Le temps que nous vivons ne cesse de me fasciner. En effet, nous sommes bordés en permanence, tels des enfants choyés, par des messages dit de santé publique. Dans notre beau secteur nous en savons quelque chose avec la mise en logo d'une femme enceinte sur les étiquettes de notre nectar et sans doute demain - à partir du 31 mai 2009 - la mention "contient du lait" ou "contient du blanc d'oeuf" pour les vins collés avec ces produits. J'adore l'hypocrisie d'Alexander Anton, de la DG Sanco de l'UE qui suggère d'écrire pour ne pas effaroucher le consommateur " ce vin a été clarifié avec du lait comme le veut la tradition..." Ce serait risible si ça n'était pas grotesque car la tradition ne rimait pas toujours avec hygiène. Etant allergique moi-même je ne suis pas contre, à priori,l'information de santé publique mais on n'arrivera pas à me convaincre que tous ces messages soient d'une quelconque efficacité car trop généraux, mal ciblés. Pour moi les messages de santé publique doivent passer en priorité par les médecins généralistes qui, comme tous les praticiens, bénéficient de notre système de SS. Mais ils n'ont pas le temps, ou disons qu'ils ne le prennent pas trop occupés à débiter des ordonnances au mètre.
Ceci étant écrit, ce qui m'amène à chroniquer ce matin c'est la dernière campagne de l'INPES (Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé), du Ministère de la Santé et de l'Assurance Maladie qui nous conseille de mettre la main devant notre bouche lorsque nous toussons. Le slogan est " adoptons les gestes qui nous protègent ". Vraiment, dépenser de l'argent public pour se payer des pages de pub sur papier glacé dans le Nouvel Observateur afin de véhiculer un tel conseil me sidère. Bien sûr on me rétorquera que ces sommes sont epsilonnesques au regard des gouffres abyssaux de notre SS. J'en conviens mais je trouve ça indécent et surtout révélateur de la mise sous le boisseau de la responsabilité individuelle. Les promoteurs de cette campagne ont faux sur toute la ligne : en quoi, par exemple, le lectorat du NO est-il une cible pour ce type de campagne? Sans vouloir ironiser, les populations à risques, celles qui vivent dans des conditions d'hygiène minimales sont rarement abonnées au NO. Pour les abonnés je pense qu'il leur est toujours possible de dispenser ce conseil à leurs enfants sans qu'on leur tienne la main.

Ne m'en veuillez pas si je profite de cette petite chronique jubilatoire pour prôner la mise en avant de la responsabilité individuelle dans notre beau secteur qui adore tant, pour mieux les brûler, les vilipender, ou les contourner pour les plus astuscieux, les règles collectives librement consenties proclame-t-on, votées par la majorité affirme-t-on, et étendues par la puissance publique. Un exemple entre cent : la possibilité d'irriguer, pourquoi en des zônes où le stress hydrique choque le raisin, où l'eau est disponible naturellement, où les règles de l'AOC limitent les rendements, pourquoi interdire cette méthode absolument ? Pourquoi ne pas en prévoir l'éventualité ?La réponse est simple : afin d'éviter les abus, les tricheries et autres petits arrangements on pénalise tout le monde et on se prive d'un moyen qui, dans certaines circonstances climatiques, se révèle qualitatif. On va me pendre haut et court pour discours attentatoire aux dogmes. Je m'en fout tant qu'on ne m'aura pas démontré son inanité. Dans un secteur où l'on passe son temps à mettre en avant la modération pour se défendre face aux hygiénistes il est stupéfiant de constater cette absence de discernement, ce dogmatisme absolu.
Alors que les nouvelles ODG réécrivent leurs textes fondateurs plutôt que d'empiler des pseudos contraintes mal respectées, contrôlées administrativement, tournées par le plus grand nombre, ne serait-il pas plus fructueux de retrouver l'essence même de ce qu'était les AOC à l'origine : un collectif fondé sur la responsabilité personnelle de ceux qui font le raisin et le vin, de ceux qui le vendent. On reproche souvent aux autres la défense de leurs droits collectivement acquis mais en l'espèce n'assistons-nous pas au maintien d'un concessus mou acceptable par le plus grand nombre. Alors que prévoir des exceptions à la règle permet la respiration d'un système, l'exercice de la responsabilité individuelle. Trop de règles tue la règle : dans mon domaine de cycliste urbain il est démontré que lorsque la chaussée est librement partagée entre les usagers, que ceux-ci doivent tenir compte des autres, elle est moins dangereuse pour l'ensemble des usagers que dans un univers surèglementé où, de temps en temps, tombe au hasard de la répression une sanction disproportionnée avec l'infraction : depuis Vélib à Paris ça cartonne sur les cyclistes nouvelles poules aux oeufs d'or des manieurs de contraventions...
* Titre en hommage au sketche célèbre de Fernand Raynaud...