"Cherche d'urgence raisins murs et sains... Toute origine... Toute provenance... " Dans le vignoble méridional, on me dit que nul besoin d'une telle annonce pour que le marché des raisins à roulettes soit ouvert. Il l'est m'assure-t-on ! La demande existe, donc, on m'affirme qu'il ne reste plus qu'à trouver des offreurs. Ceux-ci existent aussi me précise-t-on. Ils sont depuis quelques années à la ramasse, trésorerie exangue, proches de jeter l'éponge. Qui pourrait leur reprocher de succomber aux sirènes d'un prix qui leur semble rémunérateur après les temps de vaches maigres ? Pas moi bien sûr, même si ces cépages auraient sans doute trouvé preneur à des prix encore plus rémunérateurs dans un marché qui va se tendre. Si tant est que ce phénomène existe, le problème ne se situe pas à leur niveau mais à celui de l'ensemble du système de cloisonnement juridique de notre vignoble où, pour que le vin vienne de là où il dit venir, son origine contrôlée - si les mots ont encore un sens - il faut que le raisin qui a fait ce vin soit récolté dans la zone délimitée. C'est la règle de l'AOC. Dans d'autres produits d'AOC, comme ça été le cas pour le Roquefort un temps où une partie du lait de brebis venait de Corse, le procédé de fabrication et " d'élevage" prévalent sur l'origine de la matière première. Pour le vin, sans être mauvaise langue, c'est la règle honnie par les cnaociens de stricte obédience, des 80/20. Tout ça pour dire, et je l'ai déjà écrit en 2001, que comme la pile Wonder, les grands principes fondateurs ne s'usent que si l'on s'en sert pour les tourner, les tordre, et que comme le disait le cardinal de Retz " on ne sort jamais de l'ambiguïté qu'à son détriment. "
Certains m'objecteront qu'il s'agit d'une pure rumeur sans fondement, et qu'au pire il ne s'agit que d'un phénomène marginal, sans effet sur l'authenticité de l'origine de la plus grande part de nos vins d'AOC et qu'en chroniquant sur ce sujet je me fais le véhicule de ragots qui nuisent gravement à la réputation du vignoble français. Je veux bien en convenir mais si, après un petit débat interne, j'ai pris le risque d'en parler, c'est que cette rumeur parvient à d'autres oreilles que les miennes. Des oreilles plus ou moins bien intentionnées, des oreilles bruxelloises, des oreilles de grands concurrents, des oreilles de journalistes... et le mal est fait. Ces achats, s'ils existent bien sûr, sont souvent fait pour la bonne cause : assurer la continuité du produit, en qualité, en quantité, afin de ne pas se retrouver en rupture. La vie économique est sans pitié. Les marchés difficiles à conquérir, faciles à perdre aussi, et chacun essaie de se "débrouiller" dans le maquis des vins de papier pour satisfaire ses acheteurs. Mon propos de ce matin n'a pas de visée morale et encore moins répressive - il existe des services officiels - mais de stricte opportunité dans le débat ouvert par nos amis de Seve. Leurs propositions, comme celles de Cap 2010 de segmenter le marché, en tenant compte à la fois des principes et des réalités économiques et commerciales des uns et des autres, permettraient de régler cette question des raisins qui voyagent - où les vins faits avec - en pleine lumière, sans risque, ni rumeur. Avec les errements climatiques les accidents sont prévisibles, il serait temps d'en tenir compte. Prévention vaut mieux que répression. Dans les archives de Châteauneuf-du-Pape j'ai lu que la délimitation de la zone avait eu pour objectif premier d'empêcher les négociants bourguignons de faire leurs courses là-bas et d'opérer la transmutation d'origine. L'histoire, chers lecteurs, n'est qu'un éternel recommencement...
tchoo 07/09/2007 08:30
tchoo 06/09/2007 15:37
JACQUES BERTHOMEAU 06/09/2007 17:18