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14 octobre 2007 7 14 /10 /octobre /2007 00:03


En descendant l'escalier métallique accolé à la guérite vitrée de Grabowski qui surplombait l'atelier je ne pouvais m'empêcher de repenser à la pompe et aux dorures du grand bureau de la place Beauvau où j'avais été reçu, la veille, avec un mélange étrange de crainte et d'attentions, comme si ces messieurs en costume noir trois pièces sur chemise blanche me prenaient pour une espèce de jeune fauve qu'ils souhaitaient dompter sans le brusquer. Paradoxalement, le plus jeune, celui qui arborait un air de supériorité vis-à-vis des deux autres, me parut le plus fragile. Il conduisit l'entretien dans une langue choisie, presque précieuse, extérieure aux codes de la grande maison. Quand l'huissier m'avait introduit dans l'immense bureau lambrissé trois hommes se tenaient debout près d'une porte-fenêtre, mains derrière le dos, et semblaient mettre au point les derniers détails du scénario qu'ils allaient me vendre. Pendant un instant, je restai planté en retrait, attendant qu'ils daignent s'intéresser à moi. Ce sont les yeux clairs du plus grand, celui qui me parut le plus jeune, que je croisai en premier. Ils soutinrent mon regard, sans ciller, mais je les ressentais interrogatifs, comme s'ils doutaient de moi, de mon air de looser propre sur lui.

Lui, avec son costume bien coupé, m'apparaissait élégant, raffiné, les deux autres, rablés et frustres, devaient se fournir chez Armand Thierry, et lorsqu'il fit mouvement pour aller s'installer derrière un bureau Empire, sa démarche ondoyante, en dépit de sa volonté de paraître aussi constipé que les deux pandores endimanchés qui m'observaient à la dérobée, lui donnait une allure de dandy décadent. Avant de s'asseoir, il m'invitait, d'un geste un peu théâtral, à prendre place dans un fauteuil encadré par deux de ses frères jumeaux. Précautionneusement je m'y posais sur la pointe des fesses. Dans le même mouvement, ceux qu'il me présentât comme les directeurs de la DST et des RG, m'encadrèrent. Toute cette mise en scène me paraisssait ridicule. Par avance je savais ce qui m'attendait car le commissaire divisionnaire Graziani, mon recruteur, avec l'onction d'un vieux chanoine pédophile, et la rouerie du Corse s'adressant à un fils de bouseux continental, m'avait largement mis au parfum. De choix, je n'en avais pas eu. La souricière parfaite, sans échappatoire, restait à me convaincre de jouer vraiment le jeu d'un agent dormant. Graziani usa de toute la panoplie des bassesses en usage dans la grande maison. Ce qui me mettait en joie car, si ce con, au lieu de me la jouer classique, m'en avait tout bêtement la proposition, comme ça, sans tout ce cinéma, j'aurais accepté sans hésiter une seule seconde. J'étais mûr pour me vautrer dans la basse police.

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