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28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 00:01

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Sur le plateau d'Arte, lors d'une récente émission sur la bouffe, Michel Leblanc, l'auteur du livre qui m'a servi de titre à ma chronique de ce matin, en bon communicant qu'il est, c'est son métier, animé par un ras-le-bol qui ne paraissait pas feint, se voulait le porte-parole des agriculteurs et de l'agro-industrie pour dire, par le truchement d'une lettre à sa fille : " J'aime mon boulot, comme toutes les femmes et les hommes qui travaillent pour et autour de l'agriculture et je peux t'assurer qu'aucun d'entre eux n'oeuvre dans le but d'empoisonner les gens, de casser les paysages ou d'assassiner les abeilles ! " Je lui ai trouvé du panache, du courage même lorsqu'il assumait l'accusation d'être à la solde des patrons de l'agriculture industrielle, et comme les thèmes qu'il aborde méritent bien plus que des anamathèmes jetés d'un camp à l'autre et que Vin&cie est un espace de liberté, j'ai trouvé tout naturel de faire état de son livre. Avant d'en citer un extrait, un mot sur le cursus de l'auteur tel qu'il est livré par son éditeur : " Michel Leblanc anime depuis vingt ans le club européen "Agricultures&Sociétés" et dirige Ceforex, dans sa région du Nord-Pas-de-Calais, une agence européenne de communication, de formation et de conseil. Ancien paysan et dirigeant syndical, il a déjà publié L'agriculteur, la putain et le député et quand une jacquerie finit à l'Elysées." Pour ma part je signale que le livre, publié au Cherche Midi, l'est dans la collection Terra et que celle-ci est liée à l'association éponyme Terra présidée par Luc Guyau mon voisin de banc de l'école d'agriculture de la Mothe-Achard qui fut président de la FNSEA et qui l'est de l'APCA aujourd'hui.

Nostalgie quand tu nous tiens

" La scène se déroule à Toulouse dans l'un de ces salons où l'agriculture aime s'afficher. Lors de ce genre de manifestations, les édiles de la République ne sont jamais très loin. Le président de la région * fait la tournée des stands. Invité par les producteurs de porcs les plus modernes, il préfère s'attarder chez les "traditionnels" éleveurs de porcs noirs de Bigorre, vieille race locale, en train de renaître grâce à la passion d'une cinquantaine d'agriculteurs. Vivant en liberté, ces cochons gras grossissent lentement et fournissent un jambon à se pâmer. Peu de consommateurs auront la chance de croiser l'un de ces jambons, de qualité exceptionnelle. En comptant huit porcelets par mère, et deux portées par an, les cinquante producteurs de porcs noirs de Bigorre n'ont que 8000 jambons à proposer. Insuffisant pour régaler les soixante-deux millions de consommateurs français.
    Les autres, les "modernes", produisent sur l'ensemble du territoire vingt millions de porcs. Standard ou label rouge, sous forme de côtelettes ou de filets mignons, transformée en jambon cuit ou en saucisson, cette production représente environ trente-sept kilos par habitant. Pourtant, le président passera beaucoup de temps avec les porcs noirs de Bigorre, persuadé d'être en phase avec son époque et probablement son électorat. Il préfère, semble-t-il, la "tradition" à la modernité. Imagine-t-on le même président de région bouder le lancement de l'A380 pour assister au congrès français des avions miniatures ?
     Il est vain d'opposer ainsi les modernes et les anciens, les professionnels et les amateurs, alors qu'ils constituent, ensemble, la diversité de la production porcine. Nous sommes en pleine démagogie.
       Et pour trouver une illustration encore plus éloquente de ce type d'attitude, il suffit d'observer le Salon de l'Agriculture qui se tient chaque année porte de Versailles. Dans ce que les journalistes ont coutume d'appelerla plus grande ferme de France, le citoyen consommateur, telle une Catherine de Russie visitant ses provinces, est invité à découvrir une agriculture de carte postale. Une agriculture bucolique où la nostalgie le dispute à l'angélisme, où les vaches aux sabots plus lustrés que les souliers vernis d'une première communiante regardent passer les suites présidentielles.
      Une fois éteints les feux de la rampe, l'agriculture, la vraie, reprend ses droits, à des années-lumière des saynètes versaillaises et des safaris politiciens. Mais décrire cette agriculture moderne, telle qu'elle est, c'est déjà désanchanter ceux qui croient que le bonheur pousse naturellement dans le pré. L'expliquer, c'est agresser ceux qui prospèrent sur l'engrais du fantasme d'un monde paysan éternel et d'une nature angélique. Seulement, en parler revient à contester ceux qui font croire que la modernité, et par conséquent notre avenir, se résume à une longue énumération de dangers pour l'homme, et maintient le consommateur dans l'angoisse de perdre ses repères et de se faire contaminer.
      Mais quand va-t-on enfin dépasser tout cela ? "
* Martin Malvy

