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13 décembre 2007 4 13 /12 /décembre /2007 00:01

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Ce fut dans les années 30 une grande marque d'apéritif. Son étrange patronyme est lié au souvenir qu'avaient de leur ancien métier - marchand ambulant de coupons d'étoffe - les créateurs de cet ABV : Simon et Pallade Viollet. En effet, leurs coupons de tissus étaient traditionnellement référencés avec des lettres : ils tombent donc sur les lettres B.Y.R.R.H et décident de les adopter pour donner un nom à leur apéritif au quinquina. C'était sans doute évocateur pour des catalans mais pour les oreilles habituées à la langue de Shakespeare ça sonnait très beer : dur dur à l'export. La saga de la famille Viollet, liée au succès du Byrrh, se traduira par de fortes dissensions entre héritiers à propos de la stratégie à adopter. C'est la ligne de Simon qui triomphera : on va construire de nouveaux chais pharaoniques qui seront terminés en 1892. Le hall central, oeuvre de Gustave Eiffel : long de 81 mètres et large de 20, permet d'effectuer toutes les opérations de chargement et de déchargement. Grandiose ! A partir de 1930, la construction des fameuses cuves en chêne va être entreprise : une de 4205 hl en 1934, puis l'installation de 70 cuves de plus de 2000hl chacune et, enfin en 1950 la réalisation de la plus grande cuve du monde en bois de chêne : 10 002hl. L'entreprise dispose d'une capacité de stockage de 40.000hl. C'est à Thuir, une ville dans la ville, avec ses 7 ha d'installations, sa gare aujourd'hui désaffectée, un hôpital, un stade... C'est un des sites industriels les plus visité de notre pays: 300 000 visiteurs/an.

 
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Et pourtant au lendemain du 2d conflit mondial l'entreprise va entamer, via sa marque phare, un lent et inexorable déclin. Concurencée à la fois par les VDN qui bénéficiaient - et qui bénéficient toujours pour le premier - d'un privilège fiscal exorbitant et d'un Comité Interprofessionnel issu des lois de Vichy organisant une véritable entente ; et par un autre entreprise, la Compagnie Cinzano-Dubonnet (CDC) qui a su mieux s'adapter au marché qui préfère les vermouths avec les marques Cinzano en France et Dubonnet à l'export, la société va s'endormir sur ses acquis. Elle cesse d'investir et le résultat c'est qu'en 1960 elle ne gagne plus d'argent alors qu'elle s'appuie encore sur un bilan fastueux : des stocks énormes, des disponibilités épaisses et un patrimoine immobilier d'une grande valeur. La CDC absorbe alors la société Violet, liquide le patrimoine immobilier, sauf Thuir et Gennevilliers, et agrège Byrrh à son portefeuille de marque. Bref après de nouvelles fusions, en 1977, la holding Pernod-Ricard se trouve majoritaire au sein de la CDC. Enfin, c'est en 1978, que l'établissement de Thuir est annexé à Cusenier qui est, si mes souvenirs sont bons, maintenant dans l'escarcelle de marques de Pernod. La messe est dite.

 


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Si ce matin je chronique sur la marque Byrrh c'est parce que, au hasard de mes pas de chineur, j'ai retrouvé un petit opus des établissements Violet Frères, datant de l'entre-deux guerres, au titre choc : Quelques Vérités. Outre ces quelques vérités, consistant à démontrer que les apéritifs à base de vin étaient meilleurs pour la santé que ceux à base d'alcool et que les ABV rouges, comme le Byrrh, étaient de meilleure qualité que les blancs, la maison de Thuir après avoir répondu à la question : D'où vient le Byrrh et expliqué son élaboration, montre son importance pour la prospérité de la région et du pays, et souligne qu'elle est un élément du rayonnement français. Cependant, la rubrique que je vais reproduire ici : Byrrh au point de vue social est intéressante à plus d'un titre, couplet médicalo-patriotique tout d'abord, mais surtout dans le contexte mondialisé que nous vivons elle pose, avec le beau parfum paternaliste de l'époque, le problème de la pérennité de nos systèmes sociaux avancés. Enfin, moi qui fut médiateur des VDN dans le beau département des Pyrénées-Orientales que n'ai-je alors entendu d'affirmations péremptoires sur le thème : les marques de Porto ont tué les Vins Doux Naturels ! j'ai toujours une certaine tendance à penser que la réalité n'est jamais aussi simpliste. Mais je ne m'aventurerai pas sur ce terrain mouvant car j'ai suffisamment donné lors de mes auditions salle PAMS à Perpignan. 

 

" Byrrh, au point de vue social, est également un précurseur.
 

Pendant la Grande Guerre 1914-1918, il a servi une allocation pécuniaire à chaque famille de son personnel mobilisé, pour lui permettre de vivre en attendant le retour glorieux du soldat.

Puis, il a expédié plus de 100.000 bouteilles directement et gratuitement dans les hôpitaux où étaient soignés les blessés, afin de hâter leur convalescence.

Cette initiative lui a valu les remerciements de centaines et de centaines de médecins qui, dans leurs lettres, vantaient les résultats obtenus grâce au Byrrh.

Depuis 1921, alors que l'Etat ne se préoccupait pas encore du sort des travailleurs, Byrrh a institué pour son personnel, SANS AUCUNE CHARGE POUR CE DERNIER, de nombreuses mesures de bienveillance en plus des augmentations de traitement : INDEMNITE DE VIE CHERE, qui suivit le graphique de la hausse du coût de la vie, SURSALAIRE FAMILIAL pour le personnel marié, ALLOCATION MENSUELLE par enfant, INDEMNITE DE NAISSANCE, INDEMNITE DE DECES (cette dernière est accordée même pour les ascendants), CONGE DE COUCHE PAYE, CONGE ANNUEL PAYE pour tout le personnel employé et OUVRIER ; enfin RETRAITE PAYEE à chaque membre du personnel mis au repos. Cette retraite atteint facilement les 50% DES EMOLUMENTS payés en période d'activité.

Le sommes payées par BYRRH, sous ces différentes rubriques, atteignent PLUSIEURS DIZAINES DE MILLIONS depuis leur institution."

 

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commentaires

L
<br /> Bonjour.J'ai lu un de vos article concernant BYRRH.Vous precisez que ce mot provient du fait que les deux freres etait marchands de tissus et que ces lettres apparaissaient sur les colis qui leur<br /> etaient livrés.J'ai pour ma part ,toujours entendu dire que cette appellation avait été créée en prenant les initiales des prénoms des enfants VIOLET.Merci de bien vouloir me répondre.Sinceres<br /> salutations.Philippe<br />
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C
bonjour<br /> nous sommes la cave coopérative Les Vignerons de la Tautavelloise à Tautavel, ancienne cave BYRRH et je voudrai savoir ou vous avez obtenus les dessins des caves que vous présentez dans votre blog. Nous aimerions en avoir une de Tautavel. Merci de votre réponse. Cordialement.
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L
C’est avec une approche plus émotive que j’interviens, étant de toute éternité une féale consommatrice de Byrrh.Evidemment, quand il m’arrive de commander un Byrrh au bistrot (hors des P.O. s’entend) :§          soit le serveur _couvert de piercing_ me regarde avec des yeux de gobi et se demande s’il s’agit d’un cocktail « Affligem-téquila-cerise »,§         soit le serveur _grisonnant_ s’interroge sur mon âge, car la dernière fois qu’il en a servi, c’était à la grand-mère de son patron en 1982…Et quand j’en propose chez moi au détour d’un apéro estival et caniculaire, il y a toujours quelques remarques amusées et bienveillantes « Ouha, ça existe encore ?! ». Et oui, encore. Et avec une distribution numérique qui en ferait pâlir plus d’un : quasiment toute la GMS de la façade méditerranéenne en fournit, autour de 8,5 €/l.Enfin, je conseille à qui-nen-veut la visite des établissements de Thuir, non pas qu’elle soit fabuleusement animée par les hôtesses robotisées, mais on ne peut rester insensible au charme suranné de ces grands équipements, à la démesure des alignements de foudres et à la pérennité des vieilles mécaniques au chai. Et puis on peut terminer la visite par une véritable remontée dans le temps en dégustant Bartissol, Dubonnet, Ambassadeur, Vabé et autres gourmandises désuètes, inégales mais enrichissantes d’un point de vue historico-organoleptique. Enfin, j’en profite chaque fois pour ramener une paire de Byrrh Rare Assemblage en carafe (18 €), que j’offre de temps en temps aux fins gourmets de ma connaissance (d’ailleurs, si tu passe par chez moi autour de Noël…) Bref, la nostalgie ne nourrit pas son Byrrh, c’est certain. Mais à part ce nom calamiteux pour l’export, lorsque P-R a mis en vente il y a deux ou trois ans, je me suis prise à rêver qu’un illuminé pas trop dans le besoin relancerait la marque… J’attends encore ce prince charmant de l’ABV ; je ne perdrai pas espoir ;) ! Allez, pour finir, tu veux que je te révèle la plus grande qualité de ma belle-mère ?C’est qu’en plus de mitonner des boules de picoulats enchanteresses et des anchois méphystotéliques,  elle ne supporte pas qu’une bouteille de Byrrh reste ouverte plus de 48 heures « sinon elle se gâte… eh ! » PS. J'aimerais bien qu'un jour tu nous repreignes la grande fresque des VDN et du fameux privilège. Si le coeur t'en dit.
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H
Cher Jacques, le plus drôle, c'est que ce n'est surement pas le Porto qui a tué Byrrh mais... le Pastis. Ca coute dix fois mois cher à produire et, en plus, ce n'est lié à aucun caprice de producteurs, de météo ou de saison : une belle machine, de l'alcool et en voiture simone pour produire autant que la demande le veut, boosté par un marketing efficace et un effet désaltérant. Et quand on est propriétaire des deux marques, le choix est vite fait... Espérons qu'un jour Pernod-Ricard vendra tout cela et qu'un cadre dynamique redonnera un peu de lustre à cette marque dont le potentiel est encore immense...
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J
Cher Hervé,Byrrh est un ABV, comme je le dis dans mon article son déclin est antérieur à l'arrivée de PR et ce sont les VDN et leur privilège fiscal qui l'ont concurrencé en tirant les prix vers le bas. Le reproche fait au Porto étant d'avoir tué les VDN : la roue tourne. Quand au pastis c'est une autre histoire avec une autre grande marque de VDN : Bartisssol...JB
T
Au risque des foudres des tenants de l'orthodoxie, en découvrant les terroirs magnifiques des PO, je me suis toujours demandé le pourquoi de l'existence des VDN où le mot naturel, si cher aux vignerons de ce Sud est pour le moins mal employé, alors qu'il est possible d'obtenir des vins rouges magnifiques et des blancs doux sans ajout d'alcool industriel quelconque.
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