* cette lettre est une réponse légère au commentaire de Gus à propos de ma chronique de vendredi dernier : Zoé http://www.berthomeau.com/article-13652470-6.html#anchorComment
Cher Gus,
Rêver pour le compte d'autrui
n'est pas envie
mais pour moi inventer la vie
de ceux qu'on aime,
pas pour de vrai mais pour de rire,
au détour d'une phrase
ou d'une petite pensée cultivée dans mon petit jardin d'intérieur...
Quand j'étais petit et enfant de choeur en soutane rouge et surplis empesé maman rêvait, elle me l'a dit, que je devinsse curé doyen d'une belle paroisse et, pour parodier un autre Jacques - Séguéla - ne dites pas à ma mère que je suis dans la fonction publique elle me croît, du ciel où elle est, marchand à la sauvette sur la toile...
Mon père, lui, qui officiellement ne pouvait être un rêveur vu, qu'en ce temps-là, pour un homme de la terre ça ne se faisait pas, quand il écoutait dans un silence absolu les "attendez-vous à savoir..." de Geneviève Tabouis sur Radio-Luxembourg, secrètement rêvait de voir son petit dernier faire de la politique. Alors ne lui dites pas que je suis dans la fonction publique, il croît, lui aussi de là haut, que j'ai été un peu "Vice-Ministre" * sur les bords.
Et moi, pendant ce temps-là, rêveur précoce en culotte courte je nourrissais le secret espoir de devenir reporter sportif à la radio, comme Georges Briquet, alors ne me dites pas que je suis dans la fonction publique parce je crois, faites-moi cette confiance, que je suis un curé sans paroissiens.
Plus sérieusement, mon cher Gus, dans ma Vendée natale, au cours des années baptisées par les économistes les 30 Glorieuses - même si pour la plupart des Français elles n'ont été ni plus ni moins que des années d'efforts où, après les privations de l'occupation, ils espéraient que la vie serait meilleure pour leurs enfants - les fils de paysans surtout, les filles, elles, continuaient de se gager comme bonnes ou de se trouver un mari qui ne soit pas paysan, pour échapper à leur rude condition mal payée : aide familial qu'on disait, s'en furent massivement vers les chemins de fer, les postes ou l'ed ou autres services publics. Pas vraiment des fonctionnaires car pour accéder au statut de la Fonction Publique il fallait passer un concours et souvent l'instruction manquait. Au pays, lorsqu'ils revenaient, ceux qui étaient restés les considéraient comme des privilégiés. Ils avaient une bonne place : l'emploi à vie et la perspective d'une retraite. Certes les temps ont changé mais il n'en reste pas moins vrai que, dans notre pays, chez nos voisins aussi, l'emploi public, parce qu'il est rémunéré par l'impot, n'a pas très bonne presse, même si beaucoup de nos concitoyens, quoi de plus normal en ce temps de chomage des jeunes, en rêvent pour leurs enfants.
Pour autant, moi qui ne suis pas vraiment fonctionnaire, lorsque je rêve que la Zoé, qui aime tant les poupées, puisse un jour choisir le métier de vigneronne c'est parce je sais que c'est un beau métier avec ses joies, ses peines, ses incertitudes, ses difficultés mais aussi ses satisfactions. Alors, cher Gus, laissons de côté l'opposition facile entre le pauvre paysan versus Fernand Reynaud et le fonctionnaire héritier de messieurs les ronds de cuir cher à Courteline pour en venir à la seule chose qui vaille : réussir sa vie personnelle et professionnelle. Je ne suis pas le meilleur juge pour la mienne mais, pour ce qui de mon travail, j'ai eu la chance de choisir, d'exercer des métiers différents, de mettre mes convictions à ce j'estimais être le bien commun, bref je suis un privilégié qui ne trouve pas que l'herbe soit plus verte dans le pré de ses voisins même si en l'occurence, s'agissant des vignes de mon ami Marc, pour quelques arpents je ne dirais pas non.
Merci, cher Gus, de votre fidélité de lecteur et si un jour nous nous croisons nous trinquerons à la convivialité et ferons un petit bout de conversation. Avec mes sentiments les meilleurs.
Jacques Berthomeau
* Pièces jointes : lire le surlignage en jaune