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1 mai 2008 4 01 /05 /mai /2008 00:04

 

Mon père Arsène Berthomeau, entrepreneur de travaux agricoles et de battages au Bourg Pailler de la Mothe-Achard, à ses débuts était associé pour le battage avec Marius Boucard de St Georges de Pointindoux. Parfois j'accompagnais mon père chez les Boucard.

 

Ils habitaient une grande bâtisse dans le bourg. La salle à manger, où l'on nous recevait, était sombre et, occupant presque tout un pan de mur trônait un imposant buffet Henri II. Aller chez les Boucard me plongeait dans des sentiments mêlés : on me faisait boire du thé et je détestais le goût apre de ce breuvage ; le père Jules, le père de Marius, qui chiquait, ce qui donnait à sa moustache une allure de ballet de chiotte, ressemblait à une vieille chouette et me faisait peur ; Marius, lui, me faisait penser à Judas Iscariote et il me mettait mal à l'aise ; enfin, mon imagination, déjà débridée par mes lectures romanesques, me voyait bâtir des récits où, derrière les mystérieuses portes du buffet Henri II se cachaient de lourds secrets.

 

Je me la jouais maison hantée ce qui me valait au retour - étant un grand somnambule - des sommeils agités qui étonnaient toujours la maisonnée. Pourtant, à chaque fois que mon père me le proposait, sans hésiter je le suivais. La raison, outre que j'adorais et que j'adore toujours les lieux incertains, c'est que chez les Boucard, du ventre du fameux buffet Henri II, au lieu de la traditionnelle bouteille de goutte, la femme du père Jules, dont j'ai oublié le prénom, retirait un flacon à liqueurs qui me fascinait. Comme je devais avoir 7 ou 8 ans je carburais à l'orangeade ou à la limonade, pour moi les liqueurs avaient les couleurs du péché.

 

 '

 

Comme vous le voyez sur la photo, le flacon avait une forme de pompe à essence de luxe avec son piétement et ses bouchons dorés - pour faire genre cultivé je pourrais écrire qu'il avait des allures Hoppériennes (d'Edward Hopper le peintre) - et il contenait 4 sortes de liqueurs aux couleurs pétantes : jaune orangé ce devait être de l'abricotine, vert menthe pour la liqueur du même nom, bleu de lagon pour celle à base de Curaçao et enfin le gris argenté du Triple Sec. www.garnier-liqueurs.com

 

Dans mon souvenir cette dernière appellation devait cingler les gosiers comme la cravache d'un cavalier et elle équivalait en force  à l'un des breuvages favoris de l'inénarrable Capitaine Haddock qui serait, de nos jours hygiénistes, censuré dans une publication destinée à la jeunesse pour apologie de l'ivrognerie, mille millions de mille sabords. Dans sa définition la plus courante le Triple Sec est  une liqueur blanche à base d'orange, d'eau-de-vie et de sucre. Le triple sec et le Curaçao sont synonymes. A noter cependant qu'au Canada, les triples secs sont toujours transparents et les curaçaos colorés (ambrés, oranges, bleus, verts, etc.)

                                         

 

                                               

 

Le buffet Henri II


" Il fut pourtant, jusqu'aux années 1950, l'orgueil des modestes. En chêne ou en noyer, il était au-dessus de vos moyens pour un prix raisonnable. On pouvait le payer à tempérament et, pour qui ne disposait pas de moulures à la maison, de corniches ni d'atlantes pour soutenir son balcon, ni même de balcon, il était une façon d'avoir chez soi un morceau d'architecture. avec ses étages, ses pilastres et ses ornements, c'était un plus-que-buffet. Un château d'intérieur. Qui surplombait tout et sur quoi on avait de partout un point de vue.


Les enfants l'amadouaient en promenant leurs doigts sur des reliefs encaustiqués à la cire Abeille et finis au chamois. Les plus belles pièces arboraient des dragons, des lévriers et, le jackpot, des femmes nues. Une haleine rance s'échappait des tiroirs quand on sortait, pas souvent, les ménagères. Les portes avaient des clés. Elles crissaient en s'ouvrant comme à la tour de Londres. Elles abritaient le service de pas tous les jours. Celui qu'on avait reçu à son mariage, et qui ferait l'ornement de celui des enfants. Noces, communions, anniversaires, le Henri II les présidait, grand seigneur. Lui-même était une sorte de pièce montée.


C'est le meuble des familles comme on dit du colin ou du vol-au-vent (...)
Puis les gens ne se retinrent plus d'être modernes. Ils allèrent vers le lisse. Le scandinave. Aidés de quelques travailleurs de force triés sur le volet, ils se débarassèrent du Henri II. Celui-ci ne laissa pas seulemnet une tache claire sur le mur, il fit en partant entrer le jour dans la pièce. Le soleil était une idée neuve dans les appartements."



Extraits de l'excellent livre d'Alain Schifres INVENTAIRE CURIEUX DES CHOSES DE LA FRANCE édité chez PLON
             
                                                                                               

                                                                               
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