Ce fut dans les années 30 une grande marque d'apéritif. Son étrange patronyme est lié au souvenir qu'avaient de leur ancien métier - marchand ambulant de coupons d'étoffe - les créateurs de cet ABV : Simon et Pallade Viollet. En effet, leurs coupons de tissus étaient traditionnellement référencés avec des lettres : ils tombent donc sur les lettres B.Y.R.R.H et décident de les adopter pour donner un nom à leur apéritif au quinquina. C'était sans doute évocateur pour des catalans mais pour les oreilles habituées à la langue de Shakespeare ça sonnait très beer : dur dur à l'export. La saga de la famille Viollet, liée au succès du Byrrh, se traduira par de fortes dissensions entre héritiers à propos de la stratégie à adopter. C'est la ligne de Simon qui triomphera : on va construire de nouveaux chais pharaoniques qui seront terminés en 1892. Le hall central, oeuvre de Gustave Eiffel : long de 81 mètres et large de 20, permet d'effectuer toutes les opérations de chargement et de déchargement. Grandiose ! A partir de 1930, la construction des fameuses cuves en chêne va être entreprise : une de 4205 hl en 1934, puis l'installation de 70 cuves de plus de 2000hl chacune et, enfin en 1950 la réalisation de la plus grande cuve du monde en bois de chêne : 10 002hl. L'entreprise dispose d'une capacité de stockage de 40.000hl. C'est à Thuir, une ville dans la ville, avec ses 7 ha d'installations, sa gare aujourd'hui désaffectée, un hôpital, un stade... C'est un des sites industriels les plus visité de notre pays: 300 000 visiteurs/an.
Et pourtant au lendemain du 2d conflit mondial l'entreprise va entamer, via sa marque phare, un lent et inexorable déclin. Concurencée à la fois par les VDN qui bénéficiaient - et qui bénéficient toujours pour le premier - d'un privilège fiscal exorbitant et d'un Comité Interprofessionnel issu des lois de Vichy organisant une véritable entente ; et par un autre entreprise, la Compagnie Cinzano-Dubonnet (CDC) qui a su mieux s'adapter au marché qui préfère les vermouths avec les marques Cinzano en France et Dubonnet à l'export, la société va s'endormir sur ses acquis. Elle cesse d'investir et le résultat c'est qu'en 1960 elle ne gagne plus d'argent alors qu'elle s'appuie encore sur un bilan fastueux : des stocks énormes, des disponibilités épaisses et un patrimoine immobilier d'une grande valeur. La CDC absorbe alors la société Violet, liquide le patrimoine immobilier, sauf Thuir et Gennevilliers, et agrège Byrrh à son portefeuille de marque. Bref après de nouvelles fusions, en 1977, la holding Pernod-Ricard se trouve majoritaire au sein de la CDC. Enfin, c'est en 1978, que l'établissement de Thuir est annexé à Cusenier qui est, si mes souvenirs sont bons, maintenant dans l'escarcelle de marques de Pernod. La messe est dite.
Si ce matin je chronique sur la marque Byrrh c'est parce que, au hasard de mes pas de chineur, j'ai retrouvé un petit opus des établissements Violet Frères, datant de l'entre-deux guerres, au titre choc : Quelques Vérités. Outre ces quelques vérités, consistant à démontrer que les apéritifs à base de vin étaient meilleurs pour la santé que ceux à base d'alcool et que les ABV rouges, comme le Byrrh, étaient de meilleure qualité que les blancs, la maison de Thuir après avoir répondu à la question : D'où vient le Byrrh et expliqué son élaboration, montre son importance pour la prospérité de la région et du pays, et souligne qu'elle est un élément du rayonnement français. Cependant, la rubrique que je vais reproduire ici : Byrrh au point de vue social est intéressante à plus d'un titre, couplet médicalo-patriotique tout d'abord, mais surtout dans le contexte mondialisé que nous vivons elle pose, avec le beau parfum paternaliste de l'époque, le problème de la pérennité de nos systèmes sociaux avancés. Enfin, moi qui fut médiateur des VDN dans le beau département des Pyrénées-Orientales que n'ai-je alors entendu d'affirmations péremptoires sur le thème : les marques de Porto ont tué les Vins Doux Naturels ! j'ai toujours une certaine tendance à penser que la réalité n'est jamais aussi simpliste. Mais je ne m'aventurerai pas sur ce terrain mouvant car j'ai suffisamment donné lors de mes auditions salle PAMS à Perpignan.
Pendant la Grande Guerre 1914-1918, il a servi une allocation pécuniaire à chaque famille de son personnel mobilisé, pour lui permettre de vivre en attendant le retour glorieux du soldat.
Puis, il a expédié plus de 100.000 bouteilles directement et gratuitement dans les hôpitaux où étaient soignés les blessés, afin de hâter leur convalescence.
Cette initiative lui a valu les remerciements de centaines et de centaines de médecins qui, dans leurs lettres, vantaient les résultats obtenus grâce au Byrrh.
Depuis 1921, alors que l'Etat ne se préoccupait pas encore du sort des travailleurs, Byrrh a institué pour son personnel, SANS AUCUNE CHARGE POUR CE DERNIER, de nombreuses mesures de bienveillance en plus des augmentations de traitement : INDEMNITE DE VIE CHERE, qui suivit le graphique de la hausse du coût de la vie, SURSALAIRE FAMILIAL pour le personnel marié, ALLOCATION MENSUELLE par enfant, INDEMNITE DE NAISSANCE, INDEMNITE DE DECES (cette dernière est accordée même pour les ascendants), CONGE DE COUCHE PAYE, CONGE ANNUEL PAYE pour tout le personnel employé et OUVRIER ; enfin RETRAITE PAYEE à chaque membre du personnel mis au repos. Cette retraite atteint facilement les 50% DES EMOLUMENTS payés en période d'activité.
Le sommes payées par BYRRH, sous ces différentes rubriques, atteignent PLUSIEURS DIZAINES DE MILLIONS depuis leur institution."