Bernard Guionnet fut le premier président élu du BNIC en 1998 et aussi le premier président issu des familles professionnelles. Avant cette mini-révolution, les destinées du Bureau National – comme on dit là-bas – étaient confiées à des profils « haut fonctionnaire » venant terminer leur carrière à Cognac. C’est donc lui qui m’a accueilli au BNIC et j’ai de suite compris que cet homme au parler direct, sans fioritures, un pragmatique, serait pour moi un interlocuteur avec qui j’allais pouvoir faire avancer un « discours économique » en rupture avec celui des idéologues de l’âge de bronze qui polluaient le débat sur les évolutions nécessaires de la région délimitée. Selon l’expression consacrée Bernard Guionnet jouait le jeu. Mieux que quiconque il savait bien que le pivot de l’économie de la région était le Cognac, que le retour à la prospérité viendrait d’un nouvel équilibre et d’une nouvelle dynamique mais pour autant diversifier : faire du vin, pouvait à la marge donner une voie nouvelle à certains. Dans le cadre de la Coopérative de Segonzac il reconvertit 8 ha 50 de son vignoble en cépages rouges. Sans lui envoyer de fleurs je peux affirmer, sans trop le compromettre, qu’il a été l’homme de la situation et que, dans les périodes de crise que j’ai eu à connaître et à gérer, il fait parti de la catégorie des dirigeants qui savent prendre leurs responsabilités et je puis vous assurer que c’est rare, même très rare.
Question n°1 : Au cours de la dernière décennie le Cognac a retrouvé sa gnac et aligne des performances remarquables sur les marchés extérieurs. Est-ce-que les représentants des familles professionnelles de la région délimitée ont su mettre à profit cette période favorable pour tirer les enseignements du temps que j’ai connu – Red Adair sans grands moyens d’une crise liée à l’affaissement de la demande et à l’inadéquation de l’offre – où le salut ne semblait venir que de l’arrachage ou de la reconversion du vignoble. En quelques mots, Bernard Guionnet, en tant que chef de la famille de la production, dites-nous ce qui a changé au cours de cette période ?
En 10 ans, mais surtout depuis les 5 dernières années, les sorties de cognac ont fortement progressé, la superficie du vignoble cognac a perdu 7 000 Ha, le plan d’adaptation viticole de 1998 a permis à beaucoup de viticulteurs de mieux supporter la crise et de se retrouver affaiblis, mais vivants. Les esprits ont évolué, aucun sujet n’est tabou et les rapports avec la famille du négoce se sont amélioré. J’en veux pour preuve l’accord interprofessionnel sur la méthode de calcul de notre QNV (quantité normalement vinifiée), c'est-à-dire notre rendement annuel cognac où désormais n’entrent en compte que des critères économiques précis, factuels et révisables chaque année afin de coller au plus près du marché, les éléments psychologiques sont restés au vestiaire, le spectre des erreurs passées s’éloigne.
Réponse de Bernard Guionnet :
La demande de cognac dans le monde est forte et s’est accélérée ces dernières années. Sachons rester modeste, conservons calme et sérénité. L’expérience aidant, nous savons bien que le cognac, même s’il peut être classé parmi les produits de luxe désirables, est fortement soumis aux aléas économiques et financiers qui risquent de secouer certains pays riches dès 2008. Notre nouvel atout majeur dans de telles circonstances est le partage des risques sur 3 continents : Amérique du Nord, Europe plus Russie et Chine plus Sud Est Asiatique. Tout est donc en place pour éviter la surchauffe et franchir un nouveau palier
Réponse de Bernard Guionnet :
Le champagne et le cognac sont 2 produits assez différents :
- par la superficie, la situation des vignobles et par le caractère des hommes qui le produisent:
- par l'importance et le pouvoir des coopératives de transformation,
- par le nombre d'intervenants metteurs en marché,
- par la structure même des marchés,
- par la répartition des ventes.