Il m’est difficile de résister à l’attrait d’une librairie lorsque je baguenaude, ce fut le cas jeudi, je faisais baby-sitter les enseignants étaient en grève, une halte en librairie est aussi prisée par la jeune lectrice : se plonger dans les exploits de l’affreuse Adèle.
Depuis plusieurs jours, dans ma vieille tête tournait une idée : puisque c’est très tendance de souligner l’arrivée des femmes dans le monde du vin, plus spécialement autour du vin mais aussi dans les vignes et dans les chais, je caressais le projet de mettre en lumière la place des femmes dans le monde agricole, les paysannes invisibles, mémé Marie et la tante Valentine besochant les betteraves, Roundup manuel, puis par le soin de Pisani : l’exploitation familiale à 2 UTH (affreux acronyme : unité de Travail Humain), des agricultrices presqu’aussi invisibles, le monde ne commence pas avec vous jeunes gens, il existait bien avant. Le combat de l’émergence des femmes, leur reconnaissance économique et sociale sont un long chemin semé d’embuches.
Et je tombe sur :
Paysanne : «femme du paysan». Ainsi les dictionnaires du XIXe siècle définissent-ils, dans une France rurale jusqu’en 1914, les aïeules des agricultrices d’aujourd’hui, moteur, selon l’autrice, de la «mutation du monde rural».
Issue de celui-ci, comme sa préfacière, elle donne à lire une anthologie, revendiquée subjective, qui guette l’émergence de ces femmes dans la littérature. Car si le monde paysan fut victime d’appellations péjoratives (rustre, bouseux, plouc, etc.) sa partie féminine et son indispensable labeur furent le plus souvent invisibilisés ou caricaturés par les écrivains.
Peu à peu, ces femmes fortes se sont glissées dans les récits, discrètes chez Balzac, plus affirmées chez George Sand, Gustave Flaubert, Émile Zola ou Jean Giono. De leur constante présence, de leur opiniâtreté face à une vie rude, de leur amour de la terre témoignent ici des photographies réalistes. Pour évoquer cet univers rural au féminin, des plumes étrangères s’invitent aussi dans ce bel hommage, un rien nostalgique.
Josiane Gonthier, Les Paysannes. Portraits littéraires, préface de Marie-Hélène Lafon, Turquoise, 157 pp., 20 €. ICI
Résumé :
« Les plus silencieuses d’entre les femmes », dit d’elles l’historienne Michelle Perrot ; cette anthologie les montre dans leur grandeur et leurs servitudes, leur force et leur détermination, l’âpreté et les joies de leur existence de paysannes.
Josiane Gonthier est fille de paysans savoyards ; ses études de lettres et son engagement féministe l’ont conduite à s’intéresser aux représentations que la littérature donne des femmes de la terre. Ce recueil rassemble trente-huit textes choisis dans des œuvres françaises et étrangères, rédigées par des autrices et auteurs tantôt illustres, tantôt méconnus ou inconnus du grand public. Un cahier de photographies sur les paysannes de Savoie et de l’Ain complète l’ouvrage. Sont aussi fournies des données chiffrées concernant les agricultrices en France et dans le monde.
De l’Antiquité au XXIe siècle, les paysannes – qui ne constituent pas moins du quart de la population mondiale – ont inspiré des portraits parfois cruels, tendres ou drôles, rêveurs ou révoltés. Mais d’une vérité toujours saisissante, voire inquiétante. Avec Marguerite de Navarre, Victor Hugo, George Sand, Gustave Flaubert, Amélie Gex, Marcel Proust, Colette, William Faulkner, Nazim Hikmet, Marguerite Duras, Agota Kristof, Aki Shimazaki et les autres, c’est un univers rural, à la fois familier et campé sur ses secrets, qui révèle sa part invisible : les femmes.
Josiane Gonthier, née à Aix-les-Bains (Savoie), est professeure agrégée de lettres. En 1983, elle a rejoint la présidence de la République où elle a servi sous les deux mandats de François Mitterrand. Elle a poursuivi sa carrière dans les instances françaises puis internationales de la Francophonie. Elle a contribué à de nombreuses publications portant sur la langue française et sur les femmes.