Dans le cadre du 90 ième anniversaire de la Révolution d'octobre 1917, qui curieusement se déroula en novembre, je vous offre deux textes, l'un sérieux qui explique la dérive sanglante, la sclérose sociale, l'inefficacité économique d'un système bureaucratique fondé sur une nomenklatura issue d'un parti unique, l'autre caustique sur les travers de cette nomenklatura dans les partis frères...
Le premier de Victor Serge écrit en 1937 :
" Ce qu'il faudra souligner inlassablement, c'est que depuis une bonne dizaine d'années, en ce qui concerne la Révolution russe, les mots : chefs, partis, Soviets, masses ont tout à fait changé de sens, arrivant en somme à signifier le contraire de ce qu'ils signifièrent dans les grandes années d'espérance et de victoire. Il a fallu refaire laborieusement toute l'histoire des débuts et ce n'est pas fini. Au moment de l'insurrection d'Octobre (novembre en nouveau style russe), les chefs ne sont que les premiers, les plus écoutés et les plus dignes des militants, le parti bolchevick est l'organisation qui exprime le mieux le sentiment populaire. De là, sa popularité et l'efficacité de son action."
Le second de Maria-Antonnietta Macciocchi en 1983 :
" Dans le palazzo du Parti, couleur rouge foncé, situé juste en face d'un collège de jésuites, il y avait un ascenseur pour les chefs, qu'on prenait en entrant par la grande porte, et qui était ouvert par les mains diligentes des "camarades huissiers". Puis, il y avait l'ascenseur pour la "base", grinçant, craquant, et souvent en panne : là entraient les cadres moyens, les "employés révolutionnaires". Dans le premier se rencontraient les plus hauts dirigeants, il était donc entouré d'un personnel qui nous empêchait d'y monter, maintenant ainsi le juste écart entre base et sommet. A travers cette histoire d'ascenseurs, qu'on retrouve telle quelle place du Colonel-Fabien, je voudrais faire comprendre que dans les partis communistes tout "sent la Russie", tout est Kremlin, tout est Nomenklatura. A propos d'ascenseurs, en 1968, on criait : "Ne prenez pas l'ascenseur, prenez la Révolution !", et c'était le slogan qui faisait le plus "tourner la boule" au rédacteur en chef de l'Humanité ; Andrieu expliquait alors que ces jeunes étaient tous "tapés".