J'aurais pu titrer ma chronique : " Du pain, du vin et des clanpins..." mais j'ai préféré pour une fois faire dans le sérieux qui sied à nos grands experts qui prévoient tout, sauf les mauvaises récoltes...
" Pour la troisième année consécutive, la récolte française de céréales à paille(blé, orge, avoine...) sera décevante. Alors que les moissons sont quasiment terminées, la plupart des producteurs font grise mine. En juillet, le Ministère de l'agriculture tablait encore sur 34?7 millions de tonnes de blé tendre. " Finalement, la production devrait tourner autour de 32,5 millions de tonnes, soit un recul de 2,5% par rapport à 2006, qui avait déjà été une mauvaise année" détaille Pierre Behal, porte-parole de L'ONICG..." Principale explication : les caprices de la météo, en 2006 la vague de chaleur de fin juin avait grillé la récolte sur pied. Cette année, trop de pluie après un mois d'avril chaud et sec, le printemps et l'été ont été froids et humides, ce qui a nui au remplissage des grains. Ces phénomènes météo ne touchent pas seulement la France, 5ième producteur mondial, mais aussi les pays du nord de l'Europe frappés par des pluies abondantes, l'Australie et l'Ukraine en proie à des sécheresses historiques. Autre raison : la consommation progresse dans les pays émergents, comme l'Inde et la Chine, où les classes moyennes adoptent les habitudes des consommateurs occidentaux. Depuis trois ans, la production mondiale est inférieure à la consommation. Les stocks de blé sont au plus bas " dans l'UE, ils ne représentent plus que 2,5 mois de consommation" Bien sûr, les prix flambent : le "rendu Rouen", référence du prix du blé tendre, a bondi de 86 % en un an pour atteindre 229 euros. Si l'on rajoute à ces tendances l'essor rapide des bio-carburants, qui diminuent les surfaces consacrées à l'alimentation, on peut estimer qu'à moyen terme le phénomène est durable.
Vous allez me dire, qu'est-ce que ça à voir avec le vin vos histoires sur le marché mondial du blé ? Essentiellement une constation : l'incapacité des services de la Commission de l'UE d'anticiper les grandes tendances des marchés. Quand je lis dans le journal le Monde : " Cette flambée devrait inciter Bruxelles à réagir rapidement. Un Conseil européen des Ministres de l'agriculture s'est tenu le 16 juillet. Les jachères obligatoires, qui représentent 10% des terres cultivées, seront supprimées lors de la prochaine campagne. Bruxelles estime que cette mesure devrait permettre de produire au moins 10 millions de tonnes supplémentaires en 2008" je suis stupéfait. Trois ans pour réagir, une paille ? La buraucratie bruxelloise, empétrée dans ses grands principes de "tout pour le marché" est aveugle et sourde, lourde comme un porte-avions, incapable, comme l'était le Gosplan d'anticiper. Depuis que je les pratique, ils se sont toujours trompés, toujours en retard d'une guerre, toujours aussi suffisants et donneurs de leçons. N'oublions pas que le blé est un produit stockable, que la France, pour le plus grand plaisir des IGREF est couverte de silos à grains, que nous sommes en capacité de jouer un rôle important dans la régulation du marché mondial. Foin de ces conneries régulatrices, les beaux esprits de la DG VI ont préféré faire joujou avec le blé Ukrainien, quite à peser sur la sécurité alimentaire de ce pays, et aujourd'hui celui-ci se voit dans l'obligation de mettre en place des quotas pour limiter ses exportations à 2,5 millions de tonnes, après un pic à 6,5 millions en 2005. Je passe sur la jachère industrielle où, là encore, ils ont freiné des 4 fers avant de retourner leur veste. Toujours tout faux les mecs !
Alors, comprenez que je n'ai nul envie de confier les clés de l'avenir de la viticulture européenne à ces " désastronautes ". Et pourtant nous sommes engagés sur ce chemin faute d'avoir su prendre notre destin en main. Comme les experts de Mackinsey avec le désastre d'Enron aux USA, l'adage " les conseilleurs ne sont pas les payeurs" joue plein pot avec nos grands prévisionnistes de la DG VI. Pour ma part, si l'on s'achemine vers un démantelement de tous les outils de régulation, ce qui peu parfaitement se concevoir et produire des effets structurants à terme, je l'ai expliqué dans ma chronique : les raisons de ma colère, je demande aux décideurs européens d'engager de concert un vaste plan social pour réduire les effectifs de la DG VI. Dans une économie "libérée" nous n'avons nul besoin d'une bureaucratie tatillonne pour compter le nombre de coquelicots au m2 ou faire suer le burnous sur la dimenssion des panneaux annonçant le financement de travaux par le FEOGA. La subsidiarité suffira à notre bonheur. Pour autant, pour montrer l'exemple, nous nous devrons de faire nous aussi un léger ménage dans l'ensemble des zinzins qui "encadrent" et pompent de la substance financière sur notre viticulture. Mon souci d'élagage ne va pas jusqu'à l'abattage, je reste un partisan de la mise en oeuvre, comme le font nos grands concurrents, d'outils de réflexion collective débouchant sur une stratégie définissant les voies et moyens d'atteindre les objectifs souhaités. Qu'on le veuille ou non, les succès que nous avons connus, qui d'ailleurs nous placent toujours en bon rang, sont le fruit de la proximité et du sens de la responsabilité qu'on sut avoir, à cette époque, la puissance publique et les professionnels.