valentin, etc., de l'INRA d'Angers (travail d'Yves Cadot) ont démontré la vanité de la détermination scientifique de la définition du terroir par la caractérisation organoleptique du produit d'une part et l'approximation inévitable de l'utilisation du goût comme outils de contrôle d'autre part ! Mais rien n'y fait le formatage de l'industrie agro-alimentaire est en marche ! En fait la viticulture ne veut pas de vrai contrôle en amont et préfère en rester à un contrôle produit « bidon » donc sans conséquence sur la « qualité » de la production ; cette conception « irresponsable » de la production est fortement ancrée dans les mœurs et donc très difficile à faire évoluer : « nous on produit à vous de vous « débrouiller » pour vendre »!

 

3ième Question : Dans l’hypothèse où la dérive des grands territoires d’AOC perdurerait, que le retour aux sources de l’AOC pour lequel vous militez depuis presque 10 ans serait étouffé sous le poids des conservatismes, qu’on se contenterait d’une simple cosmétique des textes, qu’envisagez-vous de faire ? D’après-vous est-il possible de peser dans les débats hors des organisations traditionnelles ? Le risque de voir s’exacerber l’antagonisme un peu factice entre une viticulture « artisanale » vertueuse et une viticulture « industrielle » néfaste pour le vin à la française n’est-il pas le seul résultat que nous allons récolter au terme de la période Cap 2010 ?

 

Réponse : Ce comportement est d'autant plus regrettable que la réforme accompagnée d'une segmentation ou hiérarchisation intelligente aurait permis de répondre aux besoins et aux attentes des vignerons qui au sein même de leur entreprise avaient besoin des deux mouvements, mouvements de libéralisation des conditions de production pour le plus grand nombre de cas et mouvement de renforcement des contraintes de production pour essayer, pour tenter de cerner ce qui pouvait permettre de révéler le lien au terroir, partant du principe qu'en ce domaine rien n'était acquis mais tout à prouver, si je puis dire.

Ce qui a faussé beaucoup de chose dans le monde viticole, c'est le fait que nous vivons une période où les gourous sont roi : ni Dieu, ni Maître comme dirait l'autre, mais le problème c'est qu'en l'absence des deux, les chapelles sont pleines et la part laissée au doute de plus en plus étroite; or on ne fait pas du vin avec des idées et des dogmes mais des raisins différents chaque année et c'est ce qui fait l'intérêt de ce métier .

Le lien au terroir personne ne sait ce que c'est ! J'espère en avoir l'intuition, l'appréhender mais le mettre en équation : que dalle ! Ce métier demande un minimum de modestie que tous, à part quelques très grands comme Aubert de Villaine ont perdu. La seule chose que je sais, chaque année, face à la vendange c'est que je ne sais pas grand chose et que je vais essayer de comprendre ce qui s'est passé, ce qui va se passer demain : le doute est au coeur du métier ; si on arrête de se poser des questions dans ce métier alors il faut en changer ! on a voulu faire croire, les journaleux, les flatteurs de tout poil, que ce métier était un métier de seigneur ! Tu parles ! C'est un métier d'esclave au sens où la «  grande Simone » l'emploie en évoquant les paysans portugais ! 
Je parle bien sûr de ceux qui continuent à faire du vin chaque année, chaque année différente un vin différent qui a des choses à dire, à raconter sur l'année passée. Il y a bien longtemps qu'on ne fait plus de vin à B. puisque chaque millésime est celui du siècle ! À B. aujourd'hui on fait du pognon, on spécule, on fait des affaires ! du vin ça se saurait et ça se boirait ! Ce vin là d'ailleurs ne se boit plus, il se stocke dans des galeries à l'abri des regards, à l'abri des gorges chaudes, c'est un produit froid stocké en caisse de douze au fond des galeries chez Legrand au Chemin des Vignes dans des cimetières à vin, plus personne ne sait qu'ils sont là, ils sont oubliés, la famille ne les attends plus, souvent elle ne connaît même pas leur existence ! C'est terrifiant cette histoire. Certains de tes lecteurs ne me croiront pas ! Je connais un caviste à Lyon qui m'expliquait qu'aujourd'hui quand il vendait des « grandes bouteilles » il voulait les ouvrir avant de les vendre pour être sûr qu'elles soient bues et ne terminent pas dans le coffre d'une banque !!!

Certains penseront que je m'énerve ; pas tant que ça, je veux simplement dire au consommateur de vin, ceux qui en boivent , ceux qui aiment ça – j'en fais partie et je n'aime que les « petits » vins, les « grands » m'emmerdent sauf ceux qui ont la délicatesse d'être discret, de ne pas se faire voir, d'arriver en douce, sans se montrer- je veux leur dire qu'il est des vignerons qui en ont assez, assez de toutes les bêtises, de tous les mensonges qu'on leur raconte sur le vin. Sève est né aussi de ça, du fait qu'en 2007 comme en 1907 la fraude et le cinoche sont au coeur du dispositif et qu’il faut que cela change !

Pour revenir à la réforme je pense qu'il ne faut pas opposer viticulture artisanale et viticulture industrielle parce qu'il est des producteurs de grandes structures qui sont intègres et font de très beaux vins avec plus de rigueur et d'exigences que des Châteaux où les grands crus n'ont pas grand chose à voir avec une expression de terroir ; le terroir est une donnée nécessaire mais pas suffisante, comme la partition qui n'existe que par le musicien qui la joue, ou qui la massacre ! Malheureusement nous allons devoir envisager, pour ceux qui veulent continuer à faire des vins qui auraient une intimité avec leur terroir, de mettre en place d'une façon libre pour le vigneron mais lisible pour le consommateur une ébauche de garantie : je revendique le désir, la volonté de rechercher ce lien, je me mets dans les conditions que je crois être les meilleures pour exprimer ce que peut être le terroir ! Je garantis non pas une fin inaccessible mais des moyens mis en œuvre pour tenter d'y arriver! Je n'en suis pas sûr mais je m'autorise à penser que l'addition de certains comportements – la réalisation d'une bouteille ce sont des milliers de gestes de la naissance de la vigne à la vinification dans la cave – oriente le vin dans l'expression d'une chose ou d'une autre et j'ai la conviction que si je plante de la vigne à n'importe quel endroit en utilisant le maximum de technique et d'intrants, il y a un rapport entre la fin et les moyens ou plus exactement, que plus il y a de moyens plus il est difficile de saisir la fin !

Le philosophe Jacques Ellul a écrit des choses superbes là-dessus et je reste persuadé que nous vivons une époque où nous avons plus besoin de philosophes que de techniciens. Ce n'est pas une question de refus de la technique et de la modernité, c'est le problème posé par le lien entre la technique utilisé et son influence sur le produit lui-même parce qu'il y a un lien entre l'un et l'autre, et je vais prendre un exemple simple : je vinifie dans une région où il existe une technique ancienne qui consiste à élever les vins au soleil afin qu'ils « ranciotent ». Et bien cette technique a une telle influence sur le produit qu'elle gomme totalement l'effet terroir c'est à dire que si tu prends un Banyuls et un Maury jeune et non oxydé tu vois la différence entre les deux vins alors que sur les mêmes vins ranciosc'est impossible parce que l'oxydation l'emporte sur le reste et modifie complètement le produit.

La question que nous posons à Sève, c'est qu'en l'espace de quarante ans les techniques à la vigne et à la cave ont beaucoup évolué et cela a forcément une influence sur le vin et le lien du vin avec son terroir. Il n'y a pas de techniques mauvaises en soi, il y a simplement la nécessité de poser la question : est-ce que l'utilisation des « nouvelles techniques » ne nous a pas éloigné de l'effet terroir et n'a pas uniformisé le style, le goût de nos vins ? Quel est notre capacité à accepter le « défaut » du terroir puisque par définition le terroir c'est l'acceptation de la différence, de l'exception ! Quelle est la place dans une société mondialisée, uniformisée pour des vins qui sont le résultat d'une histoire particulière dans des lieux difficiles avec des hommes et des femmes qui ont su garder une certaine originalité, particularité et qui se permettent quand la mode est au vin boisé, puissant etparkerisés de faire des vins légers et délicats. Pourra-t-on le faire au sein des AOC, j'aimerais, mais je préfère n'en dire pas plus pour l'instant.

pour Seve, Marc Parcé www.seve-vignerons.fr/

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