Dans la compétition mondiale des vins, trop souvent, afin d’éviter les sujets qui fâchent, dans notre beau pays, en un raccourci rapide et commode, certains attribuent les difficultés que nous rencontrons sur les marchés extérieurs aux seuls du vins du Nouveau Monde qui, bien sûr, dans notre vision hexagonale sont produits hors toute réglementation contraignante. C’est un peu simpliste même si les rendements, qui sont les meilleurs diviseurs de coûts de production, donnent à ces vignobles un avantage indéniable. Dans sa veille concurrentielle 2007, Viniflhor, note « En comparant les périodes 1995-2000 et 2000-2005, il ressort que les pays du Nouveau Monde de la veille voient leur rendement moyen se contracter de 2,5% alors que celui des pays européens progresse de 4,5%. La différence entre les deux zones qui était de l’ordre de 40hl/ha en faveur des pays du Nouveau Monde dans les années 90 n’est plus que de 35hl/ha entre 2000 et 2005. Comme diviseur de coûts, le facteur rendement doit également être considéré au regard de la densité de plantation (rendement par pied de vigne). Ainsi, dans un contexte de densité de plantation faible, l’Espagne qui voit ses rendements passer de 27hl/ha à 42 hl/ha en l’espace de 10 ans, améliore significativement son potentiel de compétitivité. »

L’Espagne, le nom est lâché, notre voisine, si proche, dernière arrivée dans la cour européenne, perfusée de fonds structurels, ambitieuse, mets les gaz et roule plein pot. De l’autre côté des Alpes, nos chers amis italiens, qui adorent nous embêter depuis que le Marché Commun du vin existe, ne sont pas en reste. Ils taillent leur route avec leur pragmatisme légendaire. La France, embourbée dans ses débats microcosmiques, combine baisse de la surface de son vignoble et recul des rendements (– 5% contre +31% en Espagne et +4,5% en Italie entre les moyennes 19995-2000 et 2000-2005). Par rapport à un indice (basé sur pondérée de 15 pays producteurs), le prix du raisin en 2006 en France s’élevait à 173 (124 si l’on exclut le champagne) contre 152 pour l’Italie (ce pays a aussi des vignobles très abaisseurs de coûts) et 47 pour l’Espagne. Sans vouloir jeter un pavé dans la mare, tant qu’en France nous n’accepterons pas de voir la variable rendement, dans les vignobles de masse, régulée par les opérateurs, quels qu’ils soient et sous une forme contractuelle à négocier, nous nous continuerons de nous tirer une balle dans le pied et nous condamnerons beaucoup de viticulteurs à l’arrachage de leurs vignes. Le revenu de ces vignes ne peut se faire qu’avec un rendement adapté générateur d’un prix du raisin en capacité de soutenir la concurrence mondiale. Les meilleurs marketeurs du Monde ne peuvent donner que ce qu’ils ont. Pour ce type de vins, si l’on veut leur faire supporter les coûts d’un vrai marketing puissant, il faut générer du revenu à la vigne en jouant sur l’optimisation des rendements en fonction des qualités recherchées par le concepteur.
Tout part de la vigne pour finir dans une bouteille qu’il faut vendre. La veille de Viniflhor écrit « le pilotage de l’offre par l’aval renforce la capacité des pays à conquérir les marchés internationaux. Posséder un vignoble en propre, sécuriser ses contrats d’approvisionnements est toujours d’actualité (...) L’acquisition de vignoble reste très attractive. Certains fonds américains sont maintenant présents dans le vignoble (cf.Penaflhor). » Tiens, il me semble avoir entendu cette petite musique quelque part ! Comme c’est bizarre, y’a des trucs qu’on jette par la porte et qui rentrent par la fenêtre… » Sur le critère de « la capacité des opérateurs à conquérir les marchés » la veille de Viniflhor ne classe la France qu’en 6ième position, loin derrière l’Australie, l’Afrique du Sud, les USA, l’Espagne et le Chili. Nos champions nationaux, Castel et Grands Chais de France, même s’ils se situent dans le top 10 des volumes commercialisés en 2006, mais leurs 375 et 400 millions de cols se situent très loin derrière les poids lourds de Gallo 780 millions de cols et Constellation avec son milliard de cols. En valeur, le fossé serait encore plus profond et bien sûr je n’ose parler de profitabilité car c’est péché mortel. À noter que nos prix pratiqués départ chai : 2,26 euros la bouteille hors champagne sont 46% supérieurs que le prix moyen export monde.
En faisant ces constats je ne charge pas la barque et je n’aurai pas l’outrecuidance de faire certains rappels à propos de certains écrits, mais quand même pourquoi une telle inertie, un tel aveuglement ? Pour preuve, le Fonds d’Investissement Vin, dont la préfiguration sous sa forme actuelle qui date de mai 2007 – fonds privé de type classique où les metteurs en marché auraient une place au comité d’engagement – s’englue, s’enlise, se dilue dans le scepticisme de ceux qui ne voient que midi à leurs portes et qui pensent qu’ils seront les seuls tirer les marrons du feu. C’est affligeant ! C’est désolant ! C’est attristant ! La filière manque-t-elle de capacité à mobiliser des capitaux ? Non, via les CVO, elle draine des sommes que nous envieraient bien des secteurs. Séduit-elle les investisseurs ? Oui, pour les musts ; non pour les entreprises de mise en marché françaises qui s’épuisent dans une concurrence du toujours plus bas pour tenter de séduire les Galec and Co de la Grande Distribution. En ce temps où l’on parle beaucoup de gouvernance de la filière, qu’on le veuille ou non, celle-ci se situe aux deux niveaux que je viens d’évoquer : au plus près de la vigne et au plus près du marché, tout le reste n’est que littérature.