Bonne question monsieur Leblanc, ensuite vous faites le tour de la page 29 à la page 188, avec un certain bonheur, de toutes les peurs : peur de se nourrir, peur de s'empoisonner, peur de grossir, peur de la modernité, peur de la science, peur du vivant, peur de la diversité. C'est pertinent, enlevé, juste souvent, mais vous effleurez, survolez, emballé c'est pesé en quelques pages, au nom sans doute du caractère grand public c'est du light, très dossier com, sans verser dans le sabir chercheur les sujets méritaient d'être un peu plus nourris, charpentés. Déçu, je suis déçu par la superficialité, très Jean-Luc Delarue, vous êtes plus à l'aise à l'oral qu'à l'écrit monsieur Leblanc, bon avocat certes mais le traitement de fond de vos dossiers laisse à désirer. Le reste de votre livre de la page 192 à la page 229 : les engagements pour l'Europe et pour une nouvelle agriculture sont du même tonneau : un léger souffle dans les branches de sassafras. Les quelques pages, à peine 8, consacrées à notre nectar : les machines à vendanger, et la France créa le vin, le Nouveau Monde en embuscade, et délit de faciès sont à l'image des remarques ci-dessus, au-dessous du minimum syndical. Sur le fond du dossier, pour m'en être souvent entretenu en son temps avec Luc Guyau et d'autres dirigeants je reste persuadé que la mauvaise image de l'agriculture et des agriculteurs n'est pas seulement le fait de ses détracteurs les plus acharnés et les plus vindicatifs mais aussi le produit de l'incapacité des grandes organisations professionnelles agricoles de sortir de leur attitude corporatiste : l'unité paysanne, de leur refus de l'anticipation des nécessaires réformes de la PAC, de leur sur-place lié aux difficiles arbitrages entre productions et régions : la gestion d'image désastreuse des aides compensatoires grandes cultures. Quand on a passé comme moi plus de 10 ans, à divers niveaux de responsabilités, au 78 rue de Varenne, entre le marteau et l'enclume, les réformes de la PAC, le GATT, Blair House, une crise de listéria, la vache folle, les calamités agricoles...etc je puis vous assurer, monsieur Leblanc, qu'en dépit de vos talents de communiquant, long est le chemin à parcourir pour que vos ouailles soient en mesure de convaincre le grand public que ce que vous dites avec passion, pertinence parfois, est la réalité pour qu'il puisse enfin accéder à une information qui lui ferait abandonner, et ses images d'Epinal et ses peurs. Après tout ce grand public est constitué de l'agrégation de vos clients, alors, s'ils sont dans un tel état c'est que l'ouvrage n'est pas bien fait monsieur Leblanc.  

 

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commentaires

G
Soyons plus précis:la cogestion depuis plusieurs décennies de l'agriculture entre les pouvoirs publics et LE syndicat agricole majoritaire nous a en grande partie amenée à cette impasse.Les uns demandant aux autres l'approvisionnement en abondance et au moindre cout de matieres premières agricoles(et aussi d'etre le bon gardien de l'electorat des champs) et les autres demandant aux uns....euhhhhhh.....quelle était la contrepartie au fait?Ah oui,des places bien chaudes sous les lambris dorés de la république....Alors,nous avons été les bons élèves,avec tous les excès qui en découlent:intensification,concentration des exploitations,pollution....Et j'évoquerai à peine limpact de la PAC pour gérer les sois disant excédents...Quinze ans après,Il est risible de voir l'affollement actuel de notre chère Mariann qui à tour de bras veut faire sauter les droit s de douane,supprimer les quotas laitiers,remettre en culture les jachères....Y aurait-il le feu à la maison?Ils ne récoltent que ce qu'ils ont semé...Alors,arretons de balader le consommateur:la nourriture en abondance et bon marché,c'est fini!Le tout bio,bon et pas cher avec une population mondiale qui explose, le foncier agricole qui se raréfie( avec l'urbannisation) et les aléas climatiques que l'on nous promet (dus au réchauffement planétaire) et ben moi,vu d'en bas là ou je suis,FAUDRA QU'ON M'EXPLIQUE!!Voilà,c'est du très" brut de décoffrage",mais je crois que ça résume un peu le désarroi de bon nombre de Paysans.Amitiés
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S
Je me permets d'attirer d'éventuelles attentions sur la conclusion : "Après tout ce grand public est constitué de vos clients, alors, s'ils sont dans un tel état c'est que l'ouvrage n'est pas bien fait Monsieur Leblanc". Je pense que ces quelques mots résument bien les difficultés actuelles de l'agriculture fraçaise qui, de mon point d evue, préfère systématiquement la communication à l'information avec les risques de "retour de flame". Elle oublie trop souvent que citoyen (et payeur d'impôts), consommateur, promeneur... sont une seule et même personne !
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