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3 janvier 2006 2 03 /01 /janvier /2006 10:00

" Mais si le dîner, bien qu'en soit excellent, était avant tout reconstituant, le vin lui, était un vrai nectar. Dans la maison de son enfance, à Cracovie, Sophie avait toujours vu boire du vin, car son père, doué d'un penchant pour l'hédonisme, insistait (dans un pays aussi dénué de vignobles que le Montana) pour que les repas viennois, fort copieux et souvent raffinés que préparait sa mère, soient en général arrosés de bons vins d'Autriche ou des plaines de Hongrie. Mais la guerre, qui avait balayé tant d'autres choses dans sa vie, l'avait privée d'un petit luxe aussi humble que le vin, et depuis lors, elle ne s'était jamais souciée de chercher à en boire, même si elle en avait parfois eu la tentation dans le périmètre de Flatbush, où les indigènes ont le culte de la bouteille. Mais, jamais elle n'aurait cru qu'il existât une chose pareille - cette liqueur des dieux! La bouteille qu'avait apportée Nathan était d'une telle qualité que Sophie fut tentée de remettre en question ses idées en matière de goût ; elle ignorait tout de la mystique des vins français, il était donc inutile que Nathanlui précise qu'il s'agissait d'un château-margaux, ni que c'était un 1937 - la dernière grande année d'avant-guerre - ni qu'il coûtait, la somme faramineuse de quatorze dollars (à peu près, la moitié de son salaire de la semaine, constata-t-elle avec incrédulité quand son oeil accrocha le prix porté sur l'étiquette) ; ni qu'il aurait encore pu gagner du bouquet s'ils avaient eu le temps de le laisser décanter. Nathan était d'une drôlerie intarissable sur ce chapitre. Quand à elle, il lui suffisait de constater que la saveur de ce vin lui procurait un ravissement incomparable, une sensation somptueuse de chaleur, d'intrépidité et d'exaltation qui peu à peu gagnait jusqu'à ses orteils, confirmant toutes les vénérables et bizarres maximes qui prêtent au vin des vertus curatives. Un peu pompette, les jambes molles, elle s'entendit vers la fin du repas dire à son pourvoyeur :

- Vous savez, si quelqu'un vit comme un saint, je suis sûr qu'après sa mort c'est ça qu'on fera boire à lui au paradis. "

Le choix de Sophie   William Styron pages 257-258 Gallimard 1981

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commentaires

F
Bon… Tout ça c'est bien beau mais…<br /> Allez ! Voilà 2006 et il va falloir agir. Alors Jacques : une demande. Tu t'es laissé aller à écrire sur ton blog que tu voulais bien reprndre du service, à la demande, pour partager tes réflexions et ton expérience avec qui te le demanderait. Il n'est pas impossible que cela arrive (une demande de rencontre) mais je voudrais te mettre à contribution, auparavant. Imaginons qu'un groupe qui représente, disons, un département, soit 4 millions d'hl, avec des Aoc, des pays d'Oc, des VDT… te demande de l'aider à réfléchir sur une stratégie à mettre en œuvre collectivement : j'aimerais savoir QUELS PREALABLES tu mets à cette rencontre, pour que ce ne soit pas qu'un aimable moment de plus autour du vin. Si des gens viennent te dire :«aidez-nous à réflechir», tu leur diras :«ok, mais… ». Mais quoi ? Quelles sont—à ton avis—les conditions qu'un petit groupe doit remplir pour structurer sa réflexion et son action ? <br />
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