Gérard Bancillon, président de la Confédération des vins à Indication Géographique Protégée de France, ne fait pas dans la dentelle, il sort son 49.3 : la sébile tendue aux pouvoirs publics : « Il va falloir sortir le carnet de chèques »
La perfusion d’argent public, communautaire et national, fut pendant des décennies la recette des producteurs de vin de table.
Le 8 août 2007 j’écrivais à Mariann Fischer Boel
Madame la Commissaire,
Je suis déçu. En vous, femme du Nord soucieuse des consommateurs, j'avais placé des espoirs immodérés : j'espérais que votre réforme dégraisserait le mammouth viti-vinicole survivance d'un temps où le vin - le gros rouge colonial puis transalpin - se transportait par pinardiers, trains entiers pour être assemblé en plein cœur de Paris à Bercy. Notre divin nectar y était traité comme un vulgaire boisseau de blé, bref comme une commodité - commodity pour vous chère Mariann - avec ses contrats de stockage à court et long terme, sa garantie de bonne fin et sa palanquée de distillations en tout genre.
Ce fut ensuite la "guerre du vin" menée par une poignée d'irréductibles de notre Midi : Montredon, l'Ampelos à Sète, des morts et, en 1986, un comble pour des vins médecins, du méthanol assassin en provenance d'Italie...
Produire, produire, pour rien, alors nous avons, à Dublin, avec Michel Rocard, décidé de la double peine : l'arrachage et la distillation obligatoire à bas prix pour les hauts rendements (DO). En clair, on nettoie la base, on brise la productivité, et ce fut le triomphe des VQPRD. Notre Midi releva la tête et le défi.
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Nous nous croyions sortis de l’auberge la presque totalité de nos vins accédaient à l’identification géographiques, enfermés dans un corpus de règles d’apparence qualitative : AOC-AOP, IGP, exit les vins sans origine ni qualité, et puis patatras, les consommateurs de beaucoup de ces vins ripolinés, peuplant les murs de vin de la GD, vendus 2 balles, n’étaient plus au rendez-vous, les boomers, gros acheteurs, pousseurs de caddies, comme tout un chacun, vieillissent, disparaissent, ne passent plus au tiroir-caisse.
Aux vieilles lamentations sur le bashing du vin par la loi Evin, se sont ajoutées la Covid, la guerre d’Ukraine, l’essoufflement de la demande chinoise, le retour de l’inflation, masquant la réalité pourtant prévisible : la saturation de notre marché domestique des petits vins, le ventre mou de notre production.
Retour à la politique de la main tendue dans l’urgence, l’absence d’analyse sérieuse de notre potentiel commercial. Pour beaucoup d’entreprises vigneronnes la faillite pointe son sale nez et je ne suis pas en train de plaider pour une politique qui les laisseraient tomber mais pour une prise en compte de la réalité.
Au passage, nous sommes loin des vapeurs de Michel Bettane sur ces vins vites fait, vite bu, ici nous sommes face à la masse des vins invendus. Le vrac, celui qui circule dans les gros camions : produits alimentaires, des vins boissons, des vins sans avenir.
Y'A PLUS QU'À
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À situation de crise, il faut des solutions de crise » pose Gérard Bancillon, le président de la Confédération des vins à Indication Géographique Protégée de France, en appelant au soutien financier du gouvernement français et de la Commission Européenne. Alors que les vendanges/vinifications s’achèvent, le viticulteur gardois appelle les pouvoirs publics à rapidement saisir les enjeux de la filière vin pour débloquer les tensions qui menacent toujours plus ses opérateurs. N’ayant pas eu écho d’avancées depuis la réunion estivale des représentants du vignoble et du négoce avec le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, Gérard Bancillon milite pour une nouvelle réunion dans les prochaines semaines : « il faut aller très très vite et que les préfets de région se mobilisent pour étudier les situations selon chaque bassin » pointe Gérard Bancillon, soulignant la diversité de fortune d’un vignoble à l’autre.
« On a des régions en France où il y a de vraies dynamiques de demande et où il manque de la réserve (Bourgogne, Champagne…) qu’il faut soutenir (avec des rendements au-delà du butoir), il y a des régions où les marchés sont moins dynamiques et il y a des régions où les marchés sont plantés. Il va falloir sortir le carnet de chèques » prévient le président des vins IGP, qui veut rapidement la mise en place d’outils de distillation de crise et d’arrachage primé. Appelant à des actions différenciées selon les régions, il prône la distillation de crise pour apurer les stocks pâtissant de problèmes conjoncturels. « Comme certains vins IGP vendant beaucoup en Grande Distribution et faisant face, avec la guerre en Ukraine, à une inflation poussant les consommateurs à choisir produits de première nécessité pour leurs caddies. C’est un souci passager pour certaines IGP, avec des volumes à résorber par distillation » détaille Gérard Bancillon, précisant qu’il n’y aurait pas l’IGP du Vaucluse à être intéressée.
« D’autres auront des besoins. Que l’on soit clair, il y a des caves qui, malgré la petite récole de 2021 et son gel du siècle, sont encore à moitié pleines : il faut se dépêcher » alerte-t-il, rapportant que la France « vient de rentrer une récolte plutôt correcte, il faut réagir rapidement pour éviter la baisse des prix : que faire de tout ce vin ? 2023, c’est l’année de tous les dangers au niveau du vrac. Il faut donner une lueur d’espoir aux viticulteurs avec la distillation et l’arrachage, pour estomper la déconsommation, éviter que les marchés s’effondrent et donner espoir à ceux qui continuent. » Reste à convaincre la Commission Européenne de la nécessité de débloquer une nouvelle distillation de crise, après celle de la pandémie de covid-19. Les derniers retours de Bruxelles indiquent plutôt un refus, « Avec la guerre en Ukraine, on se trouve face à une inflation exceptionnelle et dans le cas d’une crise spécifique, grave, qui ressemble à celle du covid » réagit le président des vins IGP.
Expertiser les possibilités de financement de l’arrachage
Le ministère répond à côté de l'attente vigneronne sur le remboursement des PGE
En complément d’une distillation de crise conjoncturelle, Gérard Bancillon défend un arrachage structurel : « il y a des régions parmi les plus célèbres qui ont des problèmes structurels et devront arracher : il y a Bordeaux, mais pas que » note Gérard Bancillon, évoquant des cours ponctuellement trop faibles en AOP du Languedoc. Si la filière viticole française est unie devant le besoin et le principe d’un arrachage à Bordeaux (en témoigne le Syndicat des Vignerons de l’Aude, voir encadré), tout le défi est désormais de trouver un moyen de le financer pour passer au concret (la demande est vive en Gironde). « Il faut tout mettre à plat et expertiser les possibilités de financement de l’arrachage : entre piocher dans le Plan Stratégique National (PSN) et recourir aux fonds Feader (via les régions) » estime Gérard Bancillon.
Dossiers chauds
Dans tous les cas, peut importe le moyen tant que la filière arrive à ses fins pour le président des vins IGP, qui martèle l’urgence d’agir sur les autres dossiers vitivinicoles en souffrance : la révision de la moyenne olympique pour renforcer l’assurance climatique, modifier les critères de fertilisation de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE), allongement automatique du remboursement des Prêts Garantis par l'Etat (PGE), modification fiscalité Dotation pour Épargne de Précaution (DEP)… De quoi peser sur le moral vigneron, déjà bien entamé par les hausses de tous les coûts de production (produits phytosanitaires, salaires, engrais… et GNR). En IGP Pays d’Oc, les frais fixes moyens de 3 500 €/ha augmentent de 750 €/ha indique Gérard Bancillon, notant qu’avec un rendement de 70 hl/ha, il faudrait une augmentation de plus de 10 €/hl des cours du vrac. « Je ne suis pas sûr que l’on y arrive d’après les premiers retours d’acheteurs... Je comprends qu’il n’y ait pas d’euphorie, les retiraisons ne se font pas parce que la consommation baisse. On observe une nouvelle déconsommation qui arrive sur une érosion chronique de la consommation » analyse-t-il. Ce qui appelle à d’amples réflexions au sein de la filière vin pour lancer une stratégie d’évolution sur la production et la consommation de demain